Les interventions en séance

Budget
31/07/2012

«Projet de loi de finances rectificative pour 2012-Adoption des conclusions modifiées de la Commission Mixte Paritaire»

M. Jean Arthuis

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de la discussion du premier projet de loi de finances rectificative du nouveau gouvernement et de la nouvelle majorité. Ce rendez-vous était attendu, et nous nous réjouissons que la commission mixte paritaire ait pu parvenir à un accord. Je tiens à saluer la qualité de l’exercice auquel s’est livré M. le rapporteur général au nom de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Je veux également me réjouir que les propositions de notre collègue Jarlier, propositions qu’il avait conçues avec François Marc, aient emporté l’adhésion du Sénat et de l’Assemblée nationale. Je pense que les collectivités territoriales y trouveront un motif de satisfaction. Je regrette cependant que l’on n’ait pas pu dès maintenant mettre bon ordre aux nominations d’ambassadeurs thématiques, mais rendez-vous est pris à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour l’année 2013. Monsieur le ministre délégué, la France et l’Europe sont en crise. Face à la gravité de cette situation, nous avons deux problèmes majeurs à résoudre : rééquilibrer nos finances publiques et retrouver de la compétitivité, sans laquelle il est vain de prétendre vouloir créer suffisamment d’emplois pour faire refluer le chômage et redonner du pouvoir d’achat à nos compatriotes. J’évoquerai en premier lieu le rééquilibrage des finances publiques. Vous répondez aux engagements de la France en ramenant le déficit public pour l’année 2012 à 4,5 % du produit intérieur brut, mais, pour cela, vous recourez au moyen sans doute le plus commode, à savoir l’alourdissement de la fiscalité. Et vous n’y allez pas de main morte ! En effet, dès 2012, nos concitoyens devront consentir un effort supplémentaire de 7 milliards d’euros : 4 milliards d’euros pour les ménages et 3 milliards d’euros pour les entreprises. Toutefois, chacun sait bien que, lorsqu’on fait peser sur les entreprises un impôt supplémentaire, vient un moment où le coût se répercute sur les prix des produits payés par les consommateurs. Au final, je gage que cela fera 7 milliards de contributions supplémentaires pour l’ensemble des Français. Or 7 milliards d’euros en 2012, cela signifie pratiquement 14 milliards d’euros en 2013. C’est une façon de commencer à résorber le déficit prévisionnel excessif de 33 milliards d’euros afin d’être au rendez-vous de l’objectif de 3 % à la fin de l’année 2013. Reste que l’amélioration de la situation devra également passer par une réduction des dépenses publiques. Nous avions accompli un geste symbolique en ce sens, ici, au Sénat, tirant en cela les conséquences du rapport spécial de la Cour des comptes, reprises dans le rapport général, tous deux soulignant une anomalie majeure de gestion du Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT. Nous avions abaissé le taux de la masse salariale à 0,9 %. Vous venez de le remonter à 1 % dans la présente loi de finances rectificative. À deux mois des états généraux de la démocratie territoriale, les collectivités territoriales apprécieront ! Chacun doit également savoir que le CNFPT n’a pas le monopole des actions de formation des agents de la fonction publique territoriale. Ce n’est pas ainsi que l’on pourra commencer à réduire le niveau de la dépense publique. Vous vous montrez d’ailleurs bien timide et vous ne faites pas preuve d’une imagination considérable en la matière : vous vous contentez de détricoter ce que la législature précédente a conçu. En second lieu, j’évoquerai le problème majeur de la compétitivité. Une esquisse d’amélioration avait été mise en œuvre avec la TVA anti-délocalisation ou TVA sociale. Certes, le taux retenu était infime. À mon avis, il était même insuffisant pour permettre un véritable accroissement de la compétitivité, mais c’était une amorce. Au début du mois de juillet, lors de la conférence sociale, le Gouvernement et les partenaires sociaux ont semble-t-il commencé à admettre qu’il fallait alléger les charges sociales pour améliorer la compétitivité. Mais comment allez-vous financer ces allégements ? La hausse de la CSG était dans tous les esprits. De mon point de vue, ce n’est pas la bonne solution, car la CSG sera nécessaire pour financer la dépendance et pour réduire le déficit public. Or voilà que Jérôme Cahuzac vient de déclarer qu’il n’était pas question d’augmenter la CSG en 2013 ! Le petit espoir que l’on voyait poindre à l’horizon vient de disparaître. Dans ces conditions, comment va-t-on réduire le déficit de compétitivité ? Je persiste à penser qu’il vous faudra reconnaître la nécessité d’alléger les charges sociales. Si vous le faites, ne le faites donc pas à moitié. Un basculement de 40 milliards à 50 milliards d’euros est nécessaire. Dans ces conditions, la seule solution à votre portée sera une augmentation significative du taux de la TVA. Cette occasion a été manquée. À titre personnel, je le regrette, comme mes amis de l’Union centriste et républicaine. Certes, nous aurons de nouveaux rendez-vous prochainement, mais, en attendant, que va-t-il se passer pour les salariés de Peugeot qui vont perdre leur emploi ? La fermeture du site d’Aulnay-sous-Bois est un coup de tonnerre, et les plans sociaux se multiplient ! Nos concitoyens vivent dans l’angoisse de perdre leur travail. Qu’adviendra-t-il également des sous-traitants de l’automobile ? D’ailleurs, qu’est-ce que ce procès fait à Peugeot d’avoir eu l’audace de tenter de produire encore des automobiles en France ? Le ministre du redressement productif vient d’exercer une pression sur le Syndicat des transports d’Île-de-France, qui envisage de délocaliser des centres d’appels téléphoniques. M. Sapin a annoncé qu’il faudrait peut-être revoir le code des marchés publics, qu’il connaît bien puisque c’est lui qui a conduit à le complexifier au lendemain de l’affaire Urba Conseil. Mais tout cela est du raccommodage ! Sans doute faut-il simplifier le code des marchés publics, mais exercer cette pression en ayant recours à ces moyens ne réglera pas le problème. Si vous souhaitez faciliter le maintien des centres d’appels téléphoniques en France, pensez à alléger les charges sociales qui pèsent sur les salaires ! Je l’ai dit lors de la discussion générale, je l’ai répété à l’occasion de l’examen des articles, et je vais le redire une fois de plus : à l’heure de la mondialisation, c’est en achetant des produits fabriqués en France et non des produits venus de l’étranger que les citoyens consommateurs participent au financement de leur protection sociale. Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe de l’Union centriste et républicaine ne pourra voter le premier projet de loi de finances rectificative du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)