Les interventions en séance

Aménagement du territoire
30/11/2011

«Projet de loi de finances pour 2012 - Mission «Relations avec les collectivités territoriales» »

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial de la commission des finances

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est en quelques mots que je vous présenterai, à la suite de François Marc qui s’est exprimé sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ». Au préalable, qu’il me soit permis de souligner que je partage l’avis de François Marc sur la nécessité de pouvoir bénéficier de simulations fiables, indispensables à l’analyse de nos propositions et à une parfaite information du Sénat. Ma présentation sera brève. Il s’agit pourtant du principal compte d’avances du budget de l’État, dont les crédits s’élèvent à plus de 90 milliards d’euros en 2012. Pour 99,99 % d’entre eux, ils correspondent aux avances effectuées sur les recettes fiscales des collectivités territoriales et de certains organismes comme les chambres consulaires ainsi qu’à ceux correspondants à la part de taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, affectée à chaque département au titre de la compensation financière du RMI et du RSA. Après avoir fortement baissé en 2010 en raison de la suppression de la taxe professionnelle, la seconde section du compte d’avances a donc retrouvé depuis deux ans son niveau de montants antérieur. La seconde section du compte d’avances retrace les avances de l’État à des collectivités territoriales et à des établissements publics connaissant des difficultés de trésorerie ou ayant besoin d’emprunter. Elle est très peu active, aucune collectivité n’ayant recours actuellement aux procédures d’avances. En conséquence, seule une action du programme correspondant est provisionnée à hauteur de 6 millions d’euros. En ce qui concerne la dette de 289 millions d’euros dont la Nouvelle-Calédonie est débitrice depuis 1990 et dont nous parlons régulièrement, nous avons noté une avancée positive puisqu’il semble qu’une mission commune de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de l’administration sera mandatée pour définir un échéancier de remboursement, compatible avec les capacités financières de la Nouvelle-Calédonie. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous apporter des éléments d’information à ce sujet ? Le principal enjeu de notre discussion d’aujourd’hui sont les dispositifs de péréquation horizontale et les nouvelles définitions des potentiels financiers et fiscaux qui sont prévus dans les articles rattachés à la mission. Je souhaite vous présenter un rapide bilan de la péréquation. La péréquation est un objectif à valeur constitutionnelle depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003. Pour chaque niveau de collectivité, les dotations de péréquation versées par l’État, au titre de la péréquation dite « verticale », sont en augmentation continue au sein de la dotation globale de fonctionnement, la DGF : près de 50 % de plus pour la dotation de solidarité rurale, DSR, et la dotation de solidarité urbaine, la DSU, depuis 2006. Toutefois, en raison de la stabilisation de la DGF puis de son gel, cette progression n’a été obtenue qu’au prix d’une compression des autres composantes, notamment du complément de garantie de la dotation forfaitaire de la DGF et des dotations de compensation. Cette compression est encore d’actualité cette année. La péréquation verticale se finance donc par un prélèvement direct sur les dotations des collectivités, ce qui revient à mettre en place une péréquation horizontale entre ces dernières au sein même de la DGF. En 2011, le poids de ces dotations de péréquation est très différent selon les collectivités : 2 918,4 millions d’euros pour les communes, soit 23,26 % de la DGF ; 1 383 millions d’euros pour les départements, soit 11,3 % de la DGF ; 183 millions d’euros pour les régions, soit 3,5 % de la DGF. Contrairement à ce que l’on pourrait croire au premier abord en observant les montants affectés à la péréquation, les études menées sur les effets péréquateurs de ces dotations ont conclu à un bilan contrasté de l’efficacité des dispositifs mis en place. Les écarts de richesse se sont accentués en ce qui concerne les communes et les départements alors que ceux des régions se sont réduits. Depuis 1991, une autre forme de péréquation s’est mise en place, à savoir la répartition des ressources entre collectivités, soit la péréquation « horizontale ». Elle ne comprenait, jusqu’à présent, que deux instruments : les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, les FDPTP, et le fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, le FSRIF. La réforme des finances locales et la suppression de la taxe professionnelle en 2010 ont rendu le fonctionnement de ces fonds impossible, car ils étaient principalement assis sur les bases de cet impôt. C’est ce qui a justifié la mise en place de nouveaux instruments de péréquation horizontale visant à contrebalancer la territorialisation des nouvelles impositions économiques : les fonds régionaux et départementaux de péréquation sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, qui entreront en vigueur en 2013 ; le Fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements, qui est en vigueur depuis l’année dernière et qui a permis de redistribuer 440 millions d’euros entre les départements. C’est dans le projet de loi de finances pour 2012 que se trouvent les dispositifs concernant le bloc communal devant entrer en vigueur dès le 1er janvier : le nouveau Fonds national de péréquation intercommunal et communal, FPIC, et le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France rénové. L’année 2011 a été mise à profit à la fois par le Comité des finances locales, par les associations d’élus, par le Parlement et par le Gouvernement pour élaborer les propositions soumises à notre examen aujourd’hui. Globalement, le principe proposé relève d’un véritable travail de coproduction, le Gouvernement ayant repris la majorité des préconisations formulées par l’ensemble des groupes de travail : un fonds national unique dont les ressources augmentent progressivement pour atteindre 2 % des recettes fiscales, soit environ 1 milliard d’euros en 2016, ainsi que l’a souhaité l’Assemblée nationale ; un fonds intercommunal prélevé sur les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, qui bénéficiera aux communes et aux EPCI, chacun pouvant être à la fois contributeur et bénéficiaire ; une nouvelle approche territoriale des indicateurs de richesse fondée sur une définition à l’échelle intercommunale du potentiel financier, à savoir le potentiel financier agrégé. Si je crois pouvoir dire que le consensus existe sur ces trois axes, plusieurs points essentiels suscitent de nombreuses interrogations et méritent d’être mis en débat ici. Je pense au calendrier de mise en œuvre de la réforme ainsi qu’à la prise en compte ou non de strates démographiques pour apprécier les collectivités contributrices, notamment au regard des effets de seuils induits, parfois importants. Je pense également à la situation des communes bénéficiaires de la DSU ou de la DSR dans ce dispositif, ou au poids des critères de charge synthétique dans les modalités de redistribution du fonds pour mieux prendre en compte la fragilité de certains territoires. Je pense, enfin, au traitement de certaines particularités parmi lesquelles le cas des communes pauvres au sein d’une intercommunalité riche, et inversement. Pour terminer, j’évoquerai très rapidement la nouvelle définition du potentiel fiscal issu de la réforme de la taxe professionnelle. La prise en compte dans le calcul du fonds de péréquation de ce nouvel indicateur, qui intègre notamment le Fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR, et la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, la DCRTP, provoque une variation considérable de la richesse théorique des collectivités au regard de ces nouveaux critères. On en a déjà observé les conséquences pour les départements et tiré les conclusions pour les régions. En effet, sont pris en compte dans le FNGIR et la DCRTP non plus des potentiels fiscaux, mais des produits. De ce fait, s’agissant des communes et des EPCI, si leurs taux de taxe professionnelle étaient élevés, souvent en raison de la faiblesse de leurs bases, ils seront pénalisés. À l’inverse, ceux dont les taux étaient bas, souvent associés à des bases fortes, seront favorisés. En particulier, les bénéficiaires d’un FNGIR élevé, comme les bassins industriels ou les zones rurales à bases faibles, seront soumis à une double peine : ils subiront à la fois une baisse très forte de la dynamique de leurs ressources et une augmentation que je qualifierai d’« optique », – ils ne bénéficieront en effet pas de nouvelles recettes – de leur potentiel financier. Cela aura deux conséquences : d’une part, une plus forte contribution au fonds de péréquation horizontale ; d’autre part, une perte éventuelle d’éligibilité aux DSU et aux DSR, et ce dès 2012. Autrement dit, en l’état actuel, les pauvres seront plus pauvres et les riches plus riches, ce qui est contraire à l’objectif fixé et réduit considérablement l’efficacité du dispositif proposé, à la base même du calcul. Le Gouvernement a d’ailleurs prévu plusieurs filets de sécurité dans le projet de loi de finances pour 2012 afin d’atténuer les effets de la perte d’éligibilité à ces dotations. Ce sont autant de sujets qui justifient le nombre important d’amendements que nous aurons à examiner, ce qui nous conduira sans doute à faire évoluer le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale. Les élus, monsieur le ministre, sont en attente d’une vraie solidarité entre collectivités, assise sur des mécanismes de péréquation efficaces et équitables. (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste-EELV.)