Les interventions en séance

Budget
Vincent Capo-Canellas 30/10/2012

«Proposition de loi, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre-Exception d՚irrecevabilité»

M. Vincent Capo-Canellas

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’objet de la motion qui a été adoptée la semaine dernière par la commission des affaires économiques et qui vient de nous être présentée en séance publique comporte plusieurs critiques à l’endroit de cette proposition de loi : rupture d’égalité devant l’accès à l’énergie, rupture du principe de péréquation tarifaire, incompétence négative du législateur et non-respect du principe de proportionnalité de l’effort fiscal. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble de ces critiques, même si je les reprends à mon compte. Je l’ai dit lors de la discussion générale, les objectifs de cette proposition de loi sont défendables, et même louables. Sur toutes les travées, nous sommes prêts à accélérer la transition énergétique en améliorant la performance des logements. Sur toutes les travées, nous sommes prêts à accompagner la hausse inéluctable des tarifs de l’énergie en luttant contre la précarité énergétique et en instaurant une véritable progressivité des tarifs. Néanmoins, rien n’a été fait, tant sur la forme que sur le fond, pour nous permettre de travailler dans la sérénité. Tout d’abord, le choix de déposer une proposition de loi plutôt qu’un projet de loi nous prive d’une étude d’impact, de l’avis juridique du Conseil d’État ou encore de la possibilité de consulter la Commission nationale de l’informatique et des libertés sur la gestion des fichiers de consommateurs d’énergie. (Mme la ministre le conteste.) Il aurait été préférable de recourir à un autre vecteur législatif pour traiter ce sujet si important, qui touche l’ensemble des ménages français. Je ne minimise pas l’importance des propositions de loi, mais le législateur a aussi besoin des expertises des administrations centrales pour établir la loi, pour qu’elle soit acceptée et applicable. Lorsqu’un texte est aussi complexe, c’est une nécessité. Ensuite, le recours à la procédure accélérée traduit une fois de plus l’impréparation du Gouvernement dans l’organisation de ses réformes et sa désinvolture à l’égard du Parlement. Nous légiférons sur les outils visant à améliorer la consommation énergétique, alors qu’un débat national et un projet de loi de programmation sur la transition énergétique nous ont été promis. Par ailleurs, sur un texte aussi technique, une seule lecture ne saurait évidemment permettre aux deux assemblées de trouver un accord. Mais peut-être souhaitez-vous passer en force, madame la ministre ? Comme nous l’avons souligné lors de la discussion générale, le vote de cette motion annonce le rejet ultérieur des éventuelles conclusions de la commission mixte paritaire. Cela permettra, si le Gouvernement souhaite encore l’adoption de ce texte, une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat. Profitons du temps qui nous sépare de cette échéance pour approfondir les propositions du Sénat et perfectionner des dispositifs applicables, simples et surtout justes. Le manque de justice du dispositif présenté est la critique majeure qui a retenu mon attention lors de la présentation de la motion. Les mesures proposées nous semblent très injustes et de nature à créer des distorsions entre les consommateurs, en pénalisant principalement les classes moyennes. Malheureusement, l’application du dispositif de bonus-malus aurait surtout pour effet de créer un malus-malus pour les classes moyennes, qui vivent dans des logements pas toujours neufs, pas toujours bien isolés et qui consomment déjà beaucoup d’énergie. Ce sont les mêmes ménages qui n’auront pas les moyens d’investir dans leur logement pour en améliorer la performance énergétique. En ce qui concerne la question des tarifs sociaux et de la trêve hivernale, nous sommes prêts à examiner un texte spécifique. S’agissant de l’arc républicain qui soutient la motion, je rappellerai que tous les orateurs ont exprimé leur scepticisme sur le texte. Vous avez pu les entendre voilà plus de quinze jours en commission, madame la ministre, mais vous avez préféré faire la sourde oreille et continuer votre chemin, malgré le court-circuit provoqué par l’adoption de la motion. Vous nous enjoignez de voter ce texte parce que l’hiver est là, mais un tel argument vous renvoie à votre propre impréparation ! L’arrivée de l’hiver n’est une surprise pour personne ! Enfin, inviter à voter un mauvais texte, reconnu comme tel par beaucoup dans cet hémicycle, au prétexte que le Gouvernement n’a pas su faire mieux, voilà qui est tout de même absurde ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Le Parlement se respecte : il vote un texte s’il est bon, il le rejette s’il ne l’est pas. Pour notre part, nous considérons que le dispositif n’est pas améliorable dans les conditions qui nous sont proposées. En conclusion, parce que le texte présenté ne permettra pas d’atteindre tous les objectifs assignés et que la réflexion doit être largement approfondie, le groupe UDI-UC votera cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)