Les interventions en séance

Affaires étrangères et coopération
Yves Pozzo di Borgo 29/11/2011

«Projet de loi de finances pour 2012 - Mission « Action extérieure de l՚Etat » »

M. Yves Pozzo di Borgo

Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le traité de Lisbonne devait permettre de renforcer la place et l’influence de l’Union européenne sur la scène diplomatique. La création du poste de Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et la mise en place du Service européen pour l’action extérieure devaient permettre à l’Union européenne de disposer d’une véritable politique étrangère commune. Deux ans après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, le bilan n’est pas satisfaisant, pour ne pas dire décevant. Comme nous l’avons vu lors de la crise libyenne, les États membres de l’Union européenne restent profondément divisés, et l’Union européenne n’arrive toujours pas à parler d’une seule voix sur la scène internationale. En définitive, dans l’affaire libyenne, l’Europe est restée totalement absente d’une crise majeure à proximité immédiate de ses frontières, exactement comme il y a quinze ans dans les Balkans. C’est la France et la Grande-Bretagne qui l’ont remplacée… Et je pourrais mentionner bien d’autres exemples encore, comme le vote en ordre dispersé des pays européens sur l’adhésion de la Palestine à l’UNESCO. Alors que les États-Unis seront, à l’avenir, conduits à se détourner de plus en plus de l’Europe, au profit de l’Asie, et face aux puissances émergentes, comme la Chine, l’Inde ou le Brésil, l’Union européenne n’arrivera à jouer un rôle sur la scène internationale et à devenir une puissance dans la mondialisation que si elle arrive à parler d’une seule voix sur la scène internationale. Mais cela suppose de renforcer la cohérence et la coordination des diplomaties nationales sous la houlette du Service européen pour l’action extérieure. Malheureusement, vous le savez bien, nous n’y sommes pas encore. Pourtant, les défis ne manquent pas. Je pense naturellement à notre voisinage immédiat, aux pays de la Méditerranée, au sud, et à la Russie, à l’est. Ayant rédigé deux rapports d’information sur les relations entre l’Union européenne et la Russie, l’un en 2007 et l’autre l’été dernier, j’ai pu constater l’absence de véritables progrès au cours des trois dernières années. Or, entre l’Union européenne et la Russie, il existe une véritable interdépendance non seulement en matière d’approvisionnement énergétique, mais aussi concernant les questions de sécurité. Il est donc indispensable de renforcer notre relation avec la Russie, en défendant avec fermeté nos valeurs et nos intérêts, mais sans dogmatisme excessif. Je pense notamment au troisième « paquet énergie » ou aux négociations sur l’entrée de la Russie dans l’OMC, car il est dans notre intérêt de rapprocher la Russie de l’Europe, plutôt que de voir celle-ci se tourner vers d’autres pays comme la Chine. Il est donc indispensable de parler d’une seule voix à l’égard de la Russie, dans le cadre de l’Union européenne, pour ce qui concerne les questions commerciales ou la levée des visas, ou, dans le cadre de l’OTAN, pour ce qui concerne notamment le système de défense antimissiles. Les pays de la rive sud de la Méditerranée sont également soumis à des bouleversements majeurs, et l’Europe a été spectatrice des événements qui s’y sont produits. Quelles seront les conséquences de la victoire des partis islamistes en Tunisie, au Maroc et, bientôt, en Égypte ? Cette situation témoigne, certes, de l’expression de la démocratie, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Mais cela ne nous empêche pas de réfléchir en commun en Europe à la nouvelle synergie qui se met en place sous l’autorité intellectuelle des Frères musulmans, qui irriguent, en Tunisie, le parti islamiste Ennahda, au Maroc, le PJD, en Égypte et dans les pays du Golfe. Demandons-nous également si l’échec récent essuyé par le Rafale dans les Émirats arabes unis n’est pas dû à cette nouvelle donne intellectuelle. Nous ne pouvons pas rester indifférents à la répression brutale du régime syrien, et je tiens, monsieur le ministre d’État, à saluer votre détermination sur ce dossier, même si la Russie semble toujours s’opposer fermement à toute idée de sanction. J’en viens maintenant au budget qui nous occupe. Au risque de choquer certains de nos collègues qui sont prompts à réclamer toujours plus de dépenses, je souhaite rappeler ici l’impérieuse nécessité pour notre pays de mettre un terme à l’augmentation de nos déficits. Face à la grave crise de nos finances publiques, qui menace notre économie et même les fondements de la monnaie unique et de la construction européenne, il est indispensable que les administrations publiques participent à l’effort de réduction des déficits publics. Monsieur le ministre d’État, votre ministère n’échappe pas à cette règle, même s’il avait déjà consenti des efforts bien avant la révision générale des politiques publiques. Je continue toutefois de penser que des économies restent toujours possibles. Je pense, par exemple, à la co-localisation de nos consulats ou centres culturels avec nos partenaires européens, notamment allemands, ainsi qu’à la rationalisation de notre réseau diplomatique et consulaire, en particulier au sein de l’Union européenne, ou encore à la rationalisation de notre dispositif de coopération culturelle, avec la mise en place de l’Institut français. (M. Roland Courteau s’exclame.) Je crois qu’il ne serait pas raisonnable, dans la situation que nous connaissons, de réclamer toujours plus de moyens. Je souhaite que le Juppé de 1995–1997, qui avait mis de l’ordre dans la dérive budgétaire des années 1993–1995, marque plus son action en ce domaine ! Sous le bénéfice de ces observations, je voterai