Les interventions en séance

Droit et réglementations
Daniel Dubois 29/02/2012

«Projet de loi, relatif à la majoration des droits à construire»

M. Daniel Dubois

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, je ne perdrai pas de temps avec l’article unique désormais proposé à la discussion, tant, à mes yeux – je l’ai souligné tout à l’heure en commission –, il est entaché d’irrégularités, sur le fond comme sur la forme. Néanmoins, puisque le texte initial et celui de la commission sont respectivement simple et simpliste, je vais ici renouveler les questions, simples, que j’ai déjà posées en commission. J’anticipe peut-être un peu, mais je crains, monsieur le ministre, que la production de logements pour l’année 2012 ne soit en légère baisse. Cela va-t-il renforcer une demande déjà insatisfaite ? La réponse paraît évidente : c’est oui ! Faut-il construire plus de logements ? Oui, évidemment, puisque la politique de l’offre est la seule qui permettra à terme, mais pas dans l’immédiat, de colmater le déficit de logements actuels et d’agir sur le niveau des prix. Y a-t-il des zones particulièrement touchées ? La réponse est, là aussi, évidemment positive dans les agglomérations urbaines, notamment en Île-de-France, sans oublier les stations classées de tourisme. Enfin, faut-il construire plus tout en limitant la consommation des espaces agricoles et l’étalement urbain ? Nous répondons tous oui à cette question. Permettez-moi de rappeler quelques chiffres qui figuraient dans Les Échos de lundi dernier, à la suite de l’étude réalisée par les SAFER, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural : depuis quinze ans, pour étendre les villes, on utilise en moyenne 78 000 hectares par an, soit la consommation d’un département moyen tous les quatre ans ; en parallèle – c’est aussi précisé dans l’étude –, depuis 2005, les villes se sont étendues de 3,5 fois en surface. On consomme donc de plus en plus de terrains agricoles, on ne produit pas assez de logements, mais, dans le même temps, les villes sont en train de s’étendre. Mes chers collègues, nous sommes tous d’accord sur la réponse à apporter à ces questions. Il faut sans aucun doute, si l’on veut répondre à la crise du logement, construire plus en milieu urbain, et pour cela, c’est-à-dire pour résoudre ces contradictions et ce paradoxe, faire plus dense et plus haut. C’est incontournable ! Le problème soulevé est celui d’un urbanisme plus dense et de constructions – légèrement – plus hautes. Nous connaissons tous les difficultés liées à la construction de ces immeubles très élevés en région parisienne, pour lesquels il est difficile d’obtenir des réponses positives de la part des populations concernées. Mes chers collègues, selon nous, l’intérêt du texte initial était donc de mettre en exergue un débat qui s’impose : celui de la densification urbaine, qui, je le répète, ne pourra être poursuivie sans une évaluation préalable des possibilités de constructions supplémentaires sur les terrains préexistants. C’est la quadrature du cercle ! Cela dit, monsieur le ministre, il est vrai que l’application du présent texte pose un certain nombre de difficultés, que l’on ne peut pas ignorer. Déjà, en tant que telle, une seule mesure de ce type ne suffirait évidemment pas à régler la crise du logement. En effet, les maires, on le sait bien, sont confrontés aux problèmes suscités par leurs administrés. Par exemple, chaque fois qu’un immeuble locatif est construit dans un quartier, une association de défense se constitue. En revanche, monsieur le ministre, j’ai retenu que vous réfléchissiez à l’idée d’un bonus pour les maires bâtisseurs. Aujourd’hui, on parle de malus. Mettons plutôt en place un bonus pour ceux qui osent, pour ceux qui font plus, pour ceux qui créent de la densité et qui, naturellement, financent et mettent en œuvre les services publics qui en découlent. Si vous pouviez mener une réflexion sur ce sujet, ce serait parfait ! De toute évidence, cette mesure seule ne permet pas de répondre aux enjeux de la construction de logements. Il faut un arsenal de solutions complémentaires pour agir sur les différents leviers de la construction. Je voudrais en citer trois, que vous avez abordées, monsieur le ministre. Premièrement, il faut libérer plus de foncier. Au sein du groupe de travail sur l’urbanisme, il avait été envisagé, dans le cadre de la fiscalité sur les plus-values, de revenir sur la règle en vigueur et de décider que, moins longtemps un terrain serait conservé, moins la plus-value payée serait importante. C’est l’inverse du dispositif actuellement en place. Il faut absolument changer ce système, sous peine de bloquer fortement le foncier. Deuxièmement, j’en discute souvent avec certains de nos collègues, il faut favoriser l’urbanisme de projet au détriment de l’urbanisme procédurier. Il n’est nullement question de mettre en cause la politique volontariste des élus, mais, dans un certain nombre de documents d’urbanisme, la règle est tellement contraignante que des projets de qualité ne peuvent aboutir. Parfois, il faut le dire, les agents « se refilent » les règlements, qui sont parfois imposés dans les PLU sans raison. Troisièmement, et enfin, monsieur le ministre, je voudrais revenir, si vous me le permettez, sur les recours abusifs. Les procédures abusives sont aujourd’hui inacceptables, et il serait possible de faciliter la réalisation des opérations sans que cela coûte trop cher – a priori le prix acquitté serait nul – si l’on avait un peu de volonté. Même si la situation est complexe, à un moment donné il faut agir : 15 % des programmes immobiliers ne voient pas le jour à cause des recours « abusifs », c’est-à-dire qui ne sont pas fondés sur des moyens sérieux. Les exemples pleuvent, mais je ne citerai pas ceux que j’avais prévu de vous livrer avec force détails, monsieur le ministre, pour ne pas allonger le débat. Quoi qu’il en soit, ce type de recours non seulement empêche 15 % du stock de projets de voir le jour, mais aussi contribue à la fermeture de nombreuses petites agences d’architectes qui ne peuvent plus faire face à ces procédures. Les recours abusifs entraînent des surcoûts d’assurance ou de contreparties répercutées sur le prix de vente. Certains promoteurs – cela va loin ! – intègrent même le prix des recours dans leurs bilans, parce qu’ils savent que, de toute façon, ils vont devoir monnayer leurs projets. En arriver à de telles situations est tout à fait insupportable ! On ne peut plus se voiler la face sur ces pratiques qui gangrènent le secteur. En ces temps de crise, je rappelle que la construction d’un immeuble de près de 80 appartements, vous le savez bien, monsieur le ministre, représente 50 emplois pendant deux ans. Il faut donc impérativement créer un électrochoc pour faire cesser de tels usages. Dans cette perspective, j’ai déposé, avec mes collègues du groupe UCR, trois amendements dont l’un est cosigné par Élisabeth Lamure. Le premier a pour objet d’encadrer plus strictement l’intérêt à agir contre des décisions d’urbanisme. Saisi dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, le juge a rappelé dans sa décision du 17 juin dernier… Le juge a rappelé, disais-je, que l’intérêt à agir pouvait être encadré par la loi. Un amendement de repli, quant à lui, a une portée beaucoup plus limitée, puisque cette disposition exclut les associations et ne concerne que les cas de non-opposition. Le dernier amendement, enfin, vise à durcir les sanctions lorsque le recours a été qualifié d’abusif par le juge. En tout état de cause, si ces amendements étaient adoptés, monsieur le ministre, ils auraient des répercussions immédiates sur le climat des affaires dans la construction de logements. Il est de notre devoir de statuer dans la loi sur ce sujet, pour ne pas laisser proliférer ce type de pratiques malveillantes, dont les professionnels et les demandeurs de logements sont les premières victimes. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)