Les interventions en séance

Economie et finances
Daniel Dubois 29/01/2014

«Projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Deuxième lecture)»

M. Daniel Dubois

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d’aborder le fond du projet de loi, je voudrais faire quelques remarques sur les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte en deuxième lecture. L’Assemblée nationale a adopté ce projet de loi en deuxième lecture le jeudi 16 janvier. Nous avions jusqu’au lundi 20 pour déposer des amendements en vue de la réunion de la commission, alors que nous n’avons reçu le texte que le vendredi 17. La commission des affaires économiques s’est ensuite réunie le 22 janvier ; nous sommes aujourd’hui le 29. Madame la ministre, de telles conditions de travail ne sont pas acceptables, même pour une deuxième lecture. Vous avez protesté de votre respect pour le bicamérisme, mais j’estime que, en l’occurrence, le Sénat n’est pas respecté, d’autant que le présent texte compte plus de 190 articles, dont la moitié sont encore en discussion. En vérité, il n’est pas excessif de dire que cet état de fait témoigne d’un véritable mépris du Parlement en général, et du Sénat en particulier. Ajoutons que les sénateurs membres de la commission des affaires économiques étaient, en parallèle, saisis d’un texte non moins important que celui-ci, relatif à la consommation. Vous pourrez transmettre au ministre chargé des relations avec le Parlement nos vives critiques sur sa manière de gérer l’ordre du jour. Cette situation est inacceptable, car nous ne pouvons pas, non plus que la commission, travailler sereinement et sérieusement. J’en viens maintenant au fond du texte qui nous occupe. Nous avons l’occasion de vous entendre très régulièrement, madame la ministre, sur les différents projets de loi que vous présentez au nom du Gouvernement, concernant le logement et l’urbanisme. Je m’en réjouis, car c’est un domaine qui me tient à cœur et qui est primordial pour les Français et pour l’emploi. Vous le savez, la construction de logements est prioritaire pour le groupe UDI-UC. C’est pourquoi nous soutiendrons toutes les mesures tendant à la favoriser. Malheureusement, dans ce domaine comme dans d’autres, ce gouvernement est en échec et ne tient pas ses promesses. Le Président de la République s’est engagé sur la construction de 500 000 logements chaque année, dont 150 000 logements sociaux. C’est un bon objectif, mais les résultats ne sont pas là. Pour 2013, nous peinerons à atteindre le chiffre de 330 000 logements neufs. Pis encore, le nombre de permis de construire a chuté de 15,4 % : c’est dire si les années 2014 et 2015 s’annoncent très difficiles. À qui la faute ? À la crise économique ? Ce n’est pas une explication suffisante. Vous nous dites, depuis bientôt deux ans, que vous allez relancer la construction, simplifier les normes, les procédures, mais on n’en voit toujours pas les effets. Ce sont les investisseurs qui font défaut, me direz-vous certainement. Cela n’est pas surprenant, tant votre politique les inquiète. Je crois qu’il faut réagir, et vite. Malheureusement, le projet de loi que nous allons examiner est loin de répondre à ces problématiques. En ce qui concerne le logement, je crains, comme je l’ai déjà dit en première lecture, que votre acharnement à vouloir tout encadrer, tout administrer, n’ait qu’un effet très négatif. S’agissant tout d’abord des rapports entre propriétaires bailleurs et locataires, ne vous en déplaise, madame la ministre, l’équilibre n’est pas au rendez-vous. Ce projet de loi va définitivement achever les propriétaires qui souhaitent louer un appartement, et au lieu d’encourager l’investissement dans la pierre, vous le découragez ! Les mesures d’encadrement des loyers prévues me semblent totalement antiéconomiques. Elles constituent une forme d’étatisation de la relation entre propriétaires et locataires, alors que ceux-ci sont liés par des contrats de droit privé.
Ensuite, la création d’observatoires locaux et la responsabilisation des préfets dans la fixation de loyers médians me semblent impraticables. En outre, vous ignorez l’existence de structures qui se consacrent déjà, aujourd’hui, à l’observation du niveau des loyers et réunissent les professionnels du secteur. Enfin, cet encadrement des loyers risque d’entraîner des effets pervers mal mesurés, notamment une hausse des loyers pour les ménages les plus modestes dans des zones où la diversité des loyers est forte. Pour ce qui est des fameuses « situations exceptionnelles », nous entrons là dans un champ de contentieux judiciaire absolument infini entre propriétaires et locataires. Plutôt que d’équilibrer leurs relations, vous êtes en train, madame la ministre, de les complexifier et de les judiciariser. Comme souvent dans ce cas, c’est le plus faible qui se trouve mis en difficulté. Ce n’est pas d’encadrement et de règles toujours plus strictes dont nous avons besoin, mais d’assouplissement et d’oxygène pour un secteur qui ne demande qu’à se développer. Le temps qui nous est imparti dans cette discussion générale est trop court pour tout évoquer, notamment la question de la garantie universelle des loyers, mais nous aurons le temps d’approfondir lors de l’examen des amendements. En matière maintenant d’urbanisme, j’estime que ce gouvernement travaille en dépit du bon sens et des élus locaux… Comme vous le savez, je me suis opposé fermement, en première lecture, au transfert obligatoire aux intercommunalités de la compétence en matière d’urbanisme. Je suis favorable à l’élaboration de PLU à l’échelon communautaire, mais cela doit relever de l’initiative locale, résulter d’une volonté commune des maires des communes constituant l’EPCI et ne pas être obligatoire.
Je passe sur les atermoiements et les oppositions qui se font jour entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Je passe sur les hésitations au sein même de la majorité. Pour vous, madame la ministre, l’image est sauve, car le terme « obligatoire » est toujours inscrit dans le texte. Pour le groupe socialiste, la campagne des élections sénatoriales de septembre se prépare...Cela n’est pas acceptable pour les élus : soit vous assumez vos propositions, soit vous en restez au statu quo, mais scléroser le système comme vous le faites est dangereux et contre-productif, sauf si vous envisagez de faire sauter ce droit de veto que constitue la minorité de blocage dès que l’occasion vous en sera donnée, par le biais d’un futur texte ou – pourquoi pas ? – d’une ordonnance.
Dans ce cas, la messe sera dite définitivement, puisque le PLUI sera devenu obligatoire.
Les élus, en particulier les maires, sont inquiets. Leurs craintes n’ont pas faibli, contrairement à ce que vous pensez, depuis la première lecture de ce texte. Nous sortons d’un mois de cérémonies de vœux : de nombreux maires m’ont fait part de leur sentiment négatif à l’égard de ce projet de loi. Je n’ose croire que vous ne leur faites pas confiance, que vous ne croyez pas en leur volonté de servir l’intérêt général, que vous voulez les dessaisir de l’un des trop rares leviers qui donnent de l’intérêt à l’engagement municipal : la compétence en matière d’urbanisme. Écoutez-les au moins sur l’article 63 de votre projet de loi, madame la ministre. En conclusion, faute d’évolutions significatives, une grande partie des membres du groupe UDI-UC ne pourra soutenir ce texte. (Applaudissements sur certaines travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)