Les interventions en séance

Affaires sociales
Chantal Jouanno 28/11/2013

«Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014»

Mme Chantal Jouanno

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il nous est donc à nouveau permis de nous exprimer sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Naturellement, nous essaierons obstinément – j’y insiste – de faire passer nos messages, monsieur le rapporteur général. Naturellement, vous nous expliquerez que ce projet est parfait et que la faute est celle de vos prédécesseurs. Naturellement, nous serons témoins d’une étrange et pathétique inversion des discours entre la majorité d’hier et celle d’aujourd’hui.
Mais nous ne pouvons pas nous résoudre à cette mascarade et à cette absence de dialogue avec les différents groupes du Sénat et, comme vous, monsieur le rapporteur général, je n’ai aucune illusion sur l’issue des débats de ce jour. J’en viens maintenant au fond. Premièrement, nous considérons que ce PLFSS est dangereux par l’exaspération qu’il va créer. Ce sont 4 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires pour nos compatriotes. La réduction de déficit dont vous vous targuez est uniquement liée à cette augmentation des prélèvements, car les dépenses ne font que ralentir face au tendanciel, mais ne baissent pas. Deuxièmement, ce ne sont pas les riches qui paient, mais tout le monde. Je peux citer l’exemple de la taxation des produits d’épargne. Certes, vous avez en partie reculé, mais cette taxe demeure inique envers les petits épargnants. Nous proposerons donc sa suppression. Fondamentalement, nous pensons que le défaut d’épargne publique n’a pas à être compensé par un prélèvement sur l’épargne privée. Cette dernière doit retourner à l’économie privée, non à la dépense publique. Un deuxième exemple de la taxation des plus modestes est la nouvelle augmentation des cotisations des indépendants, artisans, commerçants et exploitants agricoles. Peut-on considérer qu’ils sont riches ? La moyenne annuelle de leurs revenus est de 32 000 euros. À l’inverse, nous considérons que ces professionnels n’ont pas à être traités comme des salariés, parce que leurs vies sont différentes. Ils sont l’incarnation de l’effort, du travail, et la vertu des petits et des entrepreneurs ne doit pas payer le prix des errances publiques. Troisièmement, l’épineuse question de l’organisation du système social est encore esquivée. Ce PLFSS, comme le précédent, augmente les recettes de transfert et la fiscalisation d’une partie de la dépense sociale. Ce n’est pas fondamentalement anormal, à l’exception du nouveau bidouillage de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA. Pour le reste, par exemple les 3 milliards d’euros de recettes de transfert de la TVA, cela ne nous choque pas, puisque nous sommes plutôt favorables à la prise en charge des dépenses sociales par la solidarité nationale. C’est vrai pour les dépenses concernant la famille, pour la plupart des dépenses de santé, ou encore pour la dépendance. Pour autant, il faudrait aller au bout de cette logique, et donc ne pas se contenter d’une simple hausse de la TVA. Sur ce point, nous sommes en désaccord. Vous nous objectez qu’après tout le précédent gouvernement a augmenté la TVA ; certes, mais il l’a fait en compensation d’une baisse des charges sociales : vous oubliez toujours la seconde partie de la phrase ! Il faudrait donc aller jusqu’au bout en recréant une TVA sociale conséquente. Il faudrait aussi remettre en question le paritarisme et, très logiquement, discuter dans un seul et même texte du PLF et du PLFSS. Quatrièmement, ce PLFSS ne prévoit aucune réforme visant à engager une véritable politique de prévention – il n’y a d’ailleurs aucune politique de prévention à l’heure actuelle. Faut-il rappeler que les principales dépenses de l’assurance maladie – une étude très intéressante de la CNAM vient d’ailleurs d’être publiée à ce sujet – sont la santé mentale, le diabète et les maladies cardio-vasculaires ? Ces maladies pourraient être amplement réduites par une véritable politique de prévention. Vous nous renverrez probablement à la loi de santé publique, l’Arlésienne qui était déjà annoncée pour janvier 2013. Et oserais-je malicieusement rappeler que, dans le PLF, la prévention est le poste sacrifié du budget de la santé ? Mais ces propositions, vous les avez toutes hautement ignorées. Vous n’avez pas écouté Gérard Roche sur les parcours de soins, vous n’avez pas écouté Muguette Dini sur les emplois à domicile. Et je ne reviendrai pas sur cet épisode méprisable, et en réalité très méprisant, du vote bloqué en première lecture. C’est une caricature.
Monsieur Daudigny, j’ai bien entendu votre discours, et je tiens à vous dire que vos problèmes avec votre majorité ne sont pas les nôtres. (Mme Isabelle Debré acquiesce.)Vous n’avez pas à nous faire porter la responsabilité de vos propres difficultés politiques. (Mmes Isabelle Debré et Colette Giudicelli applaudissent.) En revanche, le danger démocratique que constituent ces procédures, ces débats, cette caricature amenant nos concitoyens à rejeter en bloc les politiques, est bien notre problème.
Vous voici donc dans une impasse. Vous allez piétiner une nouvelle fois le Sénat et le principe même du débat parlementaire. En effet, alors que la dépense sociale représente l’essentiel de la dépense publique, nous avons eu quelque douze heures trente pour préparer cette deuxième lecture, et vous n’avez rien changé au présent texte, dans une forme d’obstination hautaine et sourde. Nous ne changerons donc pas nos votes et rejetterons ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)