Les interventions en séance

Budget
Nathalie Goulet 28/11/2011

«Projet de loi de finances pour 2012 - Mission «Economie-Compte spécial Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés»»

Mme Nathalie Goulet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que membre de la commission des affaires étrangère, j’ai une assez bonne expérience des relations internationales. Le fait d’avoir été vice-présidente de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires explique aussi mon intérêt pour cette mission. Monsieur le secrétaire d’État, sans surprise, je m’attacherai, au sein du programme 134 relatif à l’attractivité du territoire, à l’action n° 7, Développement international et compétitivité des territoires. Non sans constance, j’égrènerai les remarques que je fais chaque année à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances et que j’ai également formulées lors des débats sur la loi de modernisation de l’économie. Je rejoins l’avis de M. André Ferrand, mais je suis sans doute un peu plus sévère que lui. L’équipe France marche en ordre dispersé, parfois avec des snipers, parfois avec des joueurs qui tirent contre leur camp. (M. Antoine Lefèvre s’exclame.) Tout bien considéré, le programme 134 montre les limites de la loi organique relative aux lois de finances, qui, de ce point de vue, me semble périmée.... L’action de votre ministère est transversale et devrait être plus coordonnée. Vœu pieux ! En baisse de 4,5 % inflation comprise, la mission « Économie » mérite que l’on s’attache à l’efficacité des dépenses. Puisqu’il faut dépenser moins, dépensons mieux ! Monsieur le secrétaire d’État, l’attractivité commence à la porte de nos consulats. Que dire de cette absurde politique des visas, dénoncée par Adrien Gouteyron dans de multiples rapports, qui nuit à notre image en interdisant notre pays à de jeunes diplômants chercheurs ? Une fois franchi le seuil des ambassades, nous tombons sur les missions économiques. Vaste sujet ! On y trouve peu de coopérants parlant la langue du pays. Ces missions, qui facturent des prestations, bénéficient de financements publics sans aucune obligation de résultat. À ce stade, je vous ferai deux propositions simples. Tout d’abord, je vous suggère d’instaurer une obligation de résultat avec une incidence sur les primes d’expatriation. Vous verrez, cela ira beaucoup mieux ! Ensuite, pourquoi ne pas créer un escadron de fiscalistes volants dans les pays à forte capacité financière, les pays du Golfe, que je connais un peu, le Japon et même les États-Unis ? En effet, les postes et les ambassades sont absolument incapables de renseigner les futurs porteurs de projets économiques ou immobiliers, qui sont souvent surpris et rebutés, quand ils arrivent sur notre territoire, par un système dont la lisibilité est, avouons-le, aléatoire. Vous me répondrez qu’il y a UBIFRANCE et l’Agence française pour les investissements internationaux, l’AFII. Vaste sujet encore ! J’ai le souvenir d’un brillant colloque d’UBIFRANCE sur les investissements dans les pays du Golfe organisé… le premier jour du ramadan. (Sourires.) Quant à l’AFFII, l’État finance à hauteur de 22 millions d’euros cette structure, qui permet de « vendre la destination France » pour des implantations d’entreprises internationales. J’émets le vœu que la commission des finances du Sénat puisse exercer son pouvoir d’enquête sur place et sur pièce ou qu’elle demande à la Cour des comptes un contrôle sur ces deux institutions, afin que nous ayons une idée un peu plus claire des tenants et des aboutissants de leur gestion. Il serait opportun que ces appuis à l’implantation d’entreprises soient assortis de mesures d’interdiction des licenciements boursiers. Je pense notamment au site de Honeywell dans le Calvados, dont la fermeture, qui se ressent aussi dans mon département de l’Orne, est toujours d’actualité alors que l’entreprise connaît une hausse de 45 % de ses bénéfices. Ce licenciement purement boursier, qui concerne plus de 320 personnes, est absolument scandaleux ! Je me suis associée à la question orale qui vous a été posée la semaine dernière par Jean-Pierre Godefroy, et je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de me donner quelques explications sur le suivi de la table ronde qui est programmée. Je n’oublie pas que j’ai fait partie de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires. Je vous communiquerai la liste des licenciements et des fermetures d’emplois dans le Grand Ouest, publiée par Ouest France ce week-end ; c’est absolument alarmant. Je souhaiterais – brièvement, car mon temps de parole est limité – formuler d’autres propositions et quelques remarques, monsieur le secrétaire d’État. Premièrement, je veux parler de l’optimisation des réseaux, et, au premier chef, des réseaux étudiants. Les mesures que je suggère ne coûteraient rien, ce qui, en matière budgétaire, est toujours bon à prendre ! Quand ils ont étudié en France, les jeunes ne sont pas suivis. Comment, dès lors, constituer ou animer un réseau ? Personne aujourd’hui en France n’a une idée précise du nombre et de la qualité des stagiaires qui sont venus étudier dans notre pays. Quand un industriel français veut se rendre à l’étranger, il ne dispose même pas de la liste des gens qui, dans son secteur d’activité, ont travaillé ou ont été formés en France, bien souvent d’ailleurs grâce à des bourses ou des programmes d’échanges. D’ailleurs, les ambassades n’ont pas non plus ces listes. Il s’agit donc d’une valeur ajoutée créée par la France sans aucun effet sur l’économie. Nos partenaires anglais et allemands parviennent, eux, à rester en contact, par adresse électronique, avec 70 % des anciens stagiaires. Le taux de suivi, chez nous, est d’un peu moins de 10 %, sur la base du volontariat et par courrier postal. À l’ère de l’informatique et du numérique, je pense que l’on pourrait faire beaucoup mieux pour animer ces réseaux. Deuxièmement, je souhaite évoquer la coopération décentralisée. Au total, 4 754 collectivités territoriales françaises mènent près de 12 000 projets dans 139 pays, ce qui vous donne déjà, mes chers collègues, une idée de leur répartition. Les collectivités territoriales ont financé à plus de 70 millions d’euros, sur leurs fonds propres, ces coopérations. Les cofinancements ont été accordés par différents ministères. La région Basse-Normandie a une coopération avec le Fujian – 38 millions d’habitants –, dont les responsables semblent avoir du mal à comprendre pourquoi la Haute-Normandie, elle, mène une coopération avec Zhijiang, qui compte 51 millions d’habitants. Nous retrouvons à l’international les aberrations de notre système. Troisièmement, tout aussi grave est la méfiance à l’égard de la diplomatie parlementaire. Contrairement à ce qui se passe au Royaume-Uni, en Allemagne et dans les autres pays anglo-saxons, les parlements sont mal considérés et les parlementaires ne sont pas assez utilisés à l’appui de nos entreprises. Les parlementaires en mission sont regardés par les administrations comme de joyeux vacanciers voyageant sur argent public. (Sourires.) Une suspicion de principe prévaut. Pourtant, je pense que les industriels peuvent être soutenus par les parlementaires, comme c’est le cas en Allemagne et au Royaume-Uni. Mon temps de parole étant épuisé, monsieur le secrétaire d’État, je conclurai mon intervention par une dernière proposition : je suis candidate à toute mission que vous pourrez me confier afin d’étudier dans quelles conditions – on n’est jamais mieux servi que par soi-même ! (Sourires.) – les parlementaires peuvent venir à l’appui de nos entreprises dans les opérations internationales. Je l’ai vu faire dans les Émirats arabes unis et au Qatar à une autre époque, et je vous assure que notre assemblée constitue une plus-value importante pour l’équipe France. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)