Les interventions en séance

Collectivités territoriales
Nathalie Goulet 28/10/2010

«Proposition de Loi organique visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l՚exercice d՚une fonction exécutive locale»

Mme Nathalie Goulet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le beau sujet que voilà pour le sénateur « hors-sol » que je suis puisque je n’ai pas d’autre mandat : je suis seulement sénateur !
Je remercie le président Bel d’avoir déposé ce texte audacieux à l’heure où des présidents de région, et non des moindres, sont en situation très favorable pour les élections sénatoriales de septembre prochain : je pense notamment à la Basse-Normandie. (Sourires.) Voilà donc un texte courageux !
Nos concitoyens sont de plus en plus sensibles à cette question et notre Haute Assemblée serait vraiment inspirée de voter un texte sur ce sujet, montrant ainsi son désir, au-delà des clivages politiques – bien qu’une partie de l’hémicycle soit passablement désertée ce matin –, de moderniser notre vie publique
En réalité, nos concitoyens et électeurs sont finalement un peu responsables de la situation, car c’est bien l’électeur qui dépose dans l’urne un bulletin correspondant à un candidat dont il ne peut ignorer qu’il exerce déjà telle ou telle fonction importante et, qui plus est, visible. Cette réflexion peut d’ailleurs s’appliquer à d’autres sujets, comme la question de l’âge des élus : quand il dépose un bulletin dans l’urne, l’électeur connaît l’âge du candidat pour lequel il vote et il sait qu’il sera éventuellement élu encore pour un certain nombre d’années.
Chaque électeur peut alors devancer la loi en refusant d’apporter son vote à un élu déjà doté.
J’ajoute que, comme aime à le répéter notre collègue Dominique Braye, « pour cumuler, encore faut-il être capable d’être élu ! »
Cela dit, une réforme est nécessaire. Le problème est réel puisque sept parlementaires sur neuf cumulent les mandats.
Mais comment réformer quand on est juge et partie ?
Monsieur le ministre, vous en avez fait l’expérience récemment avec les dispositions visant à la suppression de la clause de compétence générale dans le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, les représentants de chaque exécutif prêchant évidemment pour leur paroisse...
Je pense néanmoins qu’il faut pouvoir conserver un lien avec le terrain. De ce point de vue, le cumul avec un mandat de maire est acceptable. Mais il y a aussi les EPCI et les pays, qui ont de véritables exécutifs.
J’ai en mémoire de nombreuses interventions, dont celle du président Bernard Frimat, lors de la réforme constitutionnelle, ou celle de M. Karoutchi, alors secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, qui avait répondu, à propos d’amendements visant à une interdiction plus stricte d’un cumul des mandats, qu’ils trouveraient leur place dans un texte sur le statut de l’élu, ce véritable serpent de mer, cette Arlésienne législative (Sourires.) puisque, jusqu’à présent, nous n’avons pas vu poindre le moindre texte à ce sujet !
J’ai aussi en mémoire l’intervention de M. Badinter nous exposant avec force le problème du cumul d’un poste ministériel avec une fonction d’élu local et, a fortiori, d’exécutif local.
Et j’aime ce moment intense de notre vie politique où les ministres en exercice partent en campagne, emmenant dans leur sillon une partie de leur cabinet, douce période durant laquelle les administratifs, et eux seuls, font tourner les cabinets !
Comment comptez-vous, dans ces circonstances, redonner confiance aux électeurs quant à la capacité des élus ou des candidats d’être eux-mêmes en charge des dossiers ?
Pour toutes ces raisons, et surtout pour permettre de laisser éclore de nouveaux talents, d’éviter des verrouillages et des cooptations, il faut absolument que nous tranchions cette question ici, au Sénat.
Il faut enfin mettre un terme à des hypocrisies du type Poutine et Medvedev : « Je suis frappé par une interdiction légale, je deviens donc premier vice-président ou adjoint aux finances et je garde, de fait, la maîtrise sur l’exécutif que je suis supposé avoir quitté. » (M. Jean-Pierre Bel applaudit.)
Il faut sanctionner très lourdement, me semble-t-il, les trahisons électorales que nous connaissons tous, les uns et les autres, à savoir des candidats tête de liste qui, une fois élus, ne siègent pas dans les assemblées pour l’exécutif desquelles ils briguaient les suffrages de leurs concitoyens. Je vise tout particulièrement ceux qui, faute d’avoir pu conquérir la présidence d’un conseil régional, renoncent simplement à y siéger : comme si un siège de conseiller régional d’opposition était sans valeur !
Ces pratiques sont totalement indignes, et il faudra y mettre un terme rapidement.
Cela étant, je tiens à rappeler que l’immense majorité des élus de nos 36 000 communes sont des bénévoles totalement dévoués au service de leurs concitoyens.
J’espère que l’enterrement qui s’annonce préludera à une résurrection – c’est, en tout cas, ce que semblait dire M. le rapporteur. Cette question est extrêmement importante et il faudra bien la régler avant ou après la mise en place de la réforme des collectivités territoriales, car l’arrivée du conseiller territorial rendra encore plus opaque la mission des élus aux yeux des électeurs.
Monsieur le rapporteur, je compte beaucoup sur le travail du Sénat pour faire évoluer ce dossier du cumul des mandats. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)