Les interventions en séance

Société
28/03/2013

«Proposition de loi relative à l՚instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance»

M. Jean Boyer

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans deux mois, la France inscrira dans sa mémoire une date marquée par l’engagement d’un homme exceptionnel : Jean Moulin. Les combattants de l’époque, ceux qui ont eu le courage de briser le silence de la résignation, dans une France alors vaincue, soumise et humiliée, deviennent rares – chaque jour, des paupières se ferment, car le temps a fait son chemin et a touché les plus résistants au combat de la guerre dans un autre combat : le combat sur soi-même, c’est-à-dire le combat de la vie. Même diminués, ils ont gardé un idéal précieux pour avoir porté, parfois dans le silence et le risque, les couleurs d’une France résignée mais où certains avaient gardé l’espérance du retour à la liberté. Aujourd’hui, notre pays est en paix. Il lui revient d’apprécier à sa juste valeur cette situation et à nous de reconnaître ce que nous devons à ceux qui ont contribué à la belle victoire du 8 mai 1945. Nous ne devons pas les oublier ! Le 11 juillet dernier; j’ai eu l’honneur, cher président Jean-Pierre Bel, de vous représenter, ainsi que vous tous, mes chers collègues, à Vichy afin de célébrer les noms des quatre-vingts parlementaires qui avaient eu le courage de dire non à la résignation et à la défaite pour s’engager par un oui franc et massif à aider la France à retrouver la liberté par la victoire. On doit à la vérité de dire qu’il est plus facile de s’engager aujourd’hui, notamment pour nous qui sommes réunis dans cet hémicycle républicain où s’exprime aussi la fraternité nationale. Nous pensons tous qu’à l’époque nous aurions été résistants – j’avoue que je fus de ceux-là –, mais le contexte d’alors, lourd de risques pour nos familles et nos villages, était autrement plus difficile que celui qu’avec le recul nous pouvons concevoir. Il est plus facile d’être résistant aujourd’hui qu’hier, quand Jean Moulin s’engageait, lui qui a été en plus un résistant de la première heure ! Cher Jean-Jacques Mirassou, vous n’étiez pas encore né et vos parents ne savaient pas que vous seriez le brillant élève que je vous sais avoir été, puis chirurgien-dentiste. (Sourires.) Ils savaient encore moins que vous seriez celui qui, devenu sénateur de Haute-Garonne, prendrait l’initiative de rendre ainsi hommage, au travers de ce Français exceptionnel, à ceux qui ne sont plus là comme à ceux qui restent encore. (Applaudissements.) Mes chers amis, je suis un de vos aînés dans cette assemblée. Le 15 août 1944, j’avais sept ans, je gardais les vaches, avec ma maman et un petit copain. Sur le coup de onze heures, trois escadrilles parties de Provence pour rejoindre la Normandie ont semé des messages d’espérance. J’ai ramassé ces tracts, comme tous les enfants de ma génération. J’en connais encore les mots, que je vais vous dire de mémoire : « Les armées des Nations unies ont débarqué dans le Midi. Leur but est de chasser l’ennemi et d’effectuer une jonction avec les forces alliées, les forces de Normandie. Les forces françaises participeront à cette opération, à côté de nos frères d’armes, sur mer, sur terre et dans les airs. La victoire est certaine ! Vive l’âme de la France et tout ce qu’elle représente ! » En écoutant ce message, j’en suis sûr, vous êtes comme moi émus, mais aussi fiers d’honorer Jean Moulin, dont l’action a déterminé le choix de cette date du 27 mai qui doit rassembler la France. Le 10 juillet 1940, dans une ville d’Auvergne, une partie des élus de la République avait semé l’espoir. Quelques semaines avant, le plus glorieux des Français du XXe siècle, Charles de Gaulle, avait condamné le défaitisme. Avant de s’associer au grand résistant qu’a été Jean Moulin, il avait lui aussi fait germer l’espérance sur les antennes de Radio Londres. Le Général de Gaulle était à Londres, mais un jeune Français, patriote exceptionnel, âgé alors de quarante-quatre ans, refusait la soumission à l’ennemi, dans l’exercice de ses responsabilités administratives. Le 21 juin 1943, victime d’une ignoble trahison, il était fait prisonnier à Caluire, puis déporté, meurtri par les méchancetés humaines. Le 8 juillet 1943, entre Metz et Francfort, il décédait dans le train qui l’emmenait à la déportation. Jean Moulin : un prénom et un nom simples qui forcent le respect et méritent la reconnaissance permanente de la France ! Oui, nous devons parler au nom de cette France que nous aimons, porteuse des richesses de l’idéal, de la solidarité et de la fraternité. Jean Moulin a accepté les risques, a mis sa vie en danger, a subi des souffrances psychologiques et physiques exceptionnelles. Aujourd’hui, nous n’avons pas le moindre mérite. L’hommage que nous lui devons doit être exceptionnel, à la mesure de son engagement. Aujourd’hui, la France doit être rassemblée dans le cadre de l’action à la fois antiterroriste et humanitaire qu’elle mène au Mali ; c’est cela aussi la force d’un grand pays. En 1943, elle avait peur. Aujourd’hui, ses enfants et ses petits-enfants, comme les derniers survivants de cette époque, doivent la reconnaissance à ceux qui ont permis de retrouver le premier mot de la trilogie qui forme notre devise : liberté ! Chers amis, certains moments forts doivent nous trouver unis. Nous vivons un de ces moments alors que nous instituons la journée nationale de la Résistance. Je ne vous surprendrai donc pas en vous disant que mes collègues du groupe UDI-UC voteront des deux mains cette proposition de loi ! (Bravo ! et applaudissements.)