Les interventions en séance

Affaires étrangères et coopération
28/02/2012

«Projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le Mécanisme Européen de Stabilité »

M. Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le MES, exposé et analysé par M. le ministre et Mme le rapporteur général, confère à l’Union européenne la stabilité économique qui lui faisait défaut depuis l’entrée en vigueur de l’euro. Cette structure pérenne vient remplacer le FESF, structure temporaire qui fut indispensable pour répondre en urgence à la crise, et qui restera en place jusqu’en 2013, le temps que le nouveau mécanisme soit ratifié par les États membres. Le MES, organisation internationale délibérant à la majorité de ses membres, s’inscrit dans l’évolution des traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Lisbonne. Ce texte, qui suscite les interrogations de l’opinion publique, répond aux questions existentielles portant sur l’avenir de l’Union. La stabilité, principale vertu du traité, est consacrée par le MES, qui vise, par un capital élevé et les garanties solides dont disposent les États bien notés, à donner confiance aux investisseurs. Il fonctionnera comme un système d’assurance. La France et l’Allemagne ont eu un rôle moteur pour maintenir la Grèce au sein de la zone euro, alors que la stabilité de l’ensemble de la zone était menacée. Il y a quelques mois à peine, le risque de propagation à l’Italie, au Portugal ou à l’Irlande était prégnant. La stabilité financière de l’Union, qui traduit sa solidarité, constitue un bien commun bénéficiant à tous. Le MES, après le sauvetage de la Grèce, pose la question de l’étendue de la solidarité entre les membres de l’Union. Ce terme de solidarité, « propriété des Européens continentaux », est presque inconnu des Anglo-saxons, souligne un éditorialiste du Financial Times. On réalise l’abîme d’incompréhension qui nous sépare de nos voisins britanniques ! La solidarité répond en effet, pragmatiquement, au respect des intérêts de chacun, et soude l’Union. La faiblesse congénitale de l’euro résidait dans l’absence de gouvernance économique et financière, très critiquée par Jacques Delors et Valéry Giscard d’Estaing. Ces éminents Européens ont enfin été entendus. Ce traité répond à l’impératif d’union économique et financière, par des mesures nouvelles de coordination des politiques économiques et de gouvernance. Cela constitue peut-être même une étape sur le chemin du fédéralisme budgétaire. Pendant de la solidarité européenne, la discipline budgétaire doit être mise en application non seulement dans les États aidés, mais aussi dans tous les États membres, par le biais de l’exigence de l’équilibre budgétaire, dite aussi « règle d’or », contenue dans le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, qui sera soumis à ratification lorsque nous aurons transposé cette règle en droit interne. Monsieur le ministre, quel en sera le calendrier ? Quelle sera l’articulation entre les deux traités ? Je ne suis pas convaincu qu’il faille lier le MES à la BCE, car cela affaiblirait la banque centrale en élargissant, et donc en diluant, son rôle. Quelle est la position du Gouvernement sur cette proposition de la commission des finances ? La rigueur ne doit pas étouffer la croissance et la compétitivité. Il faut trouver le bon équilibre : nous avons eu le même débat lors de l’examen du collectif budgétaire. L’Europe doit, bien sûr, favoriser la croissance et l’emploi. La lettre aux présidents Van Rompuy et Barroso, envoyée par David Cameron et onze autres chefs de gouvernement, contient un certain nombre de propositions intéressantes en matière de relance de la croissance. Ne laissons plus nos incertitudes et nos égoïsmes nationaux entraver l’essor de l’Europe ! Premier marché mondial, elle ne parvient pas à devenir la puissance économique et politique mondiale qu’elle devrait être en se rassemblant et se coordonnant. Aussi ne puis-je comprendre la décision des socialistes, pourtant héritiers du Président Mitterrand, Européen convaincu, de s’abstenir sur ce texte. Soit nous avançons avec nos partenaires dans une Union à Vingt-sept, soit nous restons en marge, ce qui est inconcevable. Pourquoi prendre le risque d’entraver la construction européenne ? Permettez-moi, après Jean Bizet, de citer Daniel Cohn-Bendit, Européen incontesté, qui stigmatise « l’hypocrisie de la gauche française, Verts compris ». Selon lui, « le Mécanisme européen de stabilité est l’une des rares choses positives que l’on a pu arracher au Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement, et surtout à l’Allemagne : il instaure une solidarité financière entre les pays de la zone euro... Le MES est la porte d’entrée vers les obligations européennes. Si, demain, la gauche parvient au pouvoir, elle sera très contente d’avoir un MES à sa disposition pour organiser la solidarité financière ». Et il ajoute : « Le refuser, c’est injurier l’avenir ». C’est clair et réaliste ! Les pays en difficulté ayant reçu des aides de l’Union ont engagé de véritables réformes structurelles. S’agissant de la Grèce, pour illustrer l’absence de coordination passée de l’Europe, je pourrais citer Thucydide, qui déplorait déjà que les cités grecques jouent indépendamment les unes par rapport aux autres, et donc les unes contre les autres. La situation que vit la Grèce est terriblement difficile. Pendant des années, loin de mettre à profit les fonds structurels pour moderniser et assainir son économie, elle a été gangrenée par le clientélisme, dénoncé par les ministres grecs eux-mêmes, et n’a pas su réformer sa fiscalité, notamment le statut fiscal de l’église orthodoxe. Le plus difficile sera d’encaisser l’impôt, tant il semble normal, dans ce pays, de frauder. Pourtant, l’espoir est permis, et les choses commencent à changer. Ainsi Panos Beglitis, ancien ministre de la défense, député de Corinthe, qui fustige le système politique grec, se félicite-t-il du Mémorandum II, qui permettra à son pays de changer radicalement et d’aller de l’avant. Je tiens à revenir brièvement sur le rôle scandaleux joué par Goldman Sachs, qui, dans le même temps qu’il conseillait le gouvernement grec, incitait à la spéculation sur sa dette, dans le mutisme des agences de notation. Une mission commune d’information sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences de notation, présidée par Mme Espagnac du groupe socialiste, et dont je suis le rapporteur, a été créée sur l’initiative du groupe de l’UCR. Je suis certain que nous parviendrons à tirer des conclusions très intéressantes sur le fonctionnement de ces agences. L’Espagne de Marino Rajoy mène des réformes courageuses, malgré un taux de chômage des jeunes catastrophique de 46 %, ou plutôt, justement, pour inverser cette tendance. L’Italie de Mario Monti, avec modestie et efficacité, mène les réformes à « un train d’enfer » – selon les propres termes du président du Conseil italien –, allant jusqu’à supprimer des strates administratives pour faire des économies. Nous aurions dû en faire autant, monsieur le ministre, au lieu de choisir un moyen terme trop complexe ! L’OCDE a salué les réformes entreprises dans notre pays depuis cinq ans. Cependant, en cette période électorale, l’économiste allemand Klaus Zimmermann, professeur à l’université de Bonn, fait un constat alarmant sur le programme économique de la gauche, qui nous ferait revenir au moins dix ans en arrière. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Comme il le souligne, « plus la France tardera à adopter une vision globale pour l’Europe, plus cela risque de lui nuire, tout comme au reste de l’Europe. Les gouvernements réformistes italien et espagnol ne manqueront pas de souligner, à la première occasion, qu’ils sont largement en train de devancer la France ». Soyons tous responsables, soyons tous Européens ! Nous avons oublié l’enthousiasme des pères fondateurs, capables de placer l’idéal européen au-dessus des égoïsmes nationaux, car ils étaient convaincus que ce qui était bon pour l’Europe était bénéfique à tous ses membres. Sur ces travées, nous nous affirmons tous Européens. Comme les pères fondateurs, plaçons les intérêts de l’Europe, notamment ceux de la France, au-dessus des intérêts partisans en votant ce Mécanisme européen de stabilité ! (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)