Les interventions en séance

Société
Catherine Morin-Desailly 27/10/2010

«Proposition de loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle »

Mme Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que nous abordions aujourd’hui le problème de l’inégale représentation des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance. En effet, c’est en agissant sur chaque aspect de la vie professionnelle que progressera réellement une cause que les récents débats sur les retraites ont également mise en lumière.
Le texte que nous examinons cet après-midi est la convergence de deux propositions de loi. C’est le fruit d’un consensus. Adopté par l’Assemblée nationale, le texte de Marie-Jo Zimmermann et de Jean-François Copé rejoint celui de Nicole Bricq et de Michèle André.
En outre, les analyses des rapporteurs de la commission des lois et de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, dont je salue ici l’excellent travail, se rejoignent sur une majorité de dispositions, même s’il y a, bien sûr, quelques divergences, que nous évoquerons au cours de l’examen des amendements.
Enfin, si l’initiative est parlementaire, elle rejoint la volonté gouvernementale : en mai dernier, c’est le Premier ministre lui-même qui affirmait que l’adoption de ce texte était une priorité ; ce mois-ci, c’est Christine Lagarde qui a pris le parti des femmes, se prononçant sans ambages pour une discrimination positive.
Un tel consensus est nécessaire, car il y a urgence à agir. Michèle André a rappelé le déplorable classement de la France dans le rapport publié le 12 octobre dernier par le Forum économique mondial sur l’état d’avancement de l’égalité des genres en Europe. Est-il acceptable que, en matière d’inégalités salariales, la France soit reléguée au 127e rang mondial ? Comme le souligne Saadia Zahidi, ce résultat est « d’autant plus étonnant lorsqu’on regarde le niveau de qualification des femmes en France, qui est l’un des plus élevés au monde. Elles devraient donc être plus nombreuses aux postes à responsabilités. » Les filles représentent en effet 56,4 % des effectifs universitaires, 39,5 % des étudiants des IUT, 42 % des élèves des classes préparatoires aux grandes écoles et 25 % des effectifs des écoles d’ingénieurs. Tout cela constitue un vivier suffisant pour atteindre l’objectif de 40 % de femmes au moins dans les conseils d’administration et de surveillance.
Dans le haut du classement du Forum économique mondial, on retrouve l’Islande, la Norvège et la Finlande, soit des pays qui ont fait, depuis longtemps, le choix de politiques extrêmement volontaristes en faveur des femmes. La Norvège a ainsi adopté une loi, assortie de fortes sanctions en cas de non-application, imposant la même proportion minimale de 40 % de femmes dans les conseils des principales sociétés.
En 2006, en France, les conseils d’administration des sociétés du CAC 40 ne comptaient que 8 % de femmes. Cette proportion n’était encore que de 10,5 % en 2009, et s’élevait à 15,3 % en septembre dernier, ce qui est toujours très faible.
Ces chiffres doivent tous nous convaincre que ce n’est qu’en menant des politiques volontaristes, en adoptant des procédures plus ouvertes et plus transparentes de nomination, afin d’encourager les femmes à être candidates, que nous progresserons.
Cela soit dit sans nier les qualités de nos homologues masculins, les femmes sont un réel atout pour les structures au sein desquelles elles travaillent. Plusieurs études ont déjà démontré l’existence d’un lien entre la performance économique des entreprises et la présence significative de femmes à des postes de responsabilité. Sur ce sujet, Michel Ferrary notait, dans son étude intitulée Les femmes influencent-elles la performance des entreprises ?, que « la diversité permet notamment d’améliorer la prise de décision, d’explorer de nouvelles opportunités du fait de systèmes de représentation différents, de s’adapter à la diversité des clients, de favoriser la créativité et d’améliorer la dynamique de groupe ».
Je citerai également l’introduction de l’accord national interprofessionnel relatif à la mixité et à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, signé le 1er mars 2004 en France, qui stipule : « L’emploi des femmes est un facteur de dynamisme social et de croissance économique. Les femmes constituent un vivier de compétences dont une société moderne a besoin. »
Nous le voyons, la représentation équilibrée progresse essentiellement quand la loi l’impose et la présente proposition de loi nous permet de faire un pas de plus dans ce sens. C’est pourquoi, en tant que membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de notre Haute Assemblée, et parce que je partage l’analyse de mon collègue François Zocchetto, je soutiendrai ce texte qui comporte de notables avancées.
Je conclurai par une belle phrase de Stendhal : « L’admission des femmes à l’égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation, et elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain. » (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)