Les interventions en séance

Education et enseignement supérieur
27/05/2010

«Proposition de loi, relative à la création des maisons d’assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels»

M. Jean Arthuis

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, autant le dire d’emblée, c’est avec satisfaction et espoir que je m’engage avec vous dans cette deuxième lecture d’une proposition de loi qui me tient à cœur.
Satisfaction et espoir, parce que ce texte, bien que modeste dans ses enjeux, me semble révélateur de trois évolutions essentielles de notre vie politique.
D’abord, il apporte la preuve que le Parlement ne se contente pas d’enregistrer ou d’amender la volonté de l’exécutif, mais qu’il peut, lui aussi, prendre l’initiative de changements ou d’améliorations auxquels le Gouvernement n’aurait peut-être pas songé, ou qu’il trouverait trop audacieux.
Même si ce texte est sur le point d’aboutir grâce à votre engagement, monsieur le ministre, et à celui d’Éric Woerth, tout le monde se souvient ici de la difficulté – et c’est peu dire ! – que nous avons eue au départ à convaincre le Gouvernement du bien-fondé de notre initiative. Peut-être faut-il y voir l’application trop rigoureuse du principe constitutionnel de précaution. (M. le secrétaire d’État sourit.)
Il faut le souligner, à force de réflexions, d’auditions et de discussions, le Parlement a su convaincre, atténuer les nombreuses réticences initiales et mener son projet à terme. Mais il faut également savoir gré au Gouvernement de nous avoir entendus et, finalement, d’avoir repris à son compte un dispositif qu’il souhaite désormais voir rapidement entrer en vigueur. Merci, monsieur le ministre !
Retenons donc que la volonté parlementaire conjuguée à l’écoute gouvernementale peut aussi déboucher sur des avancées législatives et politiques pour le plus grand bénéfice de nos concitoyens.
Le deuxième sujet de satisfaction de cette proposition de loi, c’est l’évolution des rapports entre l’État et la société qu’elle révèle.
Nous n’avons pas décrété par le haut, de manière technocratique, comment les assistantes maternelles et les parents devaient s’organiser. Nous avons choisi de faire confiance aux intéressés eux-mêmes.
Nous n’avons pas voulu emprunter cette attitude de commandement qui caractérise trop souvent les décideurs de notre pays. Au contraire, nous sommes allés sur le terrain observer des initiatives de la société, qui nous ont semblé riches et utiles. Ce texte ne vient au fond que leur donner un socle législatif adapté.
C’est en fait le sens premier de cette proposition de loi : consacrer et sécuriser les initiatives d’assistantes maternelles et de parents qui ont eu l’intelligence et le courage d’inventer, hors des sentiers battus et des habitudes, une nouvelle manière d’accueillir les jeunes enfants.
Nous avons peut-être ici un exemple de la petite révolution qui est demandée aujourd’hui aux autorités publiques. Notre pays ne pourra prospérer et nos territoires ne pourront se développer que si ces autorités, locales ou nationales, préfèrent à la fonction confortable d’administration pointilleuse et tatillonne sur le respect de la norme, celle plus risquée mais plus utile de stimulateur d’initiatives, de centre de conseils et d’expériences au service des porteurs de projets. Faciliter et encadrer plutôt que contrôler et surveiller, c’est exactement ce que cette proposition de loi tente de faire. Sachons, mes chers collègues, innover en matière de réponse administrative aux attentes de nos concitoyens !
Enfin, les maisons d’assistants maternels sont aussi adaptées, à leur modeste niveau, bien sûr, à la situation dramatique de nos finances publiques. On le sait, il manque en France entre 300 000 et 400 000 places d’accueil, alors même que notre pays consacre déjà 3,8 % de son produit intérieur brut à la politique familiale et que le déficit structurel de la sécurité sociale atteint des niveaux jamais connus jusqu’à présent.
Se contenter de dépenser encore plus pour répondre aux besoins des familles, et endetter ainsi nos enfants et petits-enfants, serait donc irresponsable. Il est préférable d’innover et d’inventer de nouvelles solutions qui prennent en compte la réalité des coûts.
Or, tous financeurs confondus, la garde à domicile est le mode de garde le plus onéreux, avec 2 318 euros par mois, devant les crèches, 1 366 euros, et les assistantes maternelles, 895 euros.
Si l’on veut, de manière crédible et soutenable, apporter des solutions de garde aux parents, c’est donc avant tout sur les assistantes maternelles qu’il faut investir, comme le propose depuis déjà un an la commission des affaires sociales.
Ce texte s’inscrit bien dans cette stratégie qui consiste à créer des places d’accueil pour les enfants en offrant de nouvelles opportunités de travail et de carrière aux assistantes maternelles.
Là aussi, ne croyons pas que dépenser plus c’est nécessairement garder mieux. Faisons confiance au professionnalisme des assistantes maternelles et aux exigences des parents, qui ont prouvé, depuis une dizaine d’années maintenant, que la qualité de l’accueil est la première priorité des maisons d’assistantes maternelles.
Osons abandonner notre addiction normative, qui nous pousse à édicter les règles dans le moindre détail. Certes, celles-ci apaisent nos consciences, mais leur coût est insupportable pour notre société.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, il me semble qu’après plus de six mois de réflexion et de discussion ce texte est désormais mûr, solide et opérationnel. Je veux remercier mes collègues qui se sont associés à cette initiative, en particulier Jean-Marc Juilhard, qui est venu en Mayenne dans le cadre de sa mission d’information sur l’accueil des jeunes enfants en milieu rural, André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales, qui a fait montre d’une grande opiniâtreté pour faire avancer et enrichir cette proposition de loi, Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je remercie également nos collègues députés et le rapporteur de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Yvan Lachaud, qui ont accueilli de façon constructive cette proposition de loi.
Je tiens aussi à remercier les assistantes maternelles qui, en 2005, m’ont sollicité au conseil général de la Mayenne pour être autorisées à travailler autrement, hors de leur domicile, en se regroupant. Ce sont elles qui ont jeté les bases de ces nouveaux établissements, qui ont conçu et construit avant l’heure la première maison d’assistants maternels.
Avec mes collègues du groupe de l’Union centriste, je souhaite donc que, pour répondre à la grande attente des parents, des assistants maternels et des collectivités, nous adoptions ce texte en l’état aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Explication de vote M. Jean Arthuis : Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais me réjouir de l’aboutissement de cette discussion et de l’adoption probable de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui.
Je souhaite que nous puissions avoir d’autres débats sur la question, car les échanges que nous avons eus aujourd’hui m’ont paru trop manichéens, entre ceux qui veulent assurer une protection grâce à la loi et ceux qui, par souci de liberté, voudraient s’affranchir des préoccupations relatives à la qualité de l’accueil dans ses dimensions aussi bien sanitaire qu’éducative.
Madame Campion, vous avez dit tout à l’heure que les enfants de deux ans étaient déscolarisés. Dans mon département, j’encourage les parents à ne pas mettre leurs enfants à l’école avant l’âge de trois ans. Vu l’état de nos finances, ce n’est pas faire bon usage des fonds publics que de payer des bacs + 5 pour s’occuper d’enfants qui passent une partie de leur temps au dortoir.
Au moment où nous nous préoccupons de la petite enfance, nous avons aussi à débattre du financement des retraites. Nous sommes là au cœur des problèmes de solidarité intergénérationnelle.
Sachons faire usage des moyens dont la société dispose : en proposant ces maisons d’assistants maternels, nous ne transgressons pas cette exigence de solidarité. Au fond, que faisons-nous ? Nous permettons simplement à ces assistantes maternelles de continuer à jouer le rôle essentiel qui est le leur dans l’accueil de la petite enfance en leur offrant la possibilité de travailler autrement.
Il est vérifié que les conditions prévues dans le présent texte, et qui vont être légalisées dans un instant, permettent d’assurer la même qualité d’accueil que celle qui est offerte par les assistants maternels à domicile. C’est une ouverture, et pas une trahison, et nous ne saurions en aucune façon être suspectés de renoncer aux exigences qualitatives et éducatives qui prévalent dans notre pays pour l’accueil des jeunes enfants.
Mes chers collègues, les remerciements que j’ai exprimés tout à l’heure étaient incomplets : j’aurais dû y associer Mme la présidente de la commission des affaires sociales et ses collaborateurs, qui nous ont apporté une assistance tout à fait précieuse. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)