Les interventions en séance

Aménagement du territoire
Yves Pozzo di Borgo 27/05/2010

«Projet de loi relatif au Grand Paris- Commission mixte paritaire »

M. Yves Pozzo di Borgo

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré le calendrier décousu de nos débats, je pense que nous sommes tous plutôt satisfaits des améliorations que nous avons pu collectivement apporter au texte de ce projet de loi relatif au Grand Paris tel qu’il est issu des travaux de la commission mixte paritaire, sans oublier ceux de la commission spéciale du Sénat, présidée par Jean-Paul Emorine et efficacement animée par son rapporteur, Jean-Pierre Fourcade.
Une difficulté majeure menaçait pourtant la qualité de nos débats : la mise en œuvre d’un projet national, voire européen, sur le territoire d’une collectivité locale, dans le cadre d’une compétence partagée, constituait en effet un terrain glissant. Ce projet a mis ainsi en lumière les difficultés de gouvernance du mille-feuille administratif de la région d’Île-de-France, aux multiples couleurs politiques : elles ont rendu nos discussions sur ce texte parfois houleuses.
J’évoquerai en quelques mots l’idée sous-jacente à ce projet de loi, même si d’autres l’ont fait avant moi, car elle me paraît importante.
À l’heure de la concurrence entre les grandes villes du monde, il est indispensable de donner au Grand Paris l’envergure que peut avoir son homologue chez notre voisin proche, je veux parler du Grand Londres, parce qu’aujourd’hui le développement économique se fait par la puissance de l’urbanisation. Ce n’est pas tant la Chine qui se développe, que Hong-Kong, Shanghai, Pékin et Canton. C’est la croissance économique des villes-monde qui tire la croissance économique des pays.
Sans le projet du Grand Paris, la ville de Paris et la région d’Île-de-France sont vouées à devenir deux « puissances moyennes ». En ce sens, le projet du Grand Paris est ambitieux, et je considère qu’il constitue une initiative majeure en termes d’investissements structurants futurs. Je réitère donc le soutien de la grande majorité des sénateurs du groupe de l’Union centriste à l’esprit de ce projet de loi.
Sur la question du cluster de l’innovation de Paris-Saclay, je me félicite de l’adoption des amendements que mon groupe avait déposés, tendant à favoriser la subsidiarité de la gouvernance de l’établissement public de Paris-Saclay et à mieux équilibrer son rôle au service de cet écosystème.
Il était indispensable de considérer le conseil d’administration non pas comme une autorité qui dicte une stratégie, mais bien comme un facilitateur d’initiatives – un « marieur », pour reprendre l’exemple de la Silicon Valley – qui, partant de la base, c’est-à-dire des projets des hommes et femmes qui travaillent sur le plateau de Saclay, facilite la mise en relation des uns avec les autres afin de créer des activités nouvelles, dans un mouvement ascendant.
Ce principe du bottom up – excusez l’emploi de ce terme anglais – est assurément une clé du développement du plateau de Saclay, qui devrait tirer la croissance de l’économie française. Par ailleurs, en soutenant la sauvegarde hydraulique du plateau, le groupe centriste a défendu une vision de l’aménagement du territoire qui associe aménagement économique et respect de l’environnement dans le cadre d’un développement durable et humain.
En outre, la construction d’un métro automatique interconnecté aux infrastructures de transport nationales et internationales, et reliant des pôles économiques stratégiques et des bassins de vie, est assurément un facteur d’attractivité économique ; si c’est un pari sur l’avenir, c’est aussi une nécessité.
Là encore, l’initiative prise par l’État de financer et mettre en œuvre un réseau de transports est salutaire dans le contexte de la compétition économique mondiale, comme nous l’ont montré les derniers événements enregistrés par les bourses mondiales.
Dans le cadre de l’exercice d’une compétence partagée, il était important de limiter le pouvoir de l’État sur l’aménagement de ces zones. Les contrats de développement territorial conclus avec les collectivités locales constituent ainsi un outil juridique nouveau particulièrement intéressant. L’amendement du président Nicolas About, adopté au sein de notre assemblée, limite d’ailleurs à bon escient les marges de manœuvre de l’État aménageur agissant en dehors d’un contrat de développement territorial.
En ce qui concerne les transports, je souhaite revenir brièvement sur trois points.
Tout d’abord, je salue l’initiative de la commission mixte paritaire qui a amélioré de nombreuses dispositions, de même que l’amendement de notre rapporteur visant à renforcer la desserte de l’est parisien par le TGV.
Ensuite, la solution de compromis obtenue sur la question des Arc Express nord et sud, dont les tracés étaient à 80 % analogues au tracé du métro, me paraît satisfaisante. Je vous parlais des problèmes de gouvernance, de compétences concurrentes : nous sommes au cœur de cette problématique. Mon amendement sur les Arc Express, qu’avait adopté le Sénat, a ouvert un débat important. Il a permis sans doute de crever un abcès politique, qui figeait le Gouvernement et la région d’Île-de-France dans la défense de leurs positions « politiques ».
Enfin, je reste convaincu que, du point de vue tant de la rationalisation des finances publiques que de la lisibilité du schéma de transports parisien, l’État ne doit pas financer des projets qui entreraient directement en concurrence avec le métro automatique du Grand Paris, comme le projet CDG Express. Je vous rappelle d’ailleurs que j’avais déposé un amendement en ce sens, qui a été adopté à l’unanimité par le Sénat ; le dispositif a été encore amélioré par la commission mixte paritaire et je suis satisfait de sa rédaction définitive.
Pour conclure, j’espère que le dialogue et la concertation entre le secrétariat d’État chargé du développement de la région capitale et le conseil régional d’Île-de-France permettront une mise en œuvre concertée et coordonnée de ce projet ambitieux, parce que les Franciliens et les Français, pour ne pas dire les Européens, ont besoin du Grand Paris.
J’irais même plus loin : j’espère que ce projet de loi relatif au Grand Paris que vous portez, monsieur le secrétaire d’État, constituera le socle d’un projet plus vaste – mon collègue Philippe Dallier s’en réjouira –, je veux parler d’une vraie réforme de la gouvernance de l’Île-de-France et de son mille-feuille administratif.
Peut-être le projet de loi sur la réforme des collectivités locales – avec mon collègue Dominati, j’attends une réponse du ministre à ce sujet et j’espère qu’elle sera positive ! – nous apportera-t-il les outils pour faire du Grand Paris une métropole exemplaire au niveau mondial.
D’ici là – je m’y engage en tant qu’élu de Paris –, je souhaite que le syndicat mixte Paris-Métropole soit plus hardi dans ses initiatives, plus visionnaire dans son action. Je ne suis pas opposé à ce que ses pouvoirs soient renforcés, afin qu’il soit plus qu’un syndicat d’études. Je ne suis pas non plus opposé à ce que ses capacités d’action soient développées pour poser les bases de la nouvelle gouvernance attendue sur le territoire francilien.
Pour l’heure, je salue sincèrement le travail de M. le secrétaire d’État, qui nous a présenté une vision que nous avons partagée ; je salue également le travail de l’Assemblée nationale, comme celui du Sénat, car les deux assemblées ont corrigé et amélioré le dispositif correspondant à cette vision.
Je confirme que le groupe de l’Union centriste, dans sa grande majorité, votera ce projet de loi. (Applaudissements au banc des commissions.)