Les interventions en séance

Droit et réglementations
François Zocchetto 27/04/2010

«Projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature»

M. François Zocchetto.

Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, puisque nous sommes en deuxième lecture, je ne reviendrai pas sur toutes les modifications tenant à la composition et aux attributions du Conseil supérieur de la magistrature, que le groupe de l’Union centriste a très majoritairement approuvées lors de la première lecture.
Je profite de cette discussion générale pour faire une rapide remarque d’ordre plus général. Je regrette, madame le ministre d’État, que nous n’ayons pas encore pu examiner aujourd’hui toutes les lois organiques découlant de la réforme constitutionnelle de 2008. En effet, outre le projet de loi que nous examinons ce jour, il reste encore plusieurs textes importants à soumettre au Parlement afin que cette réforme puisse être pleinement effective.
Nous sommes nombreux ici à regretter le retard qui a été pris, presque deux ans après l’adoption définitive de la réforme constitutionnelle...
Mais revenons-en au projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution qui nous est soumis aujourd’hui.
Je me félicite, comme notre rapporteur, que la majorité des modifications apportées à ce projet de loi organique par le Sénat en première lecture n’ait pas été remise en cause par les députés. Mais l’examen du texte laisse aussi apparaître des points de désaccord de fond entre notre Haute Assemblée et l’Assemblée nationale. Si ces points sont peu nombreux, ils ont une valeur symbolique importante.
Tout d’abord, le Sénat avait affirmé en première lecture la nécessité de garantir l’autonomie budgétaire du Conseil supérieur de la magistrature. À l’heure actuelle, les crédits alloués au CSM sont prévus par une simple action du programme « Justice judiciaire » de la mission « Justice ». Une telle organisation a une conséquence importante : elle place le CSM sous la responsabilité de la direction des services judiciaires.
Cette situation est dénoncée par notre commission des lois depuis plus de cinq ans, madame le ministre d’État ! En effet, pourquoi les crédits alloués au CSM ne seraient-ils pas inscrits dans la mission « Pouvoirs publics », qui comprend déjà les crédits destinés au Conseil constitutionnel et à la Cour de justice de la République ?
C’était donc en parfaite cohérence avec cette position que nous avions adopté, en première lecture, un amendement porté par notre rapporteur et visant à garantir l’autonomie budgétaire du CSM. Mais les députés ont cru bon de revenir sur cette avancée votée au Sénat : nous le regrettons et nous soutenons pleinement la position que continue de défendre notre collègue Jean-René Lecerf.
Ensuite, concernant les conditions d’exercice professionnel de l’avocat membre du CSM, la modification votée par le Sénat en première lecture visait à limiter les situations dans lesquelles l’avocat aurait à se déporter s’il était confronté, dans son exercice professionnel, au magistrat sur le sort duquel le CSM est justement appelé à se prononcer. Il s’agit, pour nous, de prévenir les conflits d’intérêt et de renforcer les gages d’impartialité de cette institution.
La commission des lois de l’Assemblée nationale a supprimé ces restrictions, en invoquant « la volonté du constituant que participe aux travaux du CSM un avocat inscrit au tableau de l’ordre et exerçant pleinement sa profession ». Si cette position mérite d’être entendue, elle doit néanmoins être confrontée avec celle que nous avions défendue en première lecture. In fine, la position actuellement défendue par la commission des lois du Sénat, qui vise à limiter l’activité de l’avocat membre du CSM à ses missions de conseil, me paraît être le bon compromis. J’espère que nous parviendrons à emporter l’adhésion des députés sur ce point.
Enfin, je tenais à revenir sur les obligations déontologiques applicables aux membres du Conseil supérieur de la magistrature, qui ont été renforcées lors du premier examen par notre Haute assemblée. Ces obligations déontologiques ne seront effectives qu’à la condition que l’institution ait les moyens d’en imposer le respect aux intéressés. Comme dans tous les domaines, la création d’une obligation doit s’accompagner d’une procédure de sanction qui garantisse l’effectivité de l’exigence ainsi posée.
Cette fois encore, la position de notre commission des lois, défendue par la voix de son rapporteur, est dans la continuité de ce que nous avons voté en première lecture : le groupe de l’Union centriste lui apporte donc son soutien.
Je dirai un mot, avant de conclure, du projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature.
Dès lors qu’il est matériellement impossible que le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution soit promulgué avant l’échéance de l’actuel mandat des membres du CSM, il est évident que ce texte est nécessaire.
Pour conclure, je tiens à saluer encore une fois l’excellent travail de notre rapporteur, Jean-René Lecerf, qui a su nous convaincre d’adopter nombre d’améliorations. Celles-ci permettent à la commission des lois de présenter un texte que notre groupe souhaite majoritairement voir adopter. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)