Les interventions en séance

Affaires sociales
Chantal Jouanno 27/02/2014

«Projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale-conclusions de la CMP»

Mme Chantal Jouanno

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai en remerciant les fonctionnaires du Sénat, les commissaires du Gouvernement, ainsi que les collaborateurs et les collaboratrices de notre groupe. Si tout le monde a salué la qualité des débats que nous avons eus, tout particulièrement au Sénat, sur un texte aussi technique, c’est en grande partie grâce au travail que ces personnes ont effectué. Sur le fond, comme Jean-Louis Borloo l’avait d’emblée souligné, nous sommes un peu déçus que ce texte n’ait pas été l’occasion d’une clarification complète de l’organisation de la formation professionnelle, afin de remédier à son inefficacité. Premièrement, je l’ai déjà exprimé, nous aurions souhaité que l’on donne plus de pouvoir au législateur sur ce sujet. Au sein de notre groupe, nous considérons la formation professionnelle comme une « seconde chance ». Or les enjeux essentiels résident aujourd’hui dans la correction des inégalités de formation, notamment de formation initiale, et dans la lutte contre le risque de relégation lié au chômage de masse et de longue durée, ce qui implique le législateur. Nous le voyons d’ailleurs dans le présent projet de loi, qui traite peu de la question des demandeurs d’emploi, car, à la base, les partenaires sociaux ne l’ont pas traitée dans le cadre de l’accord national interprofessionnel, ou alors de manière marginale. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La situation est bien regrettable. Deuxièmement, contrairement à nos collègues, nous aurions souhaité aller plus loin dans la décentralisation vers la région. Nous craignons moins le transfert total des compétences en matière d’apprentissage à la région que les effets de la loi de finances pour 2014, en contradiction totale avec les objectifs ambitieux affichés par le Gouvernement. Nous aurions voulu que la région ait clairement un rôle pilote. Certes, monsieur le rapporteur, c’est en partie le cas, puisque vous avez repris l’amendement sur les achats de formation collective pour les demandeurs d’emploi dans le cadre de la commission mixte paritaire, ce dont nous vous remercions. Mais il était possible d’aller encore plus loin pour respecter l’objectif fixé par l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS : distinguer les responsables de la définition des orientations stratégiques et ceux du pilotage des dispositifs. Je ne suis pas totalement certaine que l’on ait expurgé les risques de conflit d’intérêt. J’en viens à la philosophie. Les obligations légales pour les entreprises sont réduites. Dans la perspective de ce que j’ai exprimé précédemment, nous aurions préféré qu’elles soient maintenues, mais ciblées sur des objectifs d’intérêt général, donc de mutualisation. Nous aurions souhaité voir doubler l’enveloppe du congé individuel de formation, le CIF, dispositif qui a fait ses preuves. Nous aurions voulu que les PME bénéficient de la réforme. En réalité, le dispositif ne changera malheureusement pas beaucoup leur situation. Aujourd’hui, elles bénéficient trop peu de la formation professionnelle. Pour autant, nous voyons dans cette loi une avancée par rapport à la situation actuelle, même si cela ne va pas aussi loin que ce que nous aurions souhaité. C’est un progrès sur la question de la qualité, sujet dont nous avons longuement débattu. J’aurais aimé que notre amendement soit conservé, pour avoir un système d’agrément. On a un dispositif différent, intégré après l’article 3. C’est tout de même un pas en avant. Mais il faut que l’acte réglementaire soit particulièrement exigeant, notamment sur le niveau de diplôme des formateurs et sur la nécessité que les formations soient qualifiantes. Nous sommes également satisfaits du CPF, car, j’y reviens, c’est un droit attaché à la personne. Ce sera sans doute un objet de divergence avec vous plus tard, mais nous sommes très favorables à des droits attachés à la personne distincts du contrat de travail. Dans cette perspective, nous souhaiterions que cela soit étendu à l’ensemble des droits sociaux. D’ailleurs, cela va de pair avec un financement via une TVA sociale et une réduction du rôle des partenaires sociaux dans le domaine de la protection sociale. Je ne suis pas sûre que nous soyons totalement d’accord sur le sujet. Autre point positif, vous avez accepté que l’abondement sur le CPF soit clairement ciblé sur les salariés les moins qualifiés. Jean-Marie Vanlerenberghe s’est largement exprimé sur le volet démocratique. Là encore, c’est une avancée, puisque nous allons limiter les risques d’abus. Il y aura beaucoup plus de transparence. Des bases sur la représentativité patronale ont été intégrées dans ce texte. En outre, nous aussi pour des raisons totalement opposées à celles de notre collègue Jean Desessard, nous nous réjouissons que l’article 20, relatif à la réforme de l’inspection du travail, ait été retiré du texte. C’était un point dur ; nous n’aurions pas voté le texte sans cela. Une telle réforme nécessite probablement beaucoup plus de débat parmi nous ; je ne suis pas certaine que nous serons d’accord sur le sujet… Vous l’avez compris, nous n’avons aucune raison de nous opposer à ce texte, même s’il est peut-être moins ambitieux que ce que nous aurions souhaité. La plupart de nos attentes, certes pas toutes, ont été prises en compte. Aussi, à une abstention près, la quasi-totalité de notre groupe votera en faveur du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde et M. Jean Desessard applaudissent également.)