Les interventions en séance

Justice
Vincent Capo-Canellas 25/06/2014

«Projet de loi tendant à renforcer l’efficacité des sanctions pénales-Question préalable»

M. Vincent Capo-Canellas

La motion tendant à opposer la question préalable mérite débat, tout comme votre projet de loi, madame la garde des sceaux. C’est d’ailleurs là toute la question !
Il est vrai que la loi pénitentiaire de 2009 prévoit des outils qui concourent à la prévention de la récidive et instaure des peines alternatives à la prison. Les auteurs de la motion nous invitent à mettre en œuvre de véritables moyens pour assurer son application effective. Ils soutiennent que, réellement appliquée, cette loi serait suffisante et qu’il ne faudrait pas aller plus loin ; le présent projet de loi ne serait donc pas justifié. Face à eux, le Gouvernement et la majorité souhaitent, au contraire, aller plus loin. Le groupe UDI-UC considère que le débat d’ensemble est légitime, autant sur l’opportunité de s’en tenir à la loi de 2009 que sur l’ampleur des changements qu’il convient d’opérer, si l’on pense qu’il en faut. Ce débat n’est pas tabou, non plus que celui sur la construction de prisons. Des arguments plaident pour qu’un pas supplémentaire soit franchi. Autant reconnaître, néanmoins, que ce pas est dans la continuité de la loi de 2009. Mme la garde des sceaux nous a rappelé hier avec brio la tradition humaniste du Sénat. Cette tradition, nous y souscrivons, en ayant à l’esprit que l’humanisme et la compassion doivent s’appliquer d’abord aux victimes. De l’auteur d’une infraction, nous attendons qu’il s’amende, puis qu’il se réinsère. Nous ne pouvons pas ignorer que, dans la sanction, il y a une part de reconstruction, y compris pour la victime, dont il s’agit de reconnaître la souffrance. Certes, la société reconnaît le préjudice subi par la victime par d’autres voies, dont celle de l’indemnisation, mais il faut reconnaître que, pour nos concitoyens, la sanction concourt aussi à la réparation. Or la sanction, dans l’esprit de beaucoup, c’est la prison, qui a une valeur dissuasive. C’est donc un équilibre qu’il nous faut rechercher, très fragile, entre la tradition humaniste que vous avez rappelée à juste titre, madame la garde des sceaux, et une logique plus répressive. Entre ces deux traditions, il y a sans doute un point de rencontre : la logique de responsabilité. Faire preuve de responsabilité, c’est d’abord être pragmatique. Or, à l’évidence, une question majeure se pose : celle de la récidive, sur laquelle de nombreux orateurs ont insisté. Penser que la contrainte pénale évitera la récidive, c’est peut-être un raccourci. Mme la garde des sceaux nous invite, en adoptant ce projet de loi, à franchir avec confiance un pas supplémentaire par rapport à la loi pénitentiaire. Ce pas s’accompagne de la suppression de plusieurs dispositifs actuellement en vigueur, comme les peines planchers ; de là vient la tonalité d’ensemble du projet de loi, que d’aucuns qualifieront de permissif. L’équilibre entre la tradition d’humanisme pénal et une tradition plus répressive s’en trouve-t-il durablement compromis ? La question vaut d’être posée. Personnellement, j’incline à y répondre par l’affirmative. M. le rapporteur propose d’aller plus loin encore que les dispositions proposées par le Gouvernement en rendant la contrainte pénale obligatoire pour une série de délits, alors que Mme la garde des sceaux concevait cette mesure comme optionnelle. M. Yves Détraigne a exprimé, hier soir, notre opposition claire à cette démarche. Le débat a rebondi ce matin en commission ; je laisse à M. le rapporteur le soin d’expliquer au Sénat, le moment venu, en quoi il a évolué. Au bout du compte, même s’ils sont très critiques à l’égard du projet de loi, les membres du groupe UDI-UC souhaitent que le débat ait lieu ; c’est pourquoi ils s’abstiendront sur la motion tendant à opposer la question préalable.