Les interventions en séance

Philippe Bonnecarrère 25/01/2018

«CONVENTIONS INTERNATIONALES (PROCÉDURE SIMPLIFIÉE) APPLICATION DU RÉGIME D'ASILE EUROPÉEN - Discussion générale»

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M. Philippe Bonnecarrère . - Le droit d'asile est le miroir des crises migratoires. 64 millions de réfugiés dans le monde ; plus de 100 000 demandes d'asile en France. Ce mouvement de masse interroge les notions d'État-nation et de citoyenneté, il pose des questions éthiques et philosophiques perturbantes. Le droit d'asile est reconnu par nos engagements internationaux, d'abord dans la convention de Genève, nous l'avons placé dans notre Constitution ; le Sénat défendra toujours les droits fondamentaux et la tradition républicaine.  Ce texte est une première étape d'une réforme de grande ampleur, il tire les conséquences de décisions de justice et des insuffisances de la loi de 2015. Le groupe UC soutient la proposition de loi, mais cela ne nous empêche pas d'exprimer une réserve : je ne crois pas à l'efficacité d'une législation française du droit d'asile. L'enjeu est européen, il relève de « l'européanisation de la souveraineté » évoquée par le président Macron à la Sorbonne. Le vrai problème est le blocage des négociations européennes sur le règlement Dublin III. Il n'y a pas de droit européen de l'asile, car la Commission européenne n'est pas compétente : les traités européens confient l'asile aux seuls États membres. Les traités qui définissent des règles en la matière, comme Schengen ou Tampere, sont multilatéraux : c'est décevant pour les Européens convaincus que nous sommes, mais c'est la réalité. Même des pays traditionnellement proches de nous ne sont pas prêts à renoncer à leur propre dispositif. La reconnaissance mutuelle des décisions n'est pas, aujourd'hui, envisageable. Techniquement, cette proposition de loi répond aux enjeux : précision des critères de mise en rétention pendant la période de demande avec une limitation dans le temps - ce qui répond à l'arrêt du Conseil d'État - ; meilleur contrôle de l'assignation à résidence pour éviter le recours à la rétention - ce qui répond à la décision du Conseil constitutionnel - et enfin, définition plus objective du risque de fuite, pour la rétention avant transfert effectif vers le pays responsable au titre de Dublin - ce qui répond à la jurisprudence de la Cour de cassation de la CJUE. Ces dispositions ne vont pas contre la jurisprudence, elles la complètent en comblant les lacunes de notre législation qui ont motivé les décisions juridictionnelles.  Le groupe UC approuve le texte proposé, mais le sujet reste ouvert, au plan européen comme français. Abordons-le sans moraliser mais en prenant en compte les réalités.