Les interventions en séance

Collectivités territoriales
Hervé Maurey 24/10/2012

«Proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales »

M. Hervé Maurey

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, chacun en convient, le poids croissant des normes est de plus en plus insupportable pour nos collectivités, qui croulent chaque jour davantage sous les circulaires et directives européennes, les lois, les décrets, les instructions, voire les réglementations de fédérations sportives. D’ailleurs, lequel d’entre nous n’a pas constaté l’absurdité d’un grand nombre de ces normes ? Ces normes, qui sont au nombre de 400 000 selon le Président de la République, sont une source de complexité, d’incertitudes juridiques et de perte d’efficacité. Surtout, elles sont à l’origine de coûts supplémentaires importants, d’autant moins supportables que les dotations aux collectivités territoriales, déjà gelées depuis deux ans, vont être diminuées par la volonté du nouveau gouvernement. À cette situation qui n’est plus tenable, il est urgent d’apporter une réponse globale et efficace. C’est pour cette raison que le Président de la République Nicolas Sarkozy avait confié à notre collègue Éric Doligé, en janvier 2011, une mission destinée à identifier les normes qui devaient « être prioritairement modifiées en raison de leur caractère inadapté et coûteux » et à proposer les dispositifs de simplification attendus par tous. Au terme d’un important travail, pour lequel le groupe centriste tient à le féliciter, notre collègue Doligé a rédigé un rapport qui comporte 268 propositions. Ce rapport est à l’origine de la proposition de loi qui est aujourd’hui soumise à notre examen, après avoir été renvoyée à la commission des lois le 15 février dernier. À ce stade de nos travaux, je tiens à féliciter notre rapporteur, Jacqueline Gourault, pour son engagement et pour son travail. Nous regrettons toutefois que le texte issu des travaux de la commission des lois, en dépit de sa qualité, soit beaucoup moins ambitieux que la proposition de loi initiale. À mon sens, cette proposition de loi méritait d’être complétée dans au moins deux domaines. En premier lieu, des mesures complémentaires étaient nécessaires en matière de police de l’eau, car il s’agit d’un domaine où les règles font peser sur les élus des contraintes manifestement excessives. Songez, mes chers collègues, qu’avant d’implanter une passerelle sur une rivière de ma commune, je dois réaliser deux études, la première devant permettre de déterminer la nature exacte de la seconde et la seconde devant porter sur la faisabilité et les conditions de réalisation du projet. Deux études qui coûteront au bas mot 25 000 euros ! En second lieu, j’aurais souhaité que la question sensible de l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite soit abordée. En effet, chacun sait très bien que l’échéance du 1er janvier 2015 sera, dans un grand nombre de cas, impossible à respecter, surtout dans le contexte financier que connaissent actuellement les communes. Seulement voilà : loin d’être complétée, la proposition de loi de notre collègue Doligé a été amputée. Elle a d’abord été amputée de son article 1er, qui introduisait un principe général de proportionnalité des normes et d’adaptation de celles-ci à la situation des collectivités territoriales. Notre rapporteur avait proposé un dispositif qui a malheureusement été rejeté par nos collègues de gauche en commission des lois. Nous le regrettons, car, de l’avis général, l’article 1er constituait la réelle innovation de la proposition de loi, et une innovation très attendue. En effet, comment admettre que la règle soit la même dans un village de 150 habitants et dans une commune de 150 000 habitants ? La proposition de loi a également été amputée des dispositions touchant à deux domaines essentiels pour les communes. Il s’agit d’abord de l’urbanisme, dont chaque maire constate chaque jour la complexité croissante, en dépit des annonces régulières de simplification. Il s’agit ensuite de l’archéologie préventive, dont nous savons tous qu’elle occasionne des surcoûts pour les collectivités territoriales et des retards dans la réalisation des projets, avec souvent de lourdes conséquences sur l’emploi quand il s’agit de construire des zones d’activités. Force est de constater que l’ambition de la proposition de loi est désormais très limitée ; elle ne comporte plus que quelques mesures – pour ne pas dire des mesurettes – améliorant le fonctionnement de la commission consultative d’évaluation des normes, rendant facultative la création des CCAS dans les communes de moins de 1 500 habitants et renforçant la dématérialisation. C’est très bien, mais c’est surtout bien peu. Je regrette que l’insuffisance du temps prévu pour l’examen de cette proposition de loi ne nous permette pas d’essayer de la compléter sensiblement. Notre groupe a toutefois déposé un certain nombre d’amendements. C’est ainsi qu’Yves Détraigne a déposé un amendement visant à réintroduire un droit à la mise en œuvre du principe d’adaptabilité. Il s’agit de tenter de rendre à la proposition de loi son ambition première, qui va au-delà d’un simple catalogue de simplifications ponctuelles. Nous avons également déposé, sur l’initiative de Jean-Marie Vanlerenberghe et de Valérie Létard, des amendements relatifs au SCOT et à l’archéologie préventive, qui sont des questions très importantes pour les élus. En ce qui me concerne, j’ai déposé des amendements relatifs à l’assainissement non collectif, à l’élagage sur la voirie départementale et à la cession de terrain à titre gratuit. La brièveté du temps prévu pour l’examen de cette proposition de loi ne nous permettra vraisemblablement pas de l’adopter ce soir, puisqu’il nous reste à peine une heure pour examiner la motion tendant au renvoi à la commission, vingt-six articles et soixante-treize amendements… Dans ces conditions, pour ne pas contribuer à l’enterrement de cette proposition de loi, que souhaite la majorité, le groupe UDI-UC est prêt, si nécessaire et, à regret, à retirer ses amendements. Nous constatons que le Président de la République s’est prononcé en faveur d’une simplification des normes en déclarant : « […], nous ne pouvons plus accepter cette situation, en termes de coût pour les collectivités comme de délais de procédure. » Pourtant, sa majorité manifeste la volonté délibérée d’enterrer cette proposition de loi ! Tel est bien votre objectif, chers collègues de la majorité, puisque, après avoir décidé le renvoi à la commission de la proposition de loi en février dernier, vous avez fait en sorte d’en réduire considérablement l’ambition ; et, ce soir, vous faites tout pour que sa discussion ne puisse pas aller à son terme ! Dernier événement en date : une motion tendant au renvoi à la commission a été déposée au dernier moment par le groupe CRC… L’objectif de la majorité est clair : se débarrasser d’une proposition de loi qui présente le grave inconvénient d’émaner d’un élu de l’opposition pour en préparer une autre dont la gauche pourra s’approprier la paternité. Les propos du président du Sénat, qui a annoncé il y a quelques jours la préparation d’une proposition de loi visant « à endiguer le flux des normes et à simplifier leur mise en œuvre par les collectivités », sonnent d’ailleurs comme un aveu. Ce choix démontre une fois encore que la majorité préfère une attitude politique, pour ne pas dire politicienne, au souci de l’intérêt général qui commande de simplifier les normes. (M. le président de la commission des lois proteste.) Mesdames les ministres, pourquoi vouloir élaborer un texte nouveau alors que cette proposition de loi existe et peut, si nécessaire, être complétée ou améliorée ? En ce qui nous concerne, nous sommes désireux de répondre aux attentes des élus. C’est pourquoi, bien que nous la jugions très insuffisante, nous voterons cette proposition de loi qui a le mérite de constituer un premier pas, certes petit, mais dans la bonne direction ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)