Les interventions en séance

Hervé Maurey, Claude Kern, Anne-Catherine Loisier, Pierre Medevielle 24/09/2019

«PROJET DE LOI ÉCONOMIE CIRCULAIRE (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) - DISCUSSION GÉNÉRALE»

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  • Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques -  Nous débattons d'un texte attendu, et je salue votre initiative, madame la ministre. Plusieurs mesures de ce projet de loi vont dans le bon sens, comme l'amélioration de l'information du consommateur, de l'écomodulation, de l'interdiction de l'élimination des invendus, de l'indice de réparabilité ou de l'affichage de la disponibilité des pièces détachées.
    Mais que dire de l'absence d'étude d'impact sérieuse ? Les chiffres joints à ce texte sont contestés. L'étude d'impact est pourtant le fondement de notre action, une exigence constitutionnelle, un devoir à l'égard des citoyens, et un enjeu de crédibilité. 
    Que dire des ordonnances pléthoriques sur des sujets majeurs ? 
    Les conséquences sont trop lourdes, pour une entreprise qui doit incorporer 50 % de matière recyclée dans un produit ou pour une filière entière devant se conformer aux exigences de la responsabilité élargie du producteur, en quelques mois.
    Dans le cas de la consigne, les approximations du projet sont patentes et nous n'avons toujours pas à ce jour de réponse quant aux modalités même du financement du service public ou de la TVA sur la consigne.
    La France se veut vertueuse et exemplaire - nous y souscrivons tous. Mais gare aux excès franco-français des surtranspositions des directives. Accompagnons nos entreprises, qui doivent se défendre dans un marché international difficile. 
    Imposer des obligations excessives à nos producteurs, et dans le même temps, autoriser l'importation de produits moins exigeants n'est plus tenable. Face aux obligations nouvelles, le Gouvernement devra aussi s'engager à dédier de nouveaux moyens de contrôle et de respect des normes.
    La commission des affaires économiques a été attentive aux équilibres entre enjeux environnementaux, faisabilité économique et technique pour les producteurs, protection des consommateurs, pérennité et financement des missions assurées par les collectivités territoriales.
    Nombre de nos entreprises n'ont pas attendu ce texte car - prosaïquement - l'environnement est devenu un argument marketing. Ne détruisons pas ce qui fonctionne bien et privilégions l'obligation de résultat. 
    L'éco-organisme n'est pas l'alpha et l'oméga de la gestion des déchets. Certains secteurs ont développé des alternatives efficaces, comme la filière de l'agrofourniture, qui affiche des taux de collecte impressionnants, bien au-delà des exigences européennes. Je proposerai donc un amendement validant ces initiatives « troisième voie » au sein de la REP. Les filières pourront ainsi mettre en place un système alternatif, sous conditions de l'atteinte des objectifs et d'un contrôle renforcé au minimum égal à celui des éco-organismes. 
    Sur la consigne, je salue le travail de Marta de Cidrac : évitons les effets collatéraux sur le système de tri collectif en place.
    Des incertitudes demeurent sur le bilan environnemental, le pouvoir d'achat des consommateurs ou l'attractivité du petit commerce.
    Je salue votre mobilisation, chers collègues. 
  • M. Pierre Médevielle, au nom de la commission des affaires européennes - La commission des affaires européennes, dans le cadre de sa mission de lutte contre les surtranspositions, a examiné les dispositions du projet de loi qui transposent les directives adoptées en mai 2018 dans le cadre du Paquet économie circulaire, complété, en juin dernier, par la directive concernant certains produits en plastique.
    Ce Paquet fixe des objectifs chiffrés de recyclage a minima, à horizons 2025 et 2030. Des objectifs globaux avec un accent particulier sur le plastique. Il précise et renforce le cadre européen, notamment en matière de collecte séparée des déchets municipaux et des biodéchets, ou encore de responsabilité élargie des producteurs. Fondées sur le principe du pollueur-payeur, trois nouvelles filières de traitement devront en outre être mises en place.
    Certaines prescriptions européennes sont impératives, comme l'interdiction de mise sur le marché de produits à base de plastique oxodégradable ou la mise en place de systèmes de reprise, de collecte et de valorisation des emballages et déchets d'emballage en vue de leur réemploi. Le projet de loi les reprend strictement. La commission des affaires européennes a toutefois constaté qu'il anticipe la date d'application d'une obligation en matière de traitement des emballages de la restauration rapide.
    Le texte prévoit en outre des mesures d'application pour la mise en oeuvre d'obligations européennes, notamment en matière de suivi et de contrôle des filières REP, d'atteinte des objectifs européens ou d'éco-contribution.
    En revanche, il va au-delà des obligations européennes dans plusieurs cas, notamment en ce qui concerne les garanties financières requises pour l'agrément des éco-organismes, la prise en compte des coûts de nettoyage et de certains coûts de prévention des déchets dans le calcul de l'éco-contribution ou encore le champ de l'obligation de reprise des produits usagés.
    Les directives renvoient en outre aux États membres le soin de prendre des mesures appropriées pour atteindre les objectifs qu'elles fixent. Elles formulent des préconisations ou des suggestions pour faciliter la lutte contre le gaspillage et la production de déchets. 
    La directive fait également des propositions non impératives que le projet de loi reprend en partie sur l'information des consommateurs, la réparabilité, l'interdiction de la destruction de certains invendus non-alimentaires ou le caractère réutilisable des produits et déchets du BTP. Pour favoriser le recyclage, il introduit en outre un taux minimum d'incorporation de matières recyclées dans certains produits, prévoit la création de cinq nouvelles filières de traitement purement nationales et introduit la faculté de mettre en place des systèmes de consigne pour les bouteilles en plastique contenant des boissons.
    La commission des affaires européennes rappelle que les sur-transpositions doivent être justifiées et que leurs effets doivent être mesurés : elles peuvent en effet générer une augmentation des coûts de production et de distribution ainsi que de la TEOM.
    Espérons que ces mesures n'engendreront pas des distorsions de concurrence. Encore faut-il procéder à une analyse détaillée et mesurer l'impact des mesures hors filières, en particulier les coûts non supportés par les producteurs ou distributeurs étrangers pour les produits qu'ils ne proposent pas sur le marché français.
    Le renvoi à des ordonnances, dont le contenu n'est pas connu, ne répond pas non plus au risque de sur-transposition.
    Le bien-fondé des objectifs n'est pas à remettre en question. Tout est dans leur mise en oeuvre. 
  • Claude Kern, orateur pour le groupe UC - L'intitulé du projet de loi est incontestable : oui, l'économie circulaire est la condition pour que notre civilisation perdure. Nous partageons néanmoins l'avis très sévère porté par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Hormis des mesures qui figuraient déjà dans la feuille de route pour l'économie circulaire et des transpositions de directive, le texte est très en retrait. La consigne, qui concentre les débats, est un non-sens écologique. D'autant que les bouteilles en plastique ne représentent que 0,2 % des déchets produits en France... Elle a été décidée sans concertation par le Gouvernement, l'Ademe se disant incapable de se prononcer sur son intérêt. Le rapport Stefanini commandé par notre commission en montre les limites. Le taux de recyclage auprès des ménages est bon et progresse. La tarification incitative et la redevance incitative ont fait leurs preuves. 
    La consigne est une mauvaise nouvelle pour le consommateur. Il paiera plus cher sa bouteille et devra en sus la rapporter au magasin, alors qu'aujourd'hui, il la jette simplement en bas de chez lui, dans le bac approprié. La consigne est un cadeau aux industriels, dont elle pérennise le modèle et sanctuarise les profits. Beaucoup de bouteilles ne seront pas rapportées, au détriment du consommateur et au bénéfice de l'industriel qui empochera le montant correspondant. Quant aux collectivités territoriales, elles auront investi à perte : on leur impose un virage à 180°, et elles ont logiquement gelé tout investissement. Pour elles, la perte non compensée est estimée à 240 millions d'euros par an.
    Enfin, avant de penser au recyclage, il faudrait surtout penser à la réparation et au réemploi, véritablement écolo. Tous les pays qui ont instauré la consigne de recyclage, comme l'Allemagne, ont vu monter en flèche la production des bouteilles en plastique ! C'est un cercle vicieux.
    Nous nous félicitons des améliorations apportées en commission. L'apport le plus considérable du Sénat est la valorisation des modes prioritaires de traitement des déchets : réduction du volume des déchets, fonds dédié à la réparation, valorisation du réusage et du réemploi. 
    La commission a refondu le cadre applicable aux éco-organismes, qui sont insuffisamment contrôlés. Je me félicite aussi de l'adoption de notre amendement sur l'éco-modulation. 
    Je salue enfin l'effort fait pour lutter contre les dépôts sauvages, auxquels le Sénat consacre un titre. Les pouvoirs de sanction du maire doivent être encore renforcés.
    Bien du chemin reste à parcourir mais nous nous engageons sur la bonne voie. 
  • Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable  - Madame la ministre, j'ai été fort surpris par vos propos ce matin dans la presse régionale et sur une radio du service public. On ne peut pas dire à la tribune que l'on travaille en concertation avec le Sénat et affirmer par ailleurs que « les sénateurs n'ont pas pris les dispositions nécessaires pour préserver les intérêts des collectivités territoriales » ! C'est faux et c'est insultant. Cela a d'ailleurs été immédiatement démenti par les communiqués des associations d'élus. 
    Quant à nous accuser d'être à la solde des lobbies, c'est tout bonnement diffamatoire. Si vous voulez parler des lobbies, parlons-en ! La seule étude préalable qui nous a été fournie par le Gouvernement sur la consigne émanait des fabricants de bouteilles ! Quels messages des lobbies avons-nous reçus ? Sinon de Coca-cola, qui nous a dit tout le bien qu'il pensait de votre dispositif... 
    Quelle est votre position sur le travail de la commission, madame la ministre ? Vous ne pouvez nous envoyer des fleurs à la tribune et des cailloux dans les médias ! Soit vos propos ont été mal retranscrits, soit vous tenez un double langage inacceptable. J'attends une clarification ? La tenue de nos débats en dépend.