Les interventions en séance

Collectivités territoriales
Hervé Maurey 24/09/2012

«Projet de loi portant création des emplois d՚avenir-Article 1er»

M. Hervé Maurey

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais dire quelques mots sur cet article 1er. Tout d’abord, sur la forme, j’observe que l’on nous soumet à nouveau un texte selon la procédure accélérée. J’en suis d’autant plus étonné que le ministre M. Sapin avait indiqué à l’Assemblée nationale que ce texte n’était pas urgent. Selon ses propres termes, il n’y avait pas « d’urgence immédiate » à propos de ces emplois, « leur élaboration demande[ra] du temps – nous discuterons notamment des crédits à leur consacrer au moment du débat budgétaire ». J’observe aussi que, au cours de cette session extraordinaire, nous examinons deux textes selon la procédure accélérée. Et je me demande s’il faut y voir l’amélioration des conditions de travail du Parlement qui nous avait été promise par la majorité et par le Gouvernement ! (Mme Sophie Primas applaudit.) Face à ces deux textes dont nous débattons dans l’urgence, j’ai vraiment le sentiment que l’on est passé de la léthargie de juillet à l’emballement de septembre ! Je voudrais également regretter que ce projet de loi, comme celui sur le logement, aborde la problématique de manière séquencée. On n’arrive pas, avec ce gouvernement, à avoir des textes qui abordent globalement les choses ! C’était vrai de la discussion du projet de loi sur le logement où l’on ne nous a parlé que de logement social ! Et c’est vrai avec l’examen de ce texte, qui aborde uniquement la question du traitement social du chômage chez les jeunes. (M. Jean-Pierre Godefroy hoche la tête.) Sur le fond, il faut bien évidemment se préoccuper du chômage ! Bien sûr, c’est une priorité ! Bien sûr, nous avons 3 millions de chômeurs ! Bien sûr, la question de l’emploi des jeunes est encore plus préoccupante puisque 470 000 jeunes sont sans emploi, puisque le chômage des jeunes a augmenté très fortement en un an, progressant de 7 % ! Que le Gouvernement s’attaque à cette problématique, c’est donc très bien ! Le problème, c’est que, selon moi, ce qui nous est proposé n’est pas à la hauteur de la situation. En effet, face à ce drame de l’emploi des jeunes, que nous propose le Gouvernement ? Il nous propose, finalement, de réinventer les emplois jeunes de 1997 (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.),mais en moins bien ! (Même mouvement.)
Ces emplois sont moins nombreux, ils se limiteront à 150 000, contre 800 000 ! Ils seront moins aidés puisque la prise en charge par l’État se réduira de 80 % à 75 %. La durée de ces emplois sera plus courte, ramenée de cinq ans à trois ans. Et, en plus, ils ne concerneront que certains territoires.
Le pire, c’est que le Gouvernement ne semble pas se rendre compte qu’en réalité la situation a fondamentalement changé en quinze ans. (M. David Assouline s’exclame.) En effet, les emplois jeunes ont été un relatif succès dans la mesure où 60 % des emplois jeunes ont, de fait, été pérennisés, mais la situation a fondamentalement changé. Aujourd’hui, la différence fondamentale par rapport à celle que nous connaissions il y a quinze ans, c’est que les collectivités locales ne sont absolument pas en situation de pérenniser ces emplois.
On sait très bien que, demain, les collectivités locales dont les dotations stagnent, qui devraient limiter le nombre de leurs emplois, ne pourront pas pérenniser ces emplois. Ce que l’on promet à ces jeunes, c’est donc un emploi parking !
Et c’est d’autant plus préoccupant – nous y reviendrons à l’occasion de l’examen des amendements présentés par notre groupe – qu’il n’y a même pas de réelles garanties sur la formation de ces jeunes dans le cadre de ces emplois. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Je comprends que vous soyez gênés, mes chers collègues ! Mais j’en appelle à Mme la présidente, ayez la courtoisie de me laisser parler !
Merci, madame la présidente. Je comprends que mes propos dérangent, mais notre assemblée est habituellement plus courtoise que ce soir !
Il est donc tout à fait regrettable que ces emplois soient essentiellement tournés vers le secteur public et pas davantage vers le secteur marchand, lequel n’est concerné qu’à la marge. Sur ce sujet aussi, nous avons déposé des amendements. Et il est tout à fait incompréhensible que, dans le cadre d’emplois qui iraient vers le secteur marchand, c’est-à-dire vers les entreprises, les aides n’atteignent pas 75 % mais se limitent à 30 à 35 %, ce qui montre, là encore, une méfiance vis-à-vis des entreprises. Que recouvre aujourd’hui la question de l’emploi des jeunes ? Elle englobe un problème de formation, un problème d’inadéquation entre l’offre et la demande. Des problèmes auxquels, malheureusement, ce texte ne répond pas. Et elle recouvre aussi le problème du coût du travail. Précisément, sur la question du coût du travail, on se réjouit que le Président de la République ait découvert l’existence d’un problème de compétitivité dans notre pays ! Mais on aimerait bien voir enfin des actes et des propositions concrètes pour y remédier. Pour le moment, nous en sommes au stade de la découverte du problème de compétitivité, mais les actes ne sont pas en conformité avec cette découverte. En effet, les seuls actes pris par le Gouvernement ont eu pour conséquence d’aggraver les charges des entreprises, avec la suppression de la TVA anti-délocalisations, avec la suppression de l’exonération des charges sociales sur les heures supplémentaires et avec les nouvelles impositions sur les entreprises prévues par le projet de loi de finances. J’attends vraiment de la part du Gouvernement et de la part de la majorité que l’on aborde ce problème au fond et de manière structurelle ! (Applaudissements sur les travées de l’UCR et sur plusieurs travées de l’UMP.)