Les interventions en séance

Handicap
Vincent Capo-Canellas 24/06/2014

«Projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des lieux publics pour les personnes handicapées-conclusions de la CMP »

M. Vincent Capo-Canellas

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la première lecture à l’Assemblée nationale et la commission mixte paritaire n’ont pas altéré l’appréciation que nous portons sur ce texte. Au contraire, elles l’ont même, dans une certaine mesure, confortée. Ce texte marque une étape importante et nécessaire. Je réaffirme notre profond accord avec la loi de 2005. Si l’ambition de cette dernière est fondamentalement juste, elle était aussi difficilement applicable. Le présent texte nous est soumis à quelques mois de l’échéance « couperet » qu’elle fixait, et il fallait donc intervenir. Toutefois, peut-être aurions-nous pu mieux prendre en compte les propositions de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, que Jean-Pierre Vial a rappelées. Quant aux ordonnances, nous les déplorons. En revanche, sur le fond, je ne peux que réitérer, pour l’essentiel, notre soutien aux solutions avancées. Le projet de loi est issu d’une concertation approfondie qu’il faut saluer. Une large part en revient à notre collègue Claire-Lise Campion. Ce texte donne un cadre législatif renouvelé, auquel s’ajoutera un cadre réglementaire rénové. Au départ, le constat est évident : le manque d’information et de prise de conscience sur la réalité de la loi de 2005 est patent. Les collectivités territoriales, en particulier, n’ont pas entendu qu’elles s’exposaient à des sanctions. Au fil des années, chacun a fait autant qu’il le pouvait, en fonction de ses moyens – pas seulement financiers, et surtout techniques –, mais, trop longtemps, l’échéance de 2015 est apparue presque théorique. D’où le besoin de ce nouveau souffle, qui intervient malheureusement à l’heure où les collectivités voient leurs ressources baisser, où les rythmes scolaires compliquent encore la marche des projets et où se pose – différemment, certes – la question du devenir des villes et des départements. Voilà donc le dilemme et l’extrême difficulté devant lesquels nous nous trouvons. Pour y répondre, le texte détermine un équilibre entre maintien des objectifs de la loi de 2005 et moyens donnés pour les atteindre. En matière de bâti, les ERP devront bien être accessibles. C’est le calendrier de la mise en accessibilité qui sera susceptible d’évoluer grâce à ce nouvel outil qu’est l’agenda d’accessibilité programmée, l’Ad’AP. Toutefois, en l’absence d’Ad’AP, la date limite du 1er janvier 2015 est maintenue, de même que les sanctions associées. Pour ce qui est des transports, la priorisation des points d’arrêt à aménager est compensée par l’obligation de mettre en place des moyens de substitution pour tous les autres points d’arrêt. Les objectifs de la loi de 2005 semblent donc bien confirmés, mais, en contrepartie, plus de souplesse est donnée aux maîtres d’ouvrage et aux organisateurs de transports, toujours dans le cadre de l’Ad’AP. La procédure de dérogation pour raisons financières est un élément encourageant du nouveau dispositif. C’en est en même un élément clef, parce que, comme j’y faisais référence à l’instant, l’horizon financier des collectivités est aujourd’hui à la fois incertain et dégradé. Face à ce dispositif, nous formulions deux critiques principales. La première est celle de la complexité. Nous souhaitons éviter des procédures trop lourdes, notamment pour les petites collectivités territoriales. Cette critique aura été – au moins partiellement – entendue, puisque l’Assemblée nationale a quelque peu simplifié le texte en réservant l’exigence d’un bilan de mi-parcours aux chantiers les plus considérables. Voilà une mesure de simplification que nous appelions de nos vœux et que la CMP a confirmée, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir, et qui apparaît comme la contrepartie naturelle de l’obligation faite désormais à tout ERP de déposer un Ad’AP. Néanmoins, cette simplification sera-t-elle suffisante ? Par exemple, les délais imposés pour le dépôt et la mise en œuvre des Ad’AP seront-ils assez longs ? Il est à craindre que non : entre la demande d’Ad’AP, la mise en concurrence pour un bureau d’études, la reprise des travaux de diagnostic antérieurs et la réalisation de l’Ad’AP, nous allons passer entre douze et dix-huit mois à ne produire que de la procédure et à ne pas faire, pendant ce temps, les travaux attendus. Dès lors, le délai sera insuffisant – c’est du moins ce que je crains. Quoi qu’il en soit, il faudra accompagner les collectivités – madame la secrétaire d’État vient d’en parler –, qui découvriront peut-être un peu tard, à la rentrée, des obligations parfois quelque peu oubliées La seconde critique que nous formulions s’inscrivait dans le droit fil de la première : selon nous, le texte n’explorait pas assez la piste intercommunale, ce qui est curieux à l’heure où l’intercommunalité est appelée au chevet du département… Là encore, cette critique aura partiellement porté puisque, dorénavant, le texte confie aux intercommunalités la responsabilité de réaliser, si elles le peuvent, les plans de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces pour les communes manquant de moyens humains et techniques. C’est un premier pas qu’il nous faut saluer. Néanmoins, cette avancée est encore très insuffisante puisqu’elle ne porte que sur la mobilité. Quid des ERP ? Le problème est pourtant le même ! Par la voie simple des groupements de commandes, la piste intercommunale doit être explorée pour les petites communes. Nous mesurons l’écart entre ce que nous exigeons d’elles et la faiblesse de leurs moyens. Comment réaliser les aménagements lorsque, comme c’est le cas dans certaines communes, la collectivité ne compte ni ingénieur ni technicien supérieur et que les travaux sont, par définition, complexes ? Le problème reste entier. Je conclurai donc, madame la secrétaire d’État, en disant qu’il ne faut pas privilégier la méthode par rapport à l’objectif. De ce point de vue, les propositions du rapport de notre collègue Jean-Pierre Vial pour la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation me paraissent intéressantes. Puissiez-vous en tenir compte et veiller à rédiger les ordonnances autour de cet axe central qu’est la simplicité ! D’autant que celle-ci rime souvent avec efficacité. Au total, ce texte présente à nos yeux trois avantages. Premièrement, il évite d’appliquer automatiquement le régime des sanctions pénales, ce qui n’est pas sans importance pour les exploitants et les collectivités. Deuxièmement, il ne rompt pas le consensus avec les associations représentatives et il continue à s’inscrire dans une démarche concertée, comprise et volontaire vers l’accessibilité. Troisièmement, il témoigne d’un début de simplification. Reste à transformer l’essai et à réussir concrètement ce vaste chantier d’intérêt général. En comptant sur le Gouvernement pour suivre ce cap, le groupe UDI-UC soutiendra le présent projet de loi d’habilitation. (M. Jean-Pierre Vial applaudit.)