Les interventions en séance

Handicap
24/06/2010

«Proposition de loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap»

M. Jean-Jacques Pignard

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 12 mai dernier, nous étions invités à faire le point sur l’application de la loi du 11 février 2005, cinq ans après sa promulgation. Ce débat a permis de pointer les dysfonctionnements, les attentes non satisfaites et les frustrations latentes.
La proposition de loi, qui s’inscrit dans le prolongement des conclusions du rapport d’information de 2009, répond à certaines des questions que nous avions alors posées. À n’en pas douter, elle constitue une avancée significative, dont le mérite revient au rapporteur, Paul Blanc, ainsi qu’à tous les autres membres de la commission des affaires sociales qui ont travaillé sur ce texte. Le groupe de l’Union centriste en prend acte et participera de façon constructive à cette discussion.
Dans le temps qui m’est imparti, j’aborderai les points qui me paraissent essentiels, quitte à revenir sur les autres lors de l’examen des amendements.
Si l’amélioration du fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées constitue l’objet principal du texte, celui-ci intègre aussi d’autres dispositions que j’évoquerai à la fin de mon propos.
Nous l’avons tous souligné, le fonctionnement des MDPH s’est heurté à trois types de difficultés : lourdeurs administratives, insuffisance de garanties à court terme quant aux moyens financiers dont elles disposent et instabilité des personnels liée à la diversité des statuts.
Ainsi, le constat au terme duquel les délais d’instruction sont en moyenne conformes au délai légal de quatre mois ne doit pas occulter les importantes disparités qui subsistent entre départements. L’allégement, la simplification et la rationalisation des procédures prévus par le texte devraient certainement permettre de réduire ces délais et, surtout, de résorber les stocks accumulés, pour le plus grand profit des usagers.
C’est dans le domaine des garanties financières que la proposition de loi est la plus ambitieuse et, si vous me permettez cette remarque, monsieur le rapporteur, la plus astucieuse ! Jusqu’à ce jour, l’État s’engageait à verser un nombre donné d’ETPT, équivalents temps plein travaillé, aux MDPH. Si – hypothèse d’école ! (Sourires.) – l’État ne remplissait pas la totalité de ses engagements en raison du retour des personnels dans leurs corps d’origine, il était censé compenser ce manque par une subvention a posteriori.
Les MDPH subissaient donc en quelque sorte une double peine : elles manquaient à la fois de moyens humains et financiers, puisque la compensation se faisait longuement attendre, lorsqu’elle arrivait !
Avec le nouveau mécanisme, l’État s’engage à verser une subvention équivalant aux rémunérations des ETPT qu’il fournit et les MDPH ne rembourseront en fin d’année que l’équivalent des salaires versés effectivement aux personnels présents, le tout étant sanctuarisé dans une convention triennale.
Bref, si l’État ne fournit pas les personnels promis, la MDPH dispose, au moins a priori, de l’argent nécessaire pour embaucher d’autres types de personnels. Voilà qui devrait contribuer à réduire les délais et à éviter les vacances de postes trop souvent constatées.
Si le texte est ambitieux sur le sujet du financement, nous regrettons qu’il le soit moins sur la question, pourtant essentielle, des personnels, dont l’hétérogénéité des statuts constitue un frein à l’efficacité du système.
Or la proposition de loi se contente de formules plus ou moins homéopathiques. Elle pérennise le groupement d’intérêt public. Soit, puisque telle est la volonté générale. Toutefois, elle aurait pu prévoir des expérimentations dans tel ou tel département. Vous devinez sans peine à quelle collectivité je pense ! (Sourires.) Je regrette que cela ne soit pas possible.
Je déplore également que n’ait pas été conservée la première mouture du texte, qui prévoyait une mise à disposition dans les MDPH des seuls fonctionnaires territoriaux. Ces établissements y auraient certainement gagné en cohérence et en « culture commune », selon l’expression consacrée.
Nous devons donc nous satisfaire du compromis trouvé, en reconnaissant objectivement que des progrès ont été accomplis sur deux points : la mise à disposition des personnels de l’État, qui passerait de trois à cinq ans, avec un préavis plus long de six mois ; l’autorisation par le groupement d’intérêt public de recruter des agents en contrat de droit public ou privé à durée indéterminée, cette disposition offrant aux personnels des perspectives de carrière au sein des MDPH.
Nous saluons également les propositions relatives à la formation des personnels.
J’en viens à la gouvernance. Si nous nous félicitons de la représentation des agences régionales de santé, certains de mes collègues se sont demandé si, dans cette hypothèse, il fallait que le préfet ou son représentant conserve sa place au sein de ces maisons. Nous avions même déposé un amendement en ce sens, que nous avons retiré après avoir entendu les arguments développés en commission. Sur ce point comme sur d’autres, la diversité des statuts continuera de faire le charme des MDPH... (Sourires.)
Parmi les autres points abordés par ce texte, deux se trouvent au cœur des préoccupations des personnes handicapées : la compensation et l’accessibilité.
D’abord, sur la question de la compensation, nous nous félicitons de la mesure visant à mieux prendre en compte les aides ménagères, sachant que cette lacune expliquait en grande partie la difficile transition de l’ACTP vers la PCH. Nous savons que cette disposition créera des obligations pour les départements, mais il s’agira d’une priorité politique que les uns et les autres définiront.
Nous nous réjouissons aussi de la création d’un budget annexe pour le fonds de compensation, désormais individualisé au sein des MDPH. Il devrait permettre de remédier aux dérives constatées dans la confusion sinon des genres, du moins des caisses.
Ensuite, la question de l’accessibilité suscite l’inquiétude des associations représentatives. Alors que les assouplissements de réglementation existants concernent le bâti ancien, l’article 14 bis s’applique au bâti neuf. Une telle disposition ne saurait contrevenir à la loi qu’à deux conditions : d’une part, qu’il ne s’agisse que de mesures de substitution, et non de dérogations, d’autre part, que l’on n’ouvre pas une brèche dans laquelle tout le monde pourrait s’engouffrer.
Voilà pourquoi nous serons très sensibles à l’encadrement de cette mesure de substitution. Les trois garde-fous proposés – avis du conseil national consultatif des personnes handicapées, avis de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité, accord du préfet – nous rassurent. Ils pourraient être davantage renforcés si l’amendement n° 71 de Mme Desmarescaux, que notre groupe votera, est adopté.
Aux associations qui nous ont fait part de leur légitime préoccupation il faut envoyer un message fort. Le Sénat entend non pas remettre en cause un principe emblématique de la loi de 2005, mais prendre en compte, au cas par cas, des situations très particulières, voire exceptionnelles.
Sur ce point comme sur d’autres, il faut faire confiance à la sagesse de la Haute Assemblée, qui lui est en quelque sorte consubstantielle, comme elle l’est aussi au groupe de l’Union centriste, lequel votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)