Les interventions en séance

Education et enseignement supérieur
Catherine Morin-Desailly 24/05/2013

«Projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République-Article 47»

Mme Catherine Morin-Desailly

L’article 47 du projet de loi institue un fonds d’aide aux communes pour la mise en place de la réforme des rythmes scolaires. Il s’agit, j’y insiste, du seul article de ce texte qui concerne les temps scolaires. À cet égard, je formulerai deux remarques. D’une part, comme nous l’avons rappelé lors de la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable, le terme de « refondation » n’est pas pertinent, car nous n’aurons jamais débattu de la refonte des temps de l’enfant – nous le faisons maintenant ! – et des temps de l’éducation, qui sont de nature à créer les bonnes conditions de l’apprentissage. D’autre part, le fait d’évoquer la réforme des rythmes scolaires par le seul biais du financement dans les collectivités dénote malheureusement une vision réductrice du rôle et de la place des collectivités et de leurs représentants dans le système éducatif. Monsieur le ministre, gouverner, c’est choisir, avez-vous dit ! Certes, mais il ne faut pas choisir à la place des autres : il faut choisir avec eux. Les critiques qui ont été formulées à propos de la mise en œuvre de la réforme persistent. Rappellerai-je les avis négatifs qu’a recueillis le décret avant sa publication ? Mais permettez-moi d’insister surtout sur le faible taux d’application des nouveaux rythmes scolaires, et ce quelle que soit la sensibilité politique des responsables des communes : quasiment 75 % des communes préfèrent attendre la rentrée de 2014-2015. Nous avons présenté précédemment un amendement pour faire en sorte que les collectivités locales soient mieux associées aux réformes de l’éducation, afin de tirer les conséquences de ce qui s’est passé en ce début d’année. Le délai accordé pour la mise en place des nouveaux rythmes scolaires avant la rentrée de 2013 est limité. Il n’est pas suffisant pour permettre à tous les acteurs – les élèves et leurs parents, les enseignants, les associations culturelles et sportives et les collectivités – de se concerter, en vue de mettre en place un cadre satisfaisant pour les enfants. Monsieur le ministre, vous avez très largement sous-estimé l’effet dominos créé par le changement des rythmes scolaires sur le temps extrascolaire. Par ailleurs, je formulerai une critique majeure. Cette réforme a été d’emblée généralisée à tout le territoire et à toutes les communes, quelle que soit leur taille. Dans les communes importantes, cette modification peut être absorbée assez facilement, mais elle pose des problèmes quasi insolubles dans les plus petites, comme cela a été rappelé à de nombreuses reprises au cours de la discussion. Monsieur le ministre, les collectivités sont très inquiètes face à ce qu’elles considèrent être une forme de désengagement de l’État dans la responsabilité éducative. Ainsi, l’absence de précision sur le temps des enseignants empêche de mesurer les conséquences induites en termes de réorganisation et de responsabilité pour les services périscolaires. Les élus sont également inquiets quant au financement de cette réforme. Non pas qu’ils ne priorisent pas l’école sur leur territoire, bien au contraire – ils font d’ailleurs des efforts majeurs en ce sens –, mais la réforme des rythmes scolaires, avec le passage à la semaine de quatre jours et demi, représentera un coût important, que les communes et les EPCI compétents en matière scolaire ne pourront assumer seuls. La contrepartie proposée par le fonds en faveur des communes prévu à l’article 47 ne compense pas suffisamment la surcharge financière induite. De plus, on le sait déjà, les crédits de ce fonds seront moindres en 2014, alors que près des trois quarts des communes n’appliqueront la réforme que cette année-là. Oserais-je ajouter que c’est à partir de cette même année que les dotations versées par l’État aux collectivités locales diminueront terriblement ? Nous aurons alors à redouter un effet de ciseaux supplémentaire. Par ailleurs, j’aimerais, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur les sources de financement de ce fonds. S’il revient à la CNAF, la Caisse nationale des allocations familiales, d’abonder ce fonds, nous aimerions savoir pour quel montant et, surtout, au détriment de quelle politique. C’est une question d’autant plus importante que la convention d’objectifs et de moyens est en cours de négociation et que l’évolution des crédits du Fonds national d’action sociale n’est pas connue. Je crains, mes chers collègues, que les sommes octroyées aux collectivités au titre de ce fonds ne leur soient tout simplement reprises d’une autre main, au détriment de la politique sociale qu’elles mènent, notamment en faveur de la petite enfance, et des politiques de la ville, c’est-à-dire au détriment des parents. Finalement, c’est toute la politique d’accompagnement des enfants en dehors de l’école qui serait remise en question. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons, monsieur le ministre, avoir l’assurance qu’il n’en sera pas ainsi.