Les interventions en séance

Affaires étrangères et coopération
24/01/2012

«Projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France-Explication de vote»

M. Jean Boyer

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les hasards de l’existence complètent et prolongent parfois des situations de portée beaucoup plus générale, voire nationale. Je le répète : tel est le cas du terrible drame que nous venons de vivre en Afghanistan. Celui-ci appelle de notre part le respect pour tous ceux qui ont donné et donnent encore leur vie pour la France. Parmi d’autres présents dans cette assemblée, je suis de ceux qui ont très simplement répondu, sans hésitation ni murmure, à l’appel de la France. C’était normal : c’était ma génération. Depuis cinquante ans, la France vit en paix, malgré certaines interventions de son armée à l’étranger, qui font que le sang français marque encore le sol de territoires parfois lointains. En temps de guerre, la mort n’a pas de géographie : elle ne connaît pas de prévisions, elle n’a ni temps identique ni durée. En effet, comme nous le savons tous, mes chers collègues, l’homme ne maîtrise ni le berceau de sa naissance ni le lit de sa mort. Depuis un siècle, ceux qui ont porté les couleurs de la France là où elle avait décidé d’être présente connaissent le jour de leur incorporation, mais pas leur destinée au sein de l’armée française. Les perspectives spontanées de la mort sont terribles pour ceux qui les ont vécues et qui, Dieu merci, sont encore vivants ; il y en a plusieurs dans cet hémicycle. Mes chers collègues, Victor Hugo, qui fut des nôtres au siècle dernier, a écrit : « Ceux qui pieusement sont morts pour la Patrie Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie ».   J’ajoute qu’ils ont droit à une reconnaissance collective. La mort est, comme nous le savons, la terrible épreuve de la séparation définitive d’avec les siens. Pour un soldat, elle marque également la séparation d’avec la patrie dont il portait les couleurs. En cette période qui est encore celle des vœux, souhaitons tout d’abord la paix et tirons les enseignements des guerres. La science lutte pour le maintien de la vie, mais la folie de certains veut que les hommes se déchirent, qu’ils s’entre-tuent en déchirant aussi le monde. Lorsque tous ces serviteurs de la France avancent jusqu’au sacrifice, ils font front derrière un drapeau, un idéal, une solidarité, une volonté : celle de servir la France. Oui, il faut instituer la journée nationale du souvenir. Mes chers collègues, lorsque l’on parcourt nos journaux locaux, on observe que, chaque jour, y figure la mention des anciens combattants d’Afrique du Nord. Notre monde combattant doit préserver son unité, cette solidarité qui s’est tissée naturellement entre nous, lorsque nous combattions sur certains territoires. C’est pourquoi la situation actuelle nous irrite, c’est pourquoi nous souhaitons que cette unité combattante – il s’agit d’un mot fort, mais d’un mot vrai pour ceux qui ont vécu de tels instants – soit plus solidaire encore. Le 11 novembre est indiscutablement le symbole le plus fort, le plus exceptionnel de l’histoire de la France, comme l’illustrent les évocations auxquelles certains orateurs se sont livrés. Pour ma part, j’ai simplement accompli une partie de mon service militaire dans l’est de la France, où les cimetières alternent avec les champs de blé : lorsque l’on est Français et que l’on a un cœur, face à ces paysages, on ne peut qu’éprouver une forte émotion.   Mes chers collègues, la mémoire n’est pas un jeu de construction fragile. Au contraire, elle doit constituer un édifice inébranlable, permettant de rassembler la France. Ceux qui ont servi notre pays avec discipline savent aujourd’hui que l’on ne peut réécrire l’histoire : on peut certes la commenter, mais on doit surtout en tirer les enseignements qui s’imposent. Ils regrettent également que la construction de l’unité combattante, ce combat permanent, soit malheureusement inachevée : il faut garantir l’unité nationale, à laquelle la journée nationale du souvenir contribuera très largement, j’en suis convaincu. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)