Les interventions en séance

Affaires étrangères et coopération
Christian Namy 23/11/2012

«Projet de loi, autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire»

M. Christian Namy, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France et l’Algérie ont conclu, le 21 juin 2008, un accord de coopération dans le domaine de la défense. Ce texte fournit un cadre juridique adapté à cette coopération déjà active et appelée à se développer à la demande même de l’Algérie. Monsieur le ministre, vous l’avez rappelé, ce texte, élaboré sous la présidence de Nicolas Sarkozy, marque l’aboutissement de négociations lancées en 2002, sous la présidence de Jacques Chirac. Il s’inscrit donc dans une politique française de long terme, que le Président François Hollande souhaite poursuivre avec « un nouvel élan donné à la relation bilatérale », selon les termes mêmes du courrier adressé à son homologue algérien à l’occasion de la fête nationale du 5 juillet 2012. Avant de présenter le contenu de cet accord, je tiens à le situer dans le contexte de notre relation bilatérale. Vous le savez, l’élection de M. Bouteflika à la présidence de la République algérienne en avril 1999, sur un programme de réconciliation nationale, a permis à la France de reprendre contact avec l’Algérie, après la tourmente de la guerre civile qui a marqué ce pays durant la décennie quatre-vingt-dix. Le présent texte est le fruit de ce rapprochement. Souhaité par Alger, conclu après la visite d’État du Président Sarkozy de décembre 2007, il a déjà été ratifié, côté algérien, par décret présidentiel en 2009. Ce texte, signé en 2008 par les deux ministres de la défense de l’époque, a été adopté en Conseil des ministres le 4 juillet 2012. Ce délai de quatre ans est dû à des remarques formulées sur le texte par le Conseil d’État, notamment en raison des problèmes d’application de la peine de mort. J’en viens à présent à la coopération de défense entre la France et l’Algérie, qui s’est longtemps limitée à l’envoi en France d’une trentaine de stagiaires algériens chaque année. L’Algérie est intéressée par notre enseignement militaire supérieur – notamment par les formations dispensées par l’école de guerre ou l’école du commissariat – et par des spécialités au titre desquelles la maîtrise de ses forces est insuffisante. Cet intérêt a conduit l’Algérie à prendre financièrement en charge la scolarité de certains de ses militaires. Parallèlement, la direction de la coopération de sécurité et de défense, relevant du ministère des affaires étrangères, propose également – mais sur le budget français – des formations en France visant à l’enseignement et à la maîtrise du français ou permettant à des élèves officiers de suivre les cours du service de santé des armées ou des écoles militaires de l’armée de terre, de l’air et de la marine. Ce texte, soumis à notre examen, reprend les dispositions classiques des accords de ce type et va permettre de donner un cadre juridique clair à une coopération en croissance entre nos deux pays. En effet, certains aspects de l’accord sont déjà mis en œuvre, comme le fonctionnement de l’instance de concertation, la commission mixte franco-algérienne, qui établit le contenu de la coopération, l’organise et la coordonne. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, cette instance est divisée en quatre sous-commissions. Ces organes se réunissent depuis 2008. La quatrième commission mixte s’est tenue à Marseille au début de 2012 et les quatre sous-commissions, « stratégie », « militaire », « armement » et « santé militaire », à la fin de 2011. Quelles sont les nouveautés qu’apporte ce texte ? Les deux points forts de ce dernier sont le renforcement de la concertation entre les autorités militaires des deux pays et l’établissement d’un cadre juridique approprié à l’échange de troupes. Ce texte reprend l’ensemble des éléments traditionnels d’un accord de coopération dans le domaine de la défense. Il ne saurait néanmoins être assimilé à un accord dit de défense, dans la mesure où il ne comporte pas de clause d’assistance en cas de menace ou d’agression extérieure, ou encore de crise interne. La France a déjà conclu de nombreux accords de ce type avec un grand nombre d’États très divers, dont le Maroc. Il apparaît donc à la commission que cet accord de coopération et de défense avec l’Algérie est indispensable au renforcement de la relation bilatérale encore très limitée dans ce domaine. Élaboré à la demande de l’Algérie, ce texte est mutuellement bénéfique. En effet, il renforce le statut de puissance régionale de ce pays, répond à son désir de se familiariser avec le modèle occidental d’organisation militaire et de faire bénéficier ses personnels de l’exemple des atouts spécifiques de nos forces. Pour la France, la stabilité de l’Algérie commande largement celle de la Méditerranée occidentale. De plus, le rôle que peut jouer ce pays en faveur du règlement de la question malienne renforce encore l’importance d’une relation aussi confiante que possible. Alger attache à l’adoption de ce texte par Paris une importance que nous ne mesurons peut-être pas totalement. Nos partenaires considèrent en effet que, nonobstant sa portée pratique, ce texte revêt une valeur symbolique forte de la qualité de notre relation bilatérale. Cette relation s’est déjà approfondie sur le plan économique depuis 2010, notamment grâce à l’action de notre collègue Jean-Pierre Raffarin, nommé en septembre 2011 représentant spécial du gouvernement français, et confirmé à ce poste le 28 août dernier, pour faire avancer plusieurs dossiers d’investissement français. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées estime que c’est en progressant dans des réalisations concrètes que la relation entre la France et l’Algérie pourra trouver une forme d’apaisement, et peut-être de réconciliation, à l’image de celle intervenue entre la France et l’Allemagne dans les années soixante. Elle propose donc d’adopter cet accord.