Les interventions en séance

Affaires sociales
23/11/2011

«Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012 - Nouvelle lecture»

Mme Muguette Dini

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, en première lecture, le Sénat a voté un autre PLFSS, qui se révèle être une addition irréaliste de prélèvements supplémentaires, d’un montant cumulé de plus de 5 milliards d’euros et un renoncement à tout effort de maîtrise des dépenses. (C’est faux ! sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.) Ce projet, qui se voulait alternatif, était inconciliable avec celui du Gouvernement et le groupe UCR l’a rejeté. Lors de la première lecture, mon groupe a refusé le retour au taux de 3,5 % de la taxe sur les conventions d’assurance, la TSCA, puisque le Parlement en avait voté le relèvement en loi de finances rectificative le 19 septembre dernier. Il a également rejeté la hausse de 5 % du forfait social, de même que la surtaxation des stock-options, actions gratuites et retraites chapeaux. Enfin, il a refusé la suppression des allégements de charges Fillon de la loi TEPA, considérant que c’est l’ensemble du dispositif qui mériterait d’être réévalué et recalibré. Actuellement, ces allégements qui représentent près de 31 milliards d’euros sont, de très loin, l’action la plus importante au sein de nos politiques de l’emploi. Les entreprises nous demandent de ne pas y renoncer. Pour illustrer mon propos, je reprendrai la position de l’Union professionnelle artisanale, l’UPA. Cette dernière a indiqué « soutenir clairement la nécessité d’équilibrer les finances publiques ». Elle a aussi précisé : « Toutefois, les entreprises de l’artisanat et de commerce de proximité ne peuvent accepter une telle augmentation du coût du travail. Cette hausse aurait inévitablement de lourdes répercussions sur l’emploi […]. Le débat de financement de la sécurité sociale ne peut plus se placer uniquement sur le terrain du coût des dispositifs d’allégement des charges sociales, qui ont un impact bénéfique prouvé pour l’emploi. Selon la DARES, leur abandon aboutirait à la suppression d’environ 800 000 emplois ». (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Faut-il le rappeler, mes chers collègues, le secteur de l’artisanat et du commerce de proximité représente 1,2 million d’entreprises, 3 millions de salariés, 400 milliards de chiffre d’affaires, des créations d’emplois non délocalisables. Le PLFSS que vous avez voté en première lecture, mes chers collègues, est en réalité votre programme électoral. (Exclamations sur les mêmes travées.) Ce programme, compte tenu de la situation de l’économie et de nos finances publiques, nous semble irréaliste et dangereux. Bref, il est l’exact contraire de ce que nous propose le Gouvernement pour contenir et redresser les finances sociales. Nous adhérons aux grandes lignes du texte du PLFSS pour 2012, tel qu’il nous revient de l’Assemblée nationale. Cette dernière a globalement agi dans deux directions complémentaires. D’une part, elle a rétabli le texte originel dans sa quasi-intégralité. D’autre part, elle y a intégré les trois axes sociaux du plan de rigueur : la baisse de l’ONDAM, l’accélération de la réforme des retraites et l’indexation des allocations familiales sur la croissance, au lieu de l’inflation. Ces mesures devraient permettre de réaliser 1,2 milliard d’euros d’économies supplémentaires en 2012. Mes chers collègues, le texte qui nous est soumis permet de contenir les déficits sociaux, compte tenu de la révision des prévisions de croissance, et d’envisager un retour à l’équilibre à l’horizon 2015. À cet égard, nous souscrivons à la fixation d’un ONDAM très volontariste à 2,5 % au lieu de 2,8 %. En réalité, nous n’avons pas le choix, pour que le programme du redressement de la branche maladie ait quelque chance d’aboutir. De même, la réforme des retraites, surtout dans sa version accélérée, permettra de contenir la branche vieillesse. Le raccourcissement de la phase transitoire de montée en charge contribuera au redressement des comptes de la branche vieillesse du régime général pour 57 millions d’euros et de l’ensemble des régimes obligatoires de base pour environ 90 millions d’euros. L’impact financier s’avérera minime en 2012, du fait des premiers décalages de départs à partir d’octobre 2012, mais se fera sentir très fortement à partir de 2014. Nous ne pouvons nous opposer à un gain de 1,9 milliard d’euros pour le régime général en 2016 et de 4,4 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes, y compris complémentaires ! La situation de la branche famille demeure préoccupante, d’où l’importance de l’indexation temporaire des allocations sur la croissance, et non sur l’inflation. Enfin, la branche AT-MP, accidents du travail-maladies professionnelles, a renoué avec sa tendance structurelle à l’équilibre. Outre ces grandes lignes financières, le PLFSS pour 2012 porte des avancées significatives. Ainsi en est-il de l’article 34, qui prolonge l’expérimentation des nouveaux modes de rémunération en faveur des maisons, pôles et centres de santé. Comme vous le savez, le groupe UCR est très mobilisé contre la désertification médicale. Seul le développement de modes d’exercice regroupé permettra de la combattre efficacement. Dans cette optique, l’expérimentation prolongée par le présent article est capitale. (Mme Catherine Génisson s’exclame.) Nous nous réjouissons du maintien de l’article 34 septies, qui prévoit la prise en charge des frais de transport des enfants accueillis dans les centres d’action médico-sociale précoce et les centres médico-psycho-pédagogiques. L’élargissement de l’accès à l’aide à la complémentaire santé opéré par l’article 34 octies est également une mesure qui nous satisfait. En première lecture, nous avions déploré que le Sénat supprime l’article 34 bis, qui généralise le dépistage précoce des troubles de l’audition. Nous ne pouvons que nous féliciter de son rétablissement par l’Assemblée nationale. Cette remarque vaut également pour l’article 34 nonies, qui porte création d’un tiers secteur, en l’absence d’accord conventionnel, afin de lutter contre les dépassements d’honoraires dans les domaines de la chirurgie, de l’obstétrique et de la réanimation. La mesure est, pour l’heure, contestée par les caisses d’assurance maladie et les mutuelles, qui ne sont pas encore parvenues à un accord, pourtant nécessaire afin de garantir à tous l’accès à des soins de qualité. Nous espérons que cet article sera l’aiguillon qui fera aboutir la négociation. En marge du détricotage qu’il a opéré, le Sénat a également amélioré le texte sur un certain nombre de points. Nous ne pouvons que nous féliciter du maintien de la disposition, introduite au Sénat à la suite de l’adoption d’un amendement défendu par notre collègue Catherine Morin-Desailly, qui permet d’améliorer et de clarifier le recouvrement des contributions sociales portant sur les royalties versées aux artistes. Nous constatons avec une satisfaction égale qu’il en a été de même pour la mesure, proposée au travers d’un amendement de Valérie Létard, tendant à exonérer les voitures hybrides de la taxe sur les véhicules de société. Toutefois, et nous le regrettons, la mesure que notre collègue Yves Détraigne avait fait adopter par la Haute Assemblée pour les voitures « flex-fuel », qui était pourtant le complément de la précédente, n’a pas résisté à l’examen de l’Assemblée nationale. C’est le sort qu’a aussi connu la proposition, soutenue par Hervé Maurey, visant à améliorer les relations entre l’URSSAF et les centres communaux et intercommunaux d’action sociale. Heureusement, certains autres apports du Sénat ont pu être conservés. Il en est ainsi de l’assouplissement des possibilités de passage à temps partiel après une reprise à temps complet faisant suite à un congé pris dans le cadre d’une affection de longue durée. Cet assouplissement a été permis par l’adoption d’un amendement de notre collègue Alain Milon, que j’avais énergiquement soutenu. Il en est de même de l’assouplissement des conditions de poursuite de l’exercice en France pour les médecins étrangers non ressortissants communautaires, dès lors qu’ils sont expérimentés. Nous avons un besoin évident de médecins à l’heure actuelle. Enfin, je salue le maintien de la possibilité offerte aux médecins des centres d’examen de santé de réaliser, pour leurs consultants adultes, les vaccinations de rattrapage qui apparaissent nécessaires en même temps que le bilan de santé. C’est une mesure favorable aux populations les plus fragiles, qui, bien souvent, ne sont pas à jour de leur vaccination : 150 000 personnes pourraient être concernées. Si tout cela va dans le bon sens, nous aurions pu aller plus loin. En tout état de cause, il nous faudra bien nous y résoudre un jour. Malgré le train de réformes engagées, l’avenir financier de la sécurité sociale demeure plus qu’incertain. Comme je l’avais déjà souligné en première lecture, au cours de la discussion générale, il nous faut avoir le courage de revoir le mode de financement de la sécurité sociale. Celui-ci nous vient d’une époque où régnait le plein-emploi, où les prestations n’avaient pas vocation à être universelles. Aujourd’hui, deux des quatre branches, les branches santé et famille, assurent une prestation universelle tout en continuant d’être financées sur un mode assurantiel. (Mme Christiane Demontès s’exclame.) Non seulement cela met les comptes sociaux à la merci du premier retournement de conjoncture venu, mais, en plus, ce mode de financement pèse sur l’emploi et la compétitivité de notre pays. Il n’est qu’à voir les derniers chiffres de notre balance commerciale pour comprendre qu’il y a péril en la demeure. Dans ces conditions, il apparaît évident que la logique d’un financement majoritairement assis sur le travail n’est plus tenable. Il nous faudra fiscaliser la sécurité sociale en général, les branches santé et famille en particulier. C’était le sens de nos deux principaux amendements, le premier tendant à aligner le taux de la CSG assise sur les pensions de retraite sur le taux de droit commun, le second visant à relever le taux de la CRDS de 0,25 %, afin d’accélérer le remboursement de la dette sociale. Nous regrettons que ces amendements n’aient pas été adoptés au Sénat et, partant, retenus à l’Assemblée nationale. À terme, la fiscalisation nous semble inévitable. Elle devrait peser sur la consommation et non plus sur la production. Ces charges sur le travail plombent notre compétitivité et freinent le développement du tissu d’entreprises moyennes, qui fait si cruellement défaut à notre économie. La TVA dite « sociale », ou quelle qu’en soit la dénomination, a souvent été évoquée. Il s’agit d’une option à envisager sérieusement. C’est d’ailleurs la mission première du Haut Conseil au financement de la protection sociale, dont le Président de la République a annoncé la semaine dernière la création. Notre groupe s’en réjouit. Pour toutes ces raisons, mesdames les ministres, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous soutiendrons le texte du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)