Les interventions en séance

Transports
Vincent Capo-Canellas 23/07/2014

«Proposition de loi, relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur »

M. Vincent Capo-Canellas

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de loi nous est soumise à la suite de la décision du Conseil d’État d’annuler le décret qui obligeait les VTC à attendre quinze minutes avant de prendre en charge un client. Devant l’émotion soulevée par cette décision, le Premier ministre d’alors a souhaité une concertation, et c’est le travail issu de cette concertation qui nous est proposé. Il est de coutume de se féliciter des concertations. Encore faut-il relever, dans le cas présent, que chacune des parties regarde ce texte avec circonspection et crainte. Aussi peut-on s’interroger : l’équilibre instable revendiqué existe-t-il vraiment ? J’incline au contraire à penser que ce texte, dans son état actuel, entérine plutôt un déséquilibre. En fait, l’exercice qui a été tenté par notre collègue député Thomas Thévenoud s’apparente sans doute à une tâche irréalisable. Essayer de concilier chacun des acteurs de la mobilité sans revoir l’architecture globale du système, c’était mission impossible. Car c’est bien ainsi que la question aurait dû être posée. Il ne devrait pas s’agir, me semble-t-il, d’être pour les taxis et contre les VTC, ou l’inverse. Nous devrions considérer la question de la mobilité à l’échelle de la métropole. Et nous souvenir que taxis et VTC remplissent deux missions complémentaires, donc différentes. Les VTC sont un système de location de véhicule avec chauffeur. Du reste, cette complémentarité est reconnue s’agissant des anciennes voitures de grande remise, qui constituent une part des VTC actuels. Mais le monopole des taxis est battu en brèche en raison de deux problèmes : d’une part, ils ne sont pas assez nombreux pour répondre à la demande ; d’autre part, la concurrence se développe au travers de certains VTC, qui répondent notamment par l’utilisation des nouvelles technologies à une demande réelle d’une offre plus moderne. Le développement rapide des VTC montre qu’ils satisfont les nouveaux besoins de services et les nouvelles attentes de la clientèle, en France comme dans d’autres pays. On notera que d’autres modes de transport de particuliers se développent, tels que Autolib’, Vélib’ ou le covoiturage. Faute d’avoir pu s’adapter aux moyens technologiques modernes et en raison d’une qualité de service parfois perfectible, les taxis traditionnels n’ont pas su totalement répondre à cette nouvelle demande de mobilité. Il faut le rappeler : si un monopole remplit sa mission, il n’est pas question de le remettre en cause. Mais si un besoin de modernisation de l’offre se fait sentir et qu’il n’est pas suffisamment pris en compte, alors ce monopole risque de se trouver remis en cause, si ce n’est en droit, du moins dans les faits. La demande de mobilité et le besoin d’une offre renouvelée de mobilité sont en effet des réalités. Avouons que la réglementation qui régit encore la profession des taxis est assez largement surannée. Le rapport Armand-Rueff de 1959 soulignait déjà que « la limitation réglementaire du nombre de taxis nuit à la satisfaction de la demande » ! Ce que l’horrible rapport Attali, souvent fustigé, n’a fait que confirmer en 2008. Les métropoles mondiales nous montrent la voie de l’effort à accomplir : le nombre des taxis et des VTC est plus élevé tandis que celui des voitures individuelles est plus faible dans les métropoles mondiales où la mobilité est bien assurée. C’est le cas à New York ou à Londres ; les chiffres en attestent. En réalité, les VTC mettent en cause la voiture individuelle, pas le taxi. Il faut bien sûr engager une remise à plat globale. Au lieu de cela, la présente proposition de loi me paraît être un cautère sur une jambe de bois. On évite toute réforme globale ; on choisit la réglementation et la contrainte dans un secteur déjà hyper-réglementé, alors qu’il aurait fallu introduire plus de flexibilité et de liberté ; on répond à la pression des taxis en essayant de limiter les concurrents possibles, leur laissant croire que c’est une planche de salut alors que c’est au contraire boucher leur propre horizon. Il y a un avenir pour les taxis, mais pas celui que vous dessinez, fait de faux-semblants. L’avenir passe d’abord par une adaptation des taxis eux-mêmes aux besoins des utilisateurs d’aujourd’hui. Malheureusement, la présente proposition de loi laisse de côté le problème de fond pour essayer de contenter tout le monde. Au contraire même, elle instaure, sur deux sujets, des dispositions tout à fait contestables : je pense à la géolocalisation et à la question du retour à la base. Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, je vous invite à évoluer sur ces deux points, sur lesquels des amendements ont été déposés. L’équilibre du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale n’est pas tenable. Cela dit, nous regrettons bien sûr les conditions d’élaboration et d’examen de cette proposition de loi. Je regrette, madame la secrétaire d’État, que vous ayez, tout à l’heure, au début de votre intervention, souhaité un vote conforme du Sénat, et que vous vous soyez réjouie du grand open data que vous créez. En fait, il s’agit surtout de capter une technologie et d’interdire à une profession de l’exercer. Ce n’est pas, me semble-t-il, la meilleure façon d’engager le débat avec la Haute Assemblée. L’engagement de la procédure accélérée constitue donc pour nous un problème. Exiger que le Sénat, en quelques jours, se saisisse de ce texte ne nous paraît pas acceptable, d’autant que cette proposition de loi est dangereuse pour les VTC et ne règle pas non plus le problème des taxis. Vous prenez le risque de mettre en cause plusieurs milliers d’emplois.
Les deux mesures introduites à l’Assemblée nationale ne sont pas acceptables en l’état. L’interdiction faite aux VTC d’informer le client de la disponibilité d’une voiture à proximité, alors que la géolocalisation en temps réel, via les smartphones, est un moyen moderne pour répondre aux besoins des clients et que les VTC se sont développées grâce à l’utilisation des innovations technologiques, n’est pas compréhensible. C’est, je crois, un mauvais signal envoyé par le Gouvernement sur l’innovation et le développement des outils numériques. Cette interdiction est excessive et disproportionnée. L’autre disposition est le retour à la base imposé aux VTC. Elle nous paraît idiote, antiéconomique et anti-écologique, car elle empêche les VTC de prendre plusieurs courses consécutives avec réservation préalable et les oblige, en fait, à circuler à vide dans Paris et la région d’Île-de-France. La plupart des VTC ne pourront pas survivre au surcoût lié soit au carburant, soit au parking à payer. Avec ces deux mesures, on donne vraiment le sentiment de vouloir empêcher une profession, celle des VTC, d’exercer son activité, alors que cette dernière est complémentaire, comme celle des motos taxis, à celle des taxis, et nécessaire pour répondre à l’offre de mobilité. Sur ces deux principaux points du texte, nous défendrons des amendements tendant à revenir à une rédaction plus mesurée. Mon groupe déterminera sa position au vu du débat sur ces deux sujets. Le texte actuel n’est pas acceptable. En l’état, nous voterons contre ; s’il évolue sensiblement, nous reverrons notre point de vue. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, de l’UMP et du RDSE.)