Les interventions en séance

Affaires sociales
Gérard Roche 22/01/2014

«Proposition de loi tendant à instaurer un moratoire sur les fermetures de service et d՚établissements de santé »

M. Gérard Roche

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme son intitulé l’indique, l’objet de cette proposition de loi de nos collègues du groupe CRC est d’imposer un moratoire à toute fermeture de service ou d’établissement de santé. J’ai trop de respect pour nos collègues pour ne pas penser que la démarche les ayant amenés à présenter ce texte répond à un état d’esprit généreux, sincère, à la recherche d’une justice sociale, que celle-ci soit verticale – indépendante, donc, de la condition sociale des citoyens – ou horizontale – c’est-à-dire sans lien avec la situation des territoires. Mais je pense franchement que cette proposition de loi ne correspond pas à ce que nos concitoyens sont en droit d’attendre aujourd’hui de l’offre de soins.
Face à cette proposition, une seule question doit nous guider : quel est l’intérêt du patient ? Son intérêt, de toute évidence, est de bénéficier de la meilleure prise en charge possible.
Cela signifie-t-il une prise en charge au plus près du domicile ou une prise en charge de la meilleure qualité médicale possible ? La réponse s’impose d’elle-même : c’est bien sûr la sûreté et la qualité des soins qui doivent primer. Mais pourquoi opposer proximité et qualité ? Parce que l’évolution de la médecine peut l’imposer dans un certain nombre de cas. Or cette évolution est de grande ampleur : en cas d’infarctus du myocarde, par exemple, il est maintenant préconisé une coronarographie dans les deux premières heures après l’accident cardiaque. Comment ne pas également prendre en compte les avancées diagnostiques et thérapeutiques de l’imagerie médicale, de l’endoscopie, de la cœlioscopie et de bien d’autres techniques ? Une bonne prise en charge médicale de première intention nécessite donc la constitution de solides plateaux techniques, ce qui implique des regroupements de moyens. Mais cela suppose aussi une certaine concentration d’activité. Pourquoi ? La qualité des soins dépend aussi, et surtout, de la qualité et de l’expérience des praticiens. Il faut un médecin aguerri et très compétent pour exploiter la coronarographie que j’évoquais à l’instant et il est bien évident qu’un chirurgien réalisant dix opérations de la hanche par semaine sera toujours plus fiable et efficace que celui qui n’en pratique qu’une par mois, parfois moins. C’est pourquoi il est dangereux de maintenir des services qui sont en sous-activité ou même parfois, hélas, ne réalisent pratiquement aucun acte. Dès lors, il devient impossible de cumuler proximité pour tous et qualité des soins pour tous, ce qui explique la fermeture de certains services ou établissements. Je me suis battu personnellement pour la fermeture de maternités que d’autres élus défendaient par pure démagogie, pétition à l’appui, alors qu’eux-mêmes n’y auraient jamais eu recours pour un membre de leur famille.
Pour cette raison, le moratoire ne peut être une solution adaptée.
D’ailleurs, à son appui, sont invoquées des questions qui, pour importantes qu’elles soient, n’ont pas de lien direct avec la véritable problématique. Ainsi en est-il de la T2A, de l’évolution de l’ONDAM hospitalier et de la situation budgétaire des établissements. Cela témoigne du soupçon avoué selon lequel la véritable raison des fermetures serait purement comptable. Ce serait bien sûr condamnable… Mais, en toute sincérité, je ne le crois pas ! En toute objectivité, on peut constater que lorsqu’il est question de fermer un service ou un établissement, c’est le plus souvent parce que la faiblesse de son activité n’apporte pas au patient la meilleure qualité de soins qu’il est en droit d’attendre. Le seul véritable enjeu est donc la nécessaire adaptation de l’offre hospitalière à l’évolution de la médecine. Par définition, un moratoire imposant un gel global, une solution générale là où, au contraire, s’impose une approche au cas par cas, ne le permet pas. Au conservatisme du moratoire, il faut opposer une conception de l’offre hospitalière articulée entre prise en charge de premier recours et prise en charge de soins. Comme je l’expliquais, le premier recours doit être organisé autour de plateaux techniques évolués dans des pôles d’activité concentrée, tandis que l’offre de proximité doit être assurée par des hôpitaux de soins, de post-cure et de rééducation. Une telle évolution est nécessaire pour que la médecine française reste l’une des meilleures du monde. Pour toutes ces raisons, notre groupe, dans sa très grande majorité, votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)