Les interventions en séance

Collectivités territoriales
Nathalie Goulet 22/01/2014

«Proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat-2ème lecture»

Mme Nathalie Goulet

Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, je ne puis manquer d’évoquer, en préambule, un sujet connexe à celui qui nous occupe ce soir. Alors que le présent texte vise notamment à encadrer les indemnités des élus, la banque des collectivités territoriales, Dexia, a décidé d’augmenter de plus de 30 % la rémunération de trois de ses dirigeants, en la faisant passer de 340 000 à 450 000 euros par an, son patron émargeant quant à lui à 600 000 euros annuels. Rappelons que les contribuables ont renfloué à hauteur de 5,5 milliards d’euros cette banque, qui a perdu 15 milliards d’euros en trois ans !
Je veux bien que les dotations des collectivités locales soient réduites, je veux bien que l’on joue la transparence à outrance, mais dans ces conditions il m’aurait été difficile de passer ces faits sous silence, d’autant que je ne suis pas certaine qu’il en soit fait état demain, à l’occasion des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle également que la banque en question est responsable des emprunts toxiques qui ont empoisonné la vie de nos collectivités locales, lesquelles ne s’en sont pas encore remises.
J’ajoute que Dexia a réduit ses effectifs de 22 000 à 1 300 salariés. Je me devais d’évoquer ce sujet, sur lequel le groupe UDI-UC a publié hier un communiqué !
J’en viens maintenant au texte qui nous est soumis ce soir, un an après sa première lecture, le 29 janvier 2013. Le 18 janvier 2001, déjà, le Sénat avait adopté un texte tout à fait intéressant consacré au statut de l’élu, dont Jean-Paul Delevoye était le rapporteur. Il s’agissait d’un texte complet, concis et parfaitement calibré. Las, il n’a jamais pu franchir le boulevard Saint-Germain pour être examiné par l’Assemblée nationale ! Avec l’appui de Jean Arthuis, Daniel Goulet avait déposé à l’époque plusieurs amendements, visant notamment à assurer la protection de l’élu. Cette question a finalement trouvé réponse dans la présente proposition de loi, du moins en partie, car le problème de la protection du candidat à une élection n’est, lui, toujours pas réglé. J’avais défendu un amendement sur ce point en première lecture, mais, compte tenu de la règle dite « de l’entonnoir », je n’ai pu le déposer de nouveau.
Madame le ministre, le duo de choc Gourault-Sueur a encore frappé (Sourires.) avec ce texte, qui vient compléter notre arsenal juridique. Toutefois, en dépit de l’amitié et de l’admiration indéfectibles que j’éprouve pour Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur (Exclamations amusées.), je dois dire qu’il ne s’agit là encore que d’une rustine !
Ce n’est pas en accumulant les petits textes et les rustines que l’on construit une législation cohérente.
Madame le ministre, cette intervention est dictée par la mauvaise humeur… Tout ou presque a déjà été dit sur ce texte. Nous redessinons les cantons, nous avons redessiné les intercommunalités, on nous promet l’acte III de la décentralisation, et le Président de la République a annoncé une révision de la carte des régions. Tout cela manque quelque peu de cohérence ! Nous avions d’ailleurs vécu une situation analogue avec l’annonce d’une grande réforme fiscale alors que nous abordions l’examen de la loi de finances. On dit souvent qu’il faut faire confiance à l’intelligence territoriale, madame le ministre, mais allez-vous laisser les territoires respirer et s’organiser, comme dans la région lyonnaise sous l’impulsion de Michel Mercier et de Gérard Collomb ? J’ajoute que nous examinons ce texte alors que l’Assemblée nationale vient de voter l’interdiction du cumul des mandats. La présente proposition de loi fait d’ailleurs très judicieusement référence à l’exercice, par les élus locaux, de « leur mandat », au singulier, ce qui est tout de même un très bon signal… Cela étant, la prochaine suspension d’un mois des travaux du Parlement est destinée, manifestement, à encourager les cumulards : députés et sénateurs candidats à un mandat municipal pourront faire campagne tranquillement ! Cela ne m’apparaît pas non plus très cohérent. Madame le ministre, de fusions d’intercommunalités mal comprises en découpages cantonaux, de réforme en réforme, on décourage et on démotive les élus.
Je ne dis pas cela pour mon département, où la règle des « ciseaux d’or » ne s’est pas appliquée. D’ailleurs, dans la mesure où aucun conseiller général ou presque ne vote pour moi, je ne suis pas du tout concernée !
Il sera de plus en plus difficile de trouver des candidats aux élections municipales, d’autant que les multiples réformes des modes de scrutin n’ont pas simplifié les choses, bien au contraire : les règles se sont opacifiées, et les élus se trouvent en situation d’insécurité juridique. Vous ne pouvez pas ne pas le savoir, madame le ministre ! Nos élus, vous l’avez dit, sont compétents, généreux, bénévoles, mais ils sont profondément démotivés. Quoi qu’il en soit, il faut remercier Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur de cette petite rustine, même si elle ne règle en rien le problème. Nous devons nous attacher à ne pas légiférer par morceaux, car on aboutit à un puzzle totalement illisible. Les élections municipales verront une avalanche de votes pour le Front national, dont nous ne voulons pas !