Les interventions en séance

Budget
Vincent Delahaye 21/07/2014

«PLFR pour 2014»

M. Vincent Delahaye

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous en arrivons donc à la nouvelle lecture de ce projet de loi de finances rectificative pour 2014, sachant que, depuis la première lecture, certaines modifications sont intervenues à l’Assemblée nationale. J’évoquerai tout d’abord le retrait du changement de règles qu’avaient souhaité certains députés, qui, voyant le déficit structurel ne pas baisser suffisamment, pensaient ainsi le faire descendre un peu plus rapidement… Je crois que la grande sagesse du Sénat, qui a souhaité rétablir le déficit structurel initial, a inspiré le Gouvernement, et nous nous en réjouissons, même si je pense par ailleurs que beaucoup de nos compatriotes ne comprennent pas très bien ces notions de déficit structurel et conjoncturel. Si l’on pouvait simplement parler du déficit, ce serait plus simple pour tout le monde… Ensuite, on peut se réjouir que, concernant la taxe d’apprentissage et l’apprentissage en général, le Gouvernement soit en partie revenu sur ce qu’il avait fait – nous sommes familiers de ces allers-retours… L’an dernier, le soutien à l’apprentissage a diminué de 500 millions d’euros ; cette année, on lui rend 200 millions d’euros. Le Gouvernement espère que ce sera suffisant pour relancer l’apprentissage. Je l’espère aussi, mais je n’en suis pas sûr. En tout cas, on a besoin d’apprentissage, et nos jeunes ont besoin de ce dispositif pour se former. Une troisième bonne mesure, si je puis dire, a consisté à revenir sur la décision – prise, ici encore, sur l’initiative de certains députés – d’augmenter de façon considérable la taxe de séjour. De fait, nous avons une industrie touristique qui fonctionne bien, et c’est ainsi que l’on a pu se demander si une telle mesure ne permettrait pas d’obtenir des recettes supplémentaires. Quoi qu’il en soit, je crois qu’il était sage d’attendre les résultats d’une étude complémentaire en cours de réalisation. Cette mesure est donc bienvenue. Malgré ces trois modifications, monsieur le secrétaire d’État, vous ne serez pas étonné de m’entendre vous dire que notre avis n’a pas changé depuis la première lecture. Le groupe UDI-UC votera contre ce PLFR « deuxième mouture », pour les mêmes raisons qu’en première lecture, sur lesquelles je reviendrai rapidement. Tout d’abord, nous enregistrons une dégradation du déficit prévisionnel : celui-ci s’est accru de 1,4 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale et représente presque 10 milliards d’euros de plus qu’en 2013. Nous ne pouvons accepter une telle évolution du déficit. (M. le président de la commission des finances approuve.) Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, en matière de recettes, après avoir décidé de nombreux impôts supplémentaires au cours des trois dernières années – 69 milliards d’euros, on l’a dit, et même si d’autres en avaient fait de même avant vous –, en 2014, vous décidez de soulager les plus modestes. Cela correspond à une promesse électorale du Premier ministre formulée au moment des élections européennes, qui n’a d’ailleurs pas eu l’effet escompté. On peut même se demander si la principale raison de cette loi de finances initiale n’est pas la matérialisation de cette promesse du Premier ministre de baisser de 1,2 milliard d’euros la charge pesant sur les contribuables les plus modestes. Bien sûr, on peut s’en réjouir. Toutefois, est-ce la priorité du Gouvernement ? Ces derniers mois, il n’a pas semblé que ce fût le cas. On nous a beaucoup parlé de compétitivité, de soutien aux entreprises, de diminution des charges de ces dernières. Or, aujourd’hui, la disposition principale de ce projet de loi de finances rectificative est une mesure en faveur du pouvoir d’achat des plus modestes. Nous n’y sommes pas opposés, mais une telle disposition bénéficiera principalement aux importations, ce qui est très mauvais pour notre économie. J’aurais préféré que l’on prenne plus rapidement des mesures en faveur des entreprises et non que l’on reporte à 2017 ou à 2020 la baisse de l’impôt sur les sociétés, ou que l’on repousse d’une année encore la contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés, qui est reconduite jusqu’en 2017. Si nous sommes déçus en ce qui concerne les recettes, nous le sommes également en ce qui concerne les économies et les dépenses. Monsieur le secrétaire d’État, la rigueur que vous appliquez n’est ni suffisante ni répartie équitablement. Tout d’abord, elle n’est pas suffisante. Vous annoncez à tout va 50 milliards d’euros d’économies de 2015 à 2017. En fait, à l’heure actuelle, la dépense publique s’élève à 1 200 milliards d’euros. D’après vos tableaux, elle augmentera chaque année de 20 milliards. Cela signifie qu’elle s’alourdira de 60 milliards d’euros supplémentaires en trois ans, contre 110 milliards si on avait laissé la tendance se poursuivre. C’est ce que vous appelez 50 milliards d’euros d’économies, mais il y aura tout de même 60 milliards d’euros de dépenses supplémentaires. Ce n’est pas, à mon avis, la bonne direction ! Ensuite, la rigueur n’est pas équitable, même si vous essayez de faire croire que tous sont logés à la même enseigne. Les collectivités locales, je le répète, sont les dindons de la farce. (M. le secrétaire d’État proteste.) Nous ne sommes pas d’accord sur ce point, monsieur le secrétaire d’État ! Toutefois, je crois avoir enfin compris votre position. Je vais la développer, et vous me direz si je l’ai parfaitement saisie. De 2015 à 2017, les recettes des collectivités territoriales venant de l’État diminueront de 11 milliards d’euros. Il s’agira d’une véritable diminution et non d’un ralentissement du rythme de l’augmentation. Dans le même temps, les recettes propres des collectivités locales augmenteront d’autant – peut-être via des accroissements d’impôts ou autrement... Au total, sur trois ans, les collectivités territoriales conserveront leur niveau de recettes malgré la baisse des dotations de l’État. Tel est le calcul du Gouvernement. Monsieur le secrétaire d’État, je m’inscris en faux contre un tel raisonnement. Le logiciel de Bercy doit être revu et mis à jour, car la taxe professionnelle a été supprimée et les droits de mutation sont en sensible diminution. De nombreuses recettes qui auparavant étaient dynamiques ne le sont plus du tout. Il est donc grand temps de se mettre au goût du jour ! À mon avis, les collectivités locales connaîtront des lendemains très difficiles. Il est de notre rôle de sénateurs de vous interpeller sur ce sujet. Je souhaite vraiment que les dépenses des collectivités soient traitées sur un pied d’égalité avec celles de l’État. En ce qui concerne le budget de l’État, vous considérez qu’une augmentation moins rapide que celle qui était initialement prévue revient à faire des économies. Chiche, appliquons la même logique aux collectivités territoriales ! J’aurais aimé que ce projet de loi de finances rectificative aille dans ce sens. Je regrette, d’ailleurs, que ce texte ne pousse pas le raisonnement plus loin, comme c’est souvent le cas pour de nombreux textes, ici, au Sénat. Pour conclure, j’espère que les élections sénatoriales de septembre prochain permettront de dégager une nouvelle majorité, pour que nous puissions travailler plus à fond les textes et avancer des propositions. S’opposer, c’est bien, mais proposer c’est mieux ! En attendant, nous maintiendrons notre vote négatif sur ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)