Les interventions en séance

Economie et finances
Nathalie Goulet 21/06/2010

«Projet de loi, portant réforme du crédit à la consommation»

Mme Nathalie Goulet

Madame le président, madame le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons en deuxième lecture répond à un vrai besoin, avec des moyens appropriés. Certes, on pourrait sûrement encore améliorer sa rédaction, mais, osons le dire, car c’est assez rare par les temps législatifs que nous traversons, il constitue déjà une avancée considérable.
C’est donc sans surprise que je vous informe de l’adhésion du groupe de l’Union centriste auquel je suis rattachée et de la mienne en particulier. D’ailleurs, puisque nous sommes entre nous, je vous ferai une confidence. (Sourires.)
À la mort de mon père, il y a quelques années, ma sœur et moi avons dû faire le point sur la situation financière de nos parents. Nous avons découvert un gros dossier, comportant un certain nombre de sous-dossiers, qui étaient autant d’autorisations de découvert, de cartes de crédit et autres crédits revolving. Bien que capitalisant à nous deux un bac + 16, nous avons eu beaucoup de difficultés à nous y retrouver ! Munies de ciseaux acérés, nous avons passé un bon moment à couper en deux toutes ces cartes, estimant que c’était le seul moyen d’arrêter l’hémorragie.
Je considère donc que le texte qui nous est proposé présente beaucoup d’intérêt en ce qu’il répond à une situation complexe, les gens cumulant des cartes en accordéon dans leur portefeuille.
Les chiffres sont accablants. En 2009, le nombre de ménages surendettés a augmenté de plus de 20 % par rapport à l’année précédente. Ainsi, ce sont près de 190 000 personnes, principalement issues des classes moyennes, qui sont touchées par le surendettement. Les plans d’étalement de la dette s’étirent sur dix ans, pour un montant moyen de 40 000 euros – montant qui a augmenté de 25 % en trois ans –, contre 20 000 euros en Allemagne et 18 000 euros en Belgique. Au total, pour 2009, les procédures de rétablissement personnel ont représenté 1,3 milliard d’euros, ce qui est considérable.
Les causes du surendettement sont connues.
Le taux moyen des personnes endettées en France pour cause de nombre excessif de crédits est de 19,3 %, contre 10,3 % en Basse-Normandie, ma région.
Le taux moyen pour cause de mauvaise gestion est de 7,8 % en Basse-Normandie, la région ayant le taux le plus élevé étant l’Auvergne, avec 14,9 % – je regrette vraiment que Michel Charasse ne soit plus membre de notre assemblée. (Sourires.)
Pour ce qui concerne le licenciement, le taux national est de 26,5 %, l’Alsace culminant avec un taux de 28,8 % et la Basse-Normandie ayant un taux de 25,5 %, ce qui est énorme.
La séparation et le divorce, la baisse des ressources, l’accident et la maladie ainsi que le décès sont les autres causes principalement répertoriées.
À ce stade de mon intervention, je tiens à rappeler les propositions de loi de Muguette Dini et de Claude Biwer, dont les contributions figurent aujourd’hui dans le projet de loi, et je profite de cette tribune pour évoquer deux sujets.
Le premier concerne les cessions de créances des différents organismes de crédit. À cet égard, je citerai un exemple récent.
J’ai reçu un courrier de réclamation d’une créance pour une somme « actualisée » de 1 200 euros émanant d’une officine de recouvrement au nom de Cofinoga, Soficarte ou Cetelem. Dès ce premier courrier, j’ai demandé les justificatifs de la réclamation. J’ai obtenu pour seule réponse : « Comment comptez-vous régler ? » J’ai argumenté en indiquant que je ne voyais pas d’où provenait cette dette, mais impossible de recevoir le moindre justificatif ! Le dossier est archivé, m’a répondu cette officine. Devant mon refus d’obtempérer, j’ai reçu un appel provenant très probablement de l’une de ces plateformes de traitement situées à l’étranger me conseillant de prendre un avocat pour faire désarchiver mon dossier.
Cette affaire personnelle ne présente strictement aucun intérêt, sauf à réfléchir au contrôle et à la réglementation dans le cas des cessions de créances. Le débiteur cédé devrait savoir – c’est le minimum ! – à qui la créance a été cédée. Je suis persuadée que, en cette matière, les marges de progression sont nombreuses. Si je suis assez imperméable, par habitude et par profession, aux lettres d’huissier, des personnes âgées ou fragiles peuvent se retrouver encore plus fragilisées, voire abusées. Peut-être devrions-nous également réfléchir au problème de la prescription.
Il serait intéressant, madame le ministre, d’avoir votre avis sur cette question.
Le second sujet que je souhaite évoquer, madame le ministre, a trait au secteur agricole. En effet, personne, dans cet hémicycle, n’a oublié que vous avez été ministre de l’agriculture.
En effet. Les situations personnelle et professionnelle des agriculteurs, comme celles des artisans, sont très imbriquées, ce qui leur interdit l’accès à la commission de surendettement.
Or, au moment où la crise agricole, notamment dans le secteur laitier, les frappe très durement, ce qui débouchera sur la reconversion d’un certain nombre d’entre eux, il convient de trouver une solution adaptée. De nombreux agriculteurs exercent en nom propre et, de ce point de vue, se retrouvent dans la situation des particuliers. Rappelons que 12 % des emplois bas-normands sont liés à l’agriculture, ce qui représente 59 000 équivalents temps plein.
La région Basse-Normandie a organisé la semaine dernière, sur l’initiative de son président Laurent Beauvais, les assises de l’urgence agricole.
Les constats des établissements bancaires, rejoints par ceux de la chambre d’agriculture, de l’Institut de l’élevage et de l’association de gestion CER France attestent des situations financières extrêmement difficiles. Selon les diagnostics, 20 % des exploitations ne pourront pas traverser cette crise. Les encours dégradés ont augmenté de 65 % par rapport à 2009, tandis que l’activité de crédit de trésorerie du Crédit agricole enregistrait une hausse de 200 % en un an.
Il va donc sans dire que la carte dressée par le Crédit agricole des taux d’encours douteux et litigieux pour chaque agence est particulièrement inquiétante pour le département de l’Orne, le sud du Perche, certes transformé en Luberon, et une partie du pays d’Auge. Ainsi, 30 % des exploitations présentent une situation nette négative.
La situation de surendettement des agriculteurs étant non seulement professionnelle, mais également personnelle, il serait à mon avis souhaitable qu’une solution d’ensemble puisse leur être proposée, en coopération avec les chambres d’agriculture, l’ensemble des services administratifs et fiscaux et, naturellement, votre collègue chargé de l’agriculture et de la pêche.
Je rappelle que les agriculteurs sont également soumis à des pratiques de démarchage, notamment pour des intrants ou du matériel agricole, lequel fait l’objet, nous le savons tous, d’une véritable concurrence entre les exploitations, pour ne pas dire entre les exploitants eux-mêmes. Ces matériels très chers sont utilisés quelques semaines par an et constituent des investissements très lourds financés par les vendeurs eux-mêmes.
Il serait sans doute précieux de réfléchir à une certaine déontologie en la matière, s’agissant de pratiques de démarchage moins connues, mais tout aussi avérées. Sans doute chaque préfecture pourrait-elle mettre en place une réunion mensuelle, à l’image de celles qui existent pour le financement de l’économie, uniquement réservée aux questions agricoles et qui réunirait, outre les banques, la chambre d’agriculture, les syndicats d’exploitants agricoles, notamment les Jeunes Agriculteurs, ainsi que des représentants non syndiqués, en particulier des membres de l’APLI, l’Association nationale des producteurs de lait indépendants.
Je termine, madame le ministre, en vous réitérant le soutien, sur ce texte, du groupe auquel je suis rattachée.
M. Marini ayant cité Le Guépard dans son rapport sur le projet de loi de finances, j’ai une envie folle de profiter de cette tribune pour ajouter quelques mots. Or, comme le dit Alain Delon à Jean Gabin dans Le Clan des Siciliens, « une envie folle, ça se respecte ! » (Sourires.)
Puisque nous venons d’évoquer les plus fragiles de nos concitoyens, je tiens à vous dire, madame le ministre, combien nous sommes heureux d’avoir voté la suppression du DIC, le droit à l’image collectif, dans le cadre de la dernière loi de financement de la sécurité sociale. Et ce ne sont pas les images inadmissibles de ce week-end qui me démentiront !
Les sommes ainsi économisées seront bien mieux utilisées par les clubs amateurs. Je vous remercie, madame le ministre, d’avoir revu votre position sur ce sujet au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2010, rendant ainsi hommage à votre lucidité.