Les interventions en séance

Aménagement du territoire
21/05/2013

«Proposition de loi visant à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques»

M. Joël Guerriau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute chose, j’aimerais saluer le travail de M. le rapporteur, président de la délégation à l’outre-mer, Serge Larcher, qui est également l’auteur de cette proposition de loi. Je félicite également le collaborateur qui a travaillé avec lui de la qualité de ses explications et de l’intérêt de toutes les remarques formulées. Si l’objet de cette proposition de loi et son contenu peuvent paraître pointus, ils sont au contraire révélateurs de réalités difficiles pour nos territoires ultramarins. Ce texte est donc l’occasion non seulement de régler des problèmes juridiques concernant des situations particulières, mais aussi d’aborder en conscience des problèmes spécifiques aux départements d’outre-mer, avec leurs conséquences pour les habitants. Dans un premier temps, je souhaite aborder le fonds même du texte, qui concerne les agences dites des cinquante pas géométriques. Il répond à une urgence en termes de calendrier, une probable insécurité juridique imposant au Gouvernement de réfléchir rapidement à l’avenir de la gestion du littoral guadeloupéen et martiniquais. Comme cela a été rappelé, les deux agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques de nos deux départements antillais devaient disparaître à la fin de l’année 2011. La prolongation de deux ans accordée par le vote du Grenelle 2 arrivant à échéance au 1er janvier 2014, et les solutions de remplacement n’ayant pas fait l’objet d’un consensus, il était nécessaire que le législateur se mobilise pour trouver une solution rapide à cette situation, sous peine de créer une incertitude juridique ou de voir disparaître un outil utile à ces deux départements d’outre-mer. Une prolongation de deux ans de la durée de vie des agences des cinquante pas géométriques et de la date limite de dépôt des demandes de régularisation des occupants sans titre me semble raisonnable, afin, d’une part, de poursuivre le travail entamé par ces agences et, d’autre part, de trouver une solution pour l’avenir concernant la gestion du littoral de Guadeloupe et de Martinique. Comme le montre le rapport de Serge Larcher, il y a eu un important regain d’activité des deux agences depuis 2010. Cette augmentation, inédite depuis leur création, prouve la confiance qui leur est accordée et la qualité de leur travail, tout en soulignant l’aspect indispensable de leur existence. Naturellement, on peut aussi penser que, approchant de leur fin de vie, elles ont vu les dossiers affluer en raison de l’ignorance de l’avenir sur les situations d’occupations sans titre de cette zone littorale. Cette prolongation de deux ans est non seulement raisonnable, mais aussi suffisante, monsieur le ministre, pour trouver une solution pérenne pour le remplacement de ces agences. Comme souvent en France, on crée des solutions provisoires qui durent. Il n’est pas question de revenir ici dans deux ans pour repousser encore la date limite d’existence des agences ! Si l’aïeul de M. le rapporteur, cité en introduction de son propos, pensait avoir trouvé une solution définitive à la question des cinquante pas géométriques, j’espère que l’aspect faussement définitif que je viens d’évoquer se transformera en réalité dans les deux ans à venir. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer d’ores et déjà sur les solutions potentielles ? Les établissements publics fonciers locaux pourraient-ils exercer ce rôle ? Dans un second temps, je souhaite évoquer rapidement l’apport du Gouvernement, qui a souhaité ajouter un article 3, que M. le rapporteur a présenté, à cette proposition de loi. Il vise à modifier les modalités de mise en œuvre de la procédure de reconstitution des titres de propriété outre-mer prévue par l’article 35 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer. Cet article prévoit donc une « procédure de titrement » en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à la Réunion, Mayotte et Saint-Martin. Cette nouvelle procédure est plus « décentralisée » que la précédente, car elle peut être conduite par un GIP constitué dans chacun des territoires ou par un opérateur public foncier local. Une telle mesure apparaît plus sage et plus efficace pour les opérations de titrement, qui sont par nature complexes, chères et surtout très différentes suivant le territoire concerné. Le rapporteur de la commission des affaires économiques a esquissé les choix qui pourraient être faits par les cinq départements, entre GIP et établissement public. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous les confirmer ? Cela nous rassurerait, dans le cadre de l’acceptation de cette nouvelle mesure. Pour finir, j’aimerais aborder les difficultés spécifiques à l’outre-mer soulevées par les deux axes de cette proposition de loi. Si les agences des cinquante pas géométriques ont encore besoin d’exister, c’est bien que les occupants sans titre de cette zone n’ont pas les moyens d’acquérir leur terrain ni même de trouver un autre logement. Sur l’ensemble des dossiers traités, moins de 20 % des offres de cession sont acceptées. Les aides proposées sont insuffisantes, surtout pour des populations pauvres et souvent âgées. Néanmoins, nous ne pouvons pas laisser perdurer ces situations illégales, d’autant que le phénomène d’installation illégale, cela a été rappelé, continue d’exister. Avec la question des procédures de titrement se pose celle de l’insécurité juridique pour les occupants. C’est finalement le problème du logement en outre-mer qui est soulevé. Son financement général, ainsi que celui du logement social, a largement été soutenu par de nombreux dispositifs fiscaux avantageux. Il est temps d’évaluer l’efficacité économique de ces niches au regard des résultats réels pour les départements ultramarins. Il y a quelques mois, nous votions une proposition de loi de notre collègue député Serge Letchimy sur l’habitat indigne en outre-mer. À la fin du mois de février, l’arrêté fixant le barème de l’aide financière versée pour compenser la perte de domicile des habitants de logis insalubres ou dangereux était publié. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Cette aide facilitera le relogement des occupants ou des bailleurs sans titre de terrains publics ou privés expulsés à la suite d’une opération d’aménagement. Dans le cadre des prochaines lois sur le logement, présentées par votre collègue chargée de ces questions au Gouvernement, allez-vous, monsieur le ministre, proposer des mesures spécifiques à l’outre-mer ? Si la règle générale doit s’appliquer partout de la même manière, il est des situations et des héritages qui nécessitent une attention particulière et des coups de pouce plus grands. Tel est le cas des départements d’outre-mer. Pour l’ensemble de ces raisons, les sénateurs du groupe UDI-UC voteront tout naturellement en faveur de cette proposition de loi consensuelle, et attendue. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et au banc des commissions. – MM. François Trucy et Michel Bécot applaudissent également.)