Les interventions en séance

Education et enseignement supérieur
Catherine Morin-Desailly 21/01/2014

«Proposition de loi visant à affirmer la liberté de choix des maires quant à l’organisation des rythmes scolaires dans l’enseignement du premier degré »

Mme Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis de nombreux mois, la mise en place de la réforme des rythmes scolaires, imposée par décret, est l’une des grandes préoccupations des élus locaux, des parents et des enseignants. Personne ne nie la pertinence d’une réflexion sur le temps de l’enfant et de nécessaires aménagements, mais ce sont la méthode et la traduction concrète de cette réforme, dans ses modalités pratiques et financières, qui heurtent. Tout d’abord, il n’est pas démontré que l’enfant s’y retrouve en termes de fatigue ou de qualité d’apprentissage. Surtout, sont en train de s’installer des inégalités criantes entre, grosso modo, les écoles dont les communes ont les moyens logistiques, humains et financiers et celles qui ne les ont pas, entre les écoles des villes et les écoles des campagnes. Des questions lourdes se posent en termes de responsabilité, d’encadrement, de contenu des activités et de coûts induits pour les familles. Depuis des mois, pas une semaine ne passe sans que nous soyons interpellés par les élus de nos départements sur ce sujet. Depuis des mois, nous nous efforçons d’alerter les services décentralisés de l’État, monsieur le ministre, mais ils ne prennent même pas la peine de nous répondre. J’ai pour ma part écrit deux fois au préfet de ma région, en vain. Depuis des mois, nous tentons de vous alerter, monsieur le ministre, mais vous ne jugez pas nécessaire de nous écouter. En Seine-Maritime, ce sont seulement 77 communes sur 589 disposant d’une école qui ont accepté de se lancer en 2013. Le 16 novembre dernier, une vaste majorité de maires ont profité de leur dernière assemblée générale pour interpeller le recteur sur des problèmes très concrets. Alors qu’ils posaient la question des moyens nécessaires pour mettre en œuvre les activités périscolaires, car les maires ont des ambitions élevées, on leur a répondu – je ne plaisante pas – « d’organiser, par exemple, des activités de pêche à la ligne » !
C’est dire la grande improvisation, le défaut de concertation et d’évaluation préalables qui ont présidé au lancement des opérations.
Là où la réforme fonctionne, je le note, c’est là où, depuis des années, un immense travail préalable a été effectué dans le cadre de l’aménagement du temps de l’enfant, qu’il soit scolaire, périscolaire ou postscolaire, avec de vraies activités culturelles et sportives, ainsi que des personnels formés et dédiés. On trouve, il est vrai, quelques exemples de cette nature. C’est la raison pour laquelle, lors des débats sur la loi de refondation de l’école, nous avions, ma collègue Françoise Férat et moi-même, évoqué, puisque le coup était parti, un temps nécessaire d’expérimentation, d’observation et d’ajustement avant toute généralisation.
Aujourd’hui, c’est le souhait, très largement partagé, de nombreux élus locaux dans mon département, qui ont cosigné une motion en ce sens, adressée au préfet.
C’est le cas aussi dans le département voisin de l’Eure, représenté ici par mon collègue Hervé Maurey. Monsieur le ministre, je dispose d’une liste très importante d’élus locaux ayant signé ce texte afin de vous sensibiliser à la problématique qui est la leur. Pourquoi, dans ce cadre-là, ne pas accorder le choix aux communes ou aux groupements scolaires de s’organiser progressivement ? Pourquoi ne pas leur laisser la latitude de choisir le samedi ou le mercredi pour le retour de la semaine de quatre jours et demi ? Au contraire, en faisant preuve d’une totale absence de bon sens, on n’attend même pas d’avoir tiré la leçon de la première année scolaire 2013-2014 ! Vous allez répliquer, monsieur le ministre, qu’il y a urgence, et évoquer encore une fois les résultats de l’enquête PISA. Toutefois, ce n’est pas une réponse. Les causes de l’échec sont sans nul doute plus subtiles et plus graves que la seule question des rythmes.
C’est justement parce que l’enjeu est très important qu’il ne faut pas traiter l’enfant comme un cobaye et qu’il convient de garantir les conditions de la réussite d’une réforme des rythmes scolaires pour tous, qui ne se résume pas à l’organisation d’un goûter scolaire, comme c’est le cas dans ma ville, à Rouen.
Parmi ces conditions, reste un point qu’il faudra régler, je veux parler de la question financière. En effet, cette réforme aura un coût très important pour les communes, dans un contexte où non seulement les dotations diminuent, mais où le Président de la République annonce que les collectivités devront dépenser moins. De qui se moque-t-on ? J’ajouterai, monsieur le ministre, que le report de la réforme de la carte scolaire contribue également à aggraver les difficultés pour la future rentrée scolaire. « Étant donné la capacité financière de nos communes, cette réforme engendre l’inégalité devant l’éducation des enfants et ce seront de nouvelles inégalités territoriales qui vont se creuser. »
« L’impact trop important de cette réforme sur les finances communales à court, moyen et long terme est incompatible avec les directives du Gouvernement demandant aux communes de baisser leurs dépenses publiques. »
C’est par cet extrait de la toute dernière lettre qui m’a été adressée, il y a à peine quinze jours, par la commune d’Auzouville-sur-Ry que je souhaitais conclure mon intervention, pour vous alerter une nouvelle fois, monsieur le ministre, sur la nécessité de prendre en considération les remarques d’élus qui ne cherchent que le bien-être des enfants et la réussite de l’école. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)