Les interventions en séance

Aménagement du territoire
Jean-Jacques Lasserre 20/11/2013

«Proposition de loi relative à la prévention des inondations et à la protection contre celles-ci»

M. Jean-Jacques Lasserre

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet dont nous débattons ce soir revêt une importance significative pour de nombreux territoires, touchés par des inondations dans un passé proche ou plus lointain. Certes, en matière d’inondations, des dispositifs existent pour gérer la crise et l’après-crise ; mais, comme l’a très bien montré la mission commune d’information, des lacunes existent sur les plans de la prévention et du financement de la gestion des risques. Tous les départements, ou presque, ont connu un jour cette catastrophe naturelle aux conséquences dramatiques sur les plans humain, matériel, moral et financier. Il importe de réfléchir, notamment, à l’articulation des rôles de chaque niveau de collectivités territoriales et aux obligations auxquelles devraient se conformer les collectivités, en matière d’assurances, de création de fonds spécifiques, etc. La proposition de loi prévoit une meilleure implication des collectivités locales ; nous souscrivons à cet objectif. Je tiens à saluer le travail de Pierre-Yves Collombat et de ses collègues du groupe RDSE ayant cosigné cette très judicieuse proposition de loi. Je salue également le travail de Louis Nègre, qui a brillamment présidé la mission commune d’information sur les inondations survenues dans le Var et, plus largement, dans le sud-est de la France en 2011, dont le rapport a fortement inspiré la proposition de loi. La commission du développement durable a supprimé une grande partie des articles, en particulier les articles 1er à 5, 13 et 14, portant sur l’articulation des rôles entre les collectivités territoriales. Ils étaient en effet redondants, dans la mesure où le sujet a déjà été traité dans le cadre de la discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Je souhaiterais néanmoins aborder rapidement cette problématique, qui reste vaste et délicate, à la lumière de mon expérience locale. En juin dernier, en effet, des inondations ont touché les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques. Il me semble que le transfert des ouvrages aux collectivités territoriales est extrêmement contraignant pour celles-ci. Or les inondations, à un certain degré de gravité, réclament, dans tous les cas, la mise en jeu de la solidarité régionale et nationale, ainsi que, le plus souvent, des engagements financiers aussi importants que conjoncturels. Dans ces conditions, je considère que ce transfert ne doit pas être synonyme de désengagement ! Les inondations n’ont pas toutes la même cause et les mêmes caractéristiques, selon que l’on est sur le littoral, en bordure de fleuve ou de rivière torrentueuse. Dans certains cas, il est quasiment impossible d’intervenir contre les inondations ; dans d’autres, les plus fréquents, les inondations résultent de négligences répétées et durables, notamment dans l’entretien des ouvrages de protection. Un transfert linéaire, régulier, selon des lignes budgétaires annuelles est, à mon sens, une réponse forte, mais partielle, au problème posé. De fait, nous connaîtrons toujours des cas de figure exceptionnels, qui nécessiteront un appel à la solidarité nationale. Nous avons connu voilà peu, dans le Sud-Ouest, une crue dévastatrice, qui a littéralement saccagé les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques. Cet événement à caractère exceptionnel, d’une ampleur dépassant largement l’échelle départementale ou intercommunale, ne pouvait que relever de la solidarité nationale. Ainsi, dans de nombreux cas, une approche nationale est nécessaire et doit être adoptée. L’inondation très médiatisée de la grotte de Lourdes en a été un exemple emblématique. Le maire de la ville a bien résumé la situation, déclarant : « Nous ne pouvons rien faire, la situation est exceptionnelle. » Cela étant, même dans les situations où le recours à la solidarité nationale s’impose, le rôle du maire et des acteurs locaux, fort bien évoqué aux articles 9 et 10 de la proposition de loi, demeure bien entendu primordial. Le travail d’équipe des élus locaux et de l’État, incarné notamment par le préfet, est essentiel pour conduire les opérations de résolution de crise. L’article 12 de la proposition de loi s’inscrit également dans cette perspective, puisqu’il vise à instaurer une commission de suivi des opérations liées à l’après-crise, présidée par le préfet. Ce dernier doit donc sans cesse renforcer ses liens avec les élus locaux, afin de faire le relais entre le terrain et le niveau national. Je souhaite aussi évoquer brièvement l’article 8 de la proposition de loi, qui tend à modifier les conditions de représentation des élus au sein des organes délibérants des comités de bassin et des agences de l’eau, afin de les rendre majoritaires, ce qui nous paraît extrêmement opportun. Je me permets de rappeler l’importance des agences de l’eau, dont le projet de loi de finances pour 2014 prévoit de ponctionner le fonds de roulement à hauteur de 210 millions d’euros, ce qui induira une réduction de leurs marges de manœuvre et de leur champ d’intervention. Il faut à tout prix sauvegarder ces beaux outils que sont les agences de l’eau. Je souhaite aborder une autre question importante, celle de l’assurance. Faut-il la rendre obligatoire ? Convient-il de généraliser l’obligation d’assurance permettant d’asseoir la garantie des catastrophes naturelles ? Pour ma part, je serais tenté de me rallier à la proposition de la commission, mais n’oublions pas que les assurances, pour la réparation de dommages engendrés par des intempéries, sont à mon sens le seul moyen de solidarité et de péréquation nationales. En effet, c’est bien l’effort consenti par chaque assuré qui constitue le fonds national. Je sais que cette question fait débat ; si j’y insiste, c’est parce que l’assurance est aussi le gage de la solidarité et de la responsabilisation de l’ensemble des citoyens. Par ailleurs, soulignons-le, quel que soit le type de dommages, le coût de la prévention des risques est souvent inférieur à celui de la réparation des dommages et de l’indemnisation des sinistrés. Quant à l’article 21 du texte, il visait à opérer un transfert de charges du régime des calamités agricoles vers celui des catastrophes naturelles. Sa suppression nous semble sage. En effet, les fonds de ces deux régimes étant insuffisants, il serait tout à fait prématuré, en l’état actuel des choses, d’envisager un quelconque transfert de charges. Un autre sujet important, souvent évoqué par mon collègue Pozzo di Borgo, a trait aux risques de crue centennale en Île-de-France. Il s’agit d’une question vitale pour le Grand Paris. Il semblerait qu’elle soit envisagée sous l’angle de la gestion immédiate de la crise, alors qu’il conviendrait avant tout, là encore, de travailler à la prévention de celle-ci. Une réelle prise de conscience du risque, ou plutôt de l’étendue des conséquences de sa réalisation, est fondamentale. Vous l’aurez compris, le groupe UDI-UC est favorable à cette proposition de loi et la votera. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour que ce texte, dont l’esprit est excellent et qui comble en grande partie une insuffisance incontestable, soit appliqué dans les plus brefs délais. Pour résumer, nous considérons que l’adoption de cette proposition de loi constituera un réel progrès, car nous avons beaucoup à gagner à la clarification des responsabilités, à l’association beaucoup plus active des élus et des populations et au renforcement de la présence des élus dans les organes délibérants des agences de l’eau. Notre débat inachevé concernant les dispositions assurantielles est positif. Nous voterons ce texte avant tout parce qu’il donne la priorité à la prévention, sous deux aspects : celui des indicateurs de risques de catastrophes, pouvant permettre de sauver des vies humaines, et celui de l’entretien vigilant des ouvrages de protection, notamment des digues, qui suppose des dotations budgétaires suffisantes et, je me risque à le dire, une attitude peut-être un peu plus dynamique et réaliste de l’administration. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du RDSE. – Mme Virginie Klès applaudit également.)