Les interventions en séance

Budget
20/03/2013

«Projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires »

M. Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi, destiné à brider la spéculation et à mieux financer l’économie, s’inscrit dans la continuité des réformes menées par les gouvernements précédents, déterminés à protéger les dépôts des épargnants et l’ensemble des contribuables. Comme M. le ministre de l’économie et des finances, les sénateurs du groupe UDI-UC abordent ce débat dans un esprit d’ouverture et d’écoute. Si la démarche engagée va dans le bon sens, elle appelle néanmoins des réserves et des interrogations de notre part. C’est pourquoi nous avons déposé des amendements, auxquels, nous l’espérons, le Gouvernement réservera un accueil positif. Avant tout, comme je le répète inlassablement dans cet hémicycle, il convient de changer cette atmosphère démoralisante de défiance qui prévaut aujourd’hui dans notre pays, et qui fait fuir à la fois nos entrepreneurs et nos futurs cadres. La déclaration du candidat Hollande – « Mon adversaire, c’est la finance » –, est stupéfiante. Elle est tout aussi atterrante que les propos de certains dirigeants du XIXe siècle, qui qualifiaient les ouvriers de « classes dangereuses » ! Les banques sont des entreprises, et elles emploient près de 400 000 salariés. Monsieur le ministre, vous en êtes convaincu comme nous tous, je l’espère : les banques sont des entreprises indispensables à toute activité économique. M. Moscovici l’a du reste souligné il y a quelques instants. Toutefois, une part du métier de banquier n’est pas totalement dépourvue de risques pour les acteurs économiques. À cet égard, l’activité bancaire doit être encadrée par une réglementation adaptée, comparable aux normes Seveso, comme toute industrie à risque. Redonnez l’envie, redonnez confiance. La confiance, c’est le moteur de l’économie et la condition de notre compétitivité. C’est un élément indissociable de la croissance. Or, désormais, la croissance est devenue la priorité de chacune et de chacun d’entre nous. Toute modification législative concernant l’économie ou la finance doit concourir à la restaurer. À cette fin, il faut se départir de tout dogme et de toute idéologie. Le présent projet de loi, à l’ambition modeste, est le reflet édulcoré du septième engagement du candidat Hollande. Premièrement, le dispositif prévu risque de pénaliser nos établissements par rapport aux banques étrangères et de les affaiblir dans la compétition mondiale en leur enjoignant de révéler des informations stratégiques. Nous avons déposé des amendements à l’article 4 bis en vue de prévenir de tels risques. À cet égard, prenons garde de ne pas fragiliser cette industrie vitale par un encadrement trop rigide. L’amélioration des stress tests, qui ont révélé leurs insuffisances, ne constitue-t-elle pas à elle seule une première étape ? Deuxièmement, l’ACPR se voit confier un pouvoir singulier : cette instance aura pour ainsi dire droit de vie et de mort sur de nombreuses activités bancaires, en vertu d’une procédure dont la conformité à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est discutable. Il s’agit, en l’espèce, d’opérations d’un montant de plusieurs milliards d’euros : cette disposition est-elle compatible avec la liberté du commerce et de l’industrie ? Pour notre part, nous présenterons des amendements destinés à garantir le respect de ce principe fondamental. Troisièmement, et enfin, nous nous interrogeons sur la capacité de ce texte à nous préserver d’un nouveau « Lehman Brothers ». Gardons à l’esprit que, pour ce qui est de la filialisation, les activités spéculatives des banques agissant pour leur compte propre ne représentent que 2 % de leur activité. Monsieur le ministre, quelle sera la position du Gouvernement lors de l’entrée en vigueur de la directive issue du rapport Liikanen, attendue pour l’été prochain ? Ne légiférons-nous pas trop tôt ? Votre volonté de voir la France jouer un rôle précurseur ne doit pas nous conduire à placer nos banques en position de faiblesse par rapport à leurs concurrentes étrangères. L’Allemagne a engagé une réforme parallèle à la nôtre : quelle concertation menez-vous avec votre homologue allemand sur le sujet ? Au surplus, les délais d’application de ces réformes constituent une question centrale. Les Britanniques visent 2019, date de la mise en œuvre des accords de Bâle III. Dans un souci de positionnement et de coopération à l’échelle européenne, nous proposons quant à nous l’échéance de 2017. Le Gouvernement a annoncé que le présent projet de loi visait non seulement à changer les structures, mais aussi et surtout à peser sur les comportements. C’est un point fondamental – je vous l’accorde –, car les banques ne peuvent plus se conduire comme elles l’ont fait par le passé, surtout de l’autre côté de l’Atlantique. Dans ce cadre, il est indispensable que le ministère de l’économie commandite une étude d’impact. La responsabilité des banques, voire leur éthique même, sera désormais engagée. Du reste, une grande banque a très récemment organisé un colloque pour faire face à la mutation des métiers bancaires et définir leur juste place dans le monde de demain. Mes chers collègues, lors de son discours devant l’Assemblée nationale, M. Moscovici a cité Sénèque et Dumas. Pour clore mon propos sur un texte austère, je conclurai pour ma part par une foucade rafraîchissante d’un aïeul controversé, l’inclassable Robert. (Exclamations amusées sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.) Ce dernier avait coutume de répondre, lorsqu’on lui donnait un conseil : « Je ne saurais l’écouter mais je l’entendrai toujours. » Quant à nous, nous souhaitons que le Gouvernement entende et écoute à la fois les conseils et les interrogations du groupe UDI-UC. Notre vote dépend de sa réponse. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP. Mme Frédérique Espagnac et M. Jean-Jacques Mirassou applaudissent également.)