Les interventions en séance

Aménagement du territoire
Vincent Delahaye 20/02/2014

«Projet de loi pour l՚accès au logement et un urbanisme rénové»

M. Vincent Delahaye

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové approche de son terme, huit mois après son passage en conseil des ministres. C’est une très longue durée pour un texte qui touche à l’un des secteurs les plus importants de notre économie et pour lequel les attentes sont très fortes. Je commencerai donc par une interrogation : alors que deux tiers des lois portées par l’actuel gouvernement font l’objet d’un engagement de la procédure accélérée, il est étonnant que tel n’ait pas été le cas du texte ALUR. C’est une demande rare de la part des parlementaires, surtout de mon groupe ; mais cette lenteur assumée laisse penser que le logement n’est pas une priorité du Gouvernement, que bien d’autres sujets sont plus urgents, et c’est bien dommage ! (M. Daniel Raoul, corapporteur, s’exclame.) Par ailleurs, madame la ministre, sur la méthode, ce texte est plutôt le résultat d’une mainmise administrative que le fruit d’une véritable concertation avec les acteurs concernés.
La plupart d’entre eux s’accordent pour déplorer l’absence de discussions préalables et de prise en compte de leurs demandes légitimes.
Le résultat, c’est un texte de loi injuste et incompréhensible. La preuve la plus éloquente est la taille de ce texte : plus de 180 articles, plusieurs centaines de pages – 340 pages à l’issue de la CMP –, sans compter tous les articles déjà conformes. C’est sans doute une première, et peut-être le plus gros texte de la Ve République. Pour le Livre Guinness des records, c’est sans doute bien. Pour votre ego aussi, madame la ministre. (Mme la ministre s’étonne. – M. Claude Dilain, corapporteur, s’exclame.)
En revanche, je ne suis pas sûr que ce soit bon pour résoudre une crise du logement que l’on voit monter depuis quelque temps.
Je souligne régulièrement, avec d’autres, la complexité de notre environnement normatif et légal. J’ai proposé, lors de ma campagne en vue des élections sénatoriales, qu’à chaque fois que nous produisions une loi nous en supprimions deux. On en est malheureusement loin ! Du coup, en laissant, comme vous l’avez fait, la technocratie agir, on aboutit à un texte complexe, confus, et donc inefficace, alors que la politique du logement nécessite de la simplicité et de la rapidité. Les attentes sont grandissantes : la proportion de nos concitoyens estimant qu’il est difficile de se loger est de 83 %, en hausse de cinq points depuis un an. Et pourtant, lorsque l’on interroge comme je l’ai fait l’homme de la rue sur les marchés – campagne électorale oblige et privilège du cumul des mandats –, que constate-t-on ? Qu’il n’a pas retenu grand-chose de votre texte !
Qu’en retiendront les acteurs et les investisseurs ? Sûrement que le Gouvernement ne répond absolument pas à la crise en cours et à venir. Car le pire est devant nous, malheureusement.
Sur le fond, certaines mesures d’affichage seront utiles. D’autres seront inutiles ou mal mises en place. Garantie universelle des loyers, plan local d’urbanisme intercommunal, schéma de cohérence territoriale : tout cela va-t-il changer quelque chose ? Nous regrettons une certaine forme de politisation, un peu dogmatique, des questions du logement. Le premier exemple que je citerai a trait à l’encadrement des loyers. Votre acharnement à vouloir tout encadrer, tout administrer, a un effet très négatif.
Ce n’est pas d’encadrement et de règles toujours plus strictes que nous avons besoin, mais d’assouplissement et d’oxygène pour un secteur qui ne demande qu’à se développer.
D’ailleurs, je tiens à signaler que, depuis l’examen de ce texte en conseil de ministres, les positions économiques du Gouvernement ont largement évolué. Après sa conférence de presse de janvier dernier, le Président de la République a en effet lancé son pacte de responsabilité, qui devrait redonner de l’air aux entreprises et, en les libérant de certaines contraintes, leur permettre d’embaucher. De la même manière, ce texte aurait pu être un pacte de responsabilité noué avec les propriétaires et les investisseurs pour les inciter à mieux louer et à plus construire. Ce n’est pas le cas, et nous le regrettons. Nous sommes même face à une contradiction gouvernementale qui ne s’explique pas, entre discours de confiance et loi de défiance. Concernant la garantie universelle des loyers, notre groupe était très allant sur le sujet en première lecture ; nous avons fait des propositions concrètes, qui ont abouti à lancer le débat au sein de notre assemblée. Nous nous en réjouissons. En revanche, nous regrettons la manière dont le débat s’est poursuivi, et le résultat obtenu ne nous convainc pas. En outre, sur le fond, nous estimons que la GUL va rater son départ et sera inapplicable. Elle rate son départ, car elle n’entraîne pas la suppression de la caution. C’était la condition sine qua non. C’est la caution qui est le facteur bloquant d’entrée dans un logement. L’argument constitutionnel me semble léger, car tout le monde en parle… mais personne ne le démontre…
 
Enfin, sur la question du PLUI, qui a beaucoup animé les discussions et a été le cœur des tensions entre l’Assemblée nationale et le Sénat, le texte issu de la CMP, finalement proche de celui du Sénat, ne nous convient pas. J’estime que le Gouvernement a travaillé en dépit du bon sens et contre les élus locaux, en particulier sur ces questions. Comme vous le savez, la plupart des membres du groupe UDI-UC se sont opposés fermement au transfert obligatoire de la compétence urbanisme aux intercommunalités.
Je suis favorable à l’élaboration du PLU au niveau communautaire, mais cela doit rester du domaine de l’initiative locale ; cela doit venir d’une volonté commune des maires constituant les EPCI et ne pas être obligatoire.
Cela n’est pas acceptable pour les élus. Soit vous assumez vos propositions, soit vous laissez le statu quo. Mais scléroser le système comme vous le faites est dangereux et contre-productif.
Les élus, en particulier les maires, sont inquiets. Leurs craintes n’ont pas faibli après les deux lectures du texte et après la CMP. Aujourd’hui, beaucoup de maires nous font part de leur sentiment négatif sur ce texte.
J’ai l’impression que vous ne croyez pas en leur bonne volonté de servir l’intérêt général. J’ai l’impression que vous voulez les dessaisir d’un des trop rares leviers qui donne de l’intérêt à l’engagement municipal.
Comme je vous l’ai dit, nous avons fait du caractère obligatoire du transfert un point de blocage. Je pense que la solution trouvée est un mécanisme bloquant qui dénote un manque de confiance envers les élus.
Avant de conclure, j’aimerais relayer les craintes qu’avait exprimées mon collègue Daniel Dubois en ouvrant ce débat il y a quelques mois, concernant les véritables enjeux de la politique du logement, à savoir la construction et la rénovation de logements. Je crains que, dans ce domaine, comme dans d’autres, le Gouvernement ne soit en échec et ne tienne pas les promesses faites aux Français. Le Président de la République s’est engagé dans la construction de 500 000 logements neufs chaque année, dont 150 000 logements sociaux. Les résultats ne sont pas là. Pour 2013, nous peinerons à atteindre les 330 000 logements neufs. Pis encore, le pourcentage de permis pour les constructions neuves est en chute de 15,4% ; c’est dire si les années 2014 et 2015 ne seront pas meilleures. Nous pensons qu’il faut réagir, et vite. Malheureusement le texte proposé est loin de répondre à ces problématiques. En conclusion, nous aurions besoin de moins de textes, d’une vraie simplification, de faire confiance aux acteurs économiques, de les encourager. Or votre projet de loi, « monstrueux » par sa taille, ne répond absolument pas à tous ces objectifs. La très grande majorité du groupe UDI-UC votera donc contre ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)