Les interventions en séance

Droit et réglementations
Daniel Dubois 19/12/2011

«Proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat afin de renforcer le pluralisme et l՚action du Sénat en matière de développement durable-Article 2»

M. Daniel Dubois

Monsieur le président, mes chers collègues, au moment de l’élection du bureau de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, j’ai dit à mes collègues que nous avions su, jusqu’alors, faire preuve de sagesse en ne séparant pas l’économie, l’environnement et le développement durable. D’ailleurs, le principe constitutionnel de développement durable vise précisément à concilier les objectifs de développement économique et de protection de l’environnement : ces deux notions sont consubstantielles ! On peut même, bien entendu, y ajouter une dimension sociétale évidente. Ainsi, traiter d’un coté des sujets économiques, de l’autre des sujets écologiques n’a pas de sens du point de vue du développement durable. À l’inverse, l’intérêt et la qualité du travail sur des sujets tels que les transports, l’énergie, l’industrie, l’agriculture, la recherche, l’aménagement du territoire tiennent précisément à ce qu’on les aborde simultanément sous l’angle économique et sous l’angle environnemental. Mme Rossignol, qui a malheureusement quitté l’hémicycle, avait exprimé, au cours des débats en commission de l’économie, son manque d’enthousiasme devant la création d’une commission supplémentaire. Elle avait d’ailleurs été rejointe par M. Labbé. Tous deux avaient souligné les risques de la scission envisagée. Mme Rossignol déclarait ainsi : « Le risque est de marginaliser la question de l’environnement. Comment la traiter sans parler du problème tout à fait central des énergies ou encore des transports ? » Je pense qu’elle avait tout à fait raison ! L’inverse est naturellement tout aussi vrai : l’énergie et les transports ne sont-ils pas au cœur du développement économique ? Telle est la première raison de mon hostilité à l’idée de séparer artificiellement ces deux notions consubstantielles : l’économie et l’écologie. La deuxième raison, non moins importante, de mon opposition à la création de cette commission tient aux conflits de compétences qui risquent de se multiplier ; il en a d’ailleurs déjà été question. En effet, la plupart des thématiques économiques sont étroitement imbriqués les unes avec les autres. Ainsi, l’aménagement numérique du territoire relèvera-t-il, au fond, de la commission des affaires économiques ou de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ? De même, est-il raisonnable de séparer l’urbanisme des travaux publics et des infrastructures ? Quant à l’aménagement du territoire et à l’agriculture, qui forment les deux jambes de la politique agricole commune, les dissocier est à l’évidence une aberration ! À propos de la création d’une commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Mme Lienemann, qui malheureusement n’est pas là, a déclaré en commission : « Sa création ne sera pas un drame, ni pour le pays ni pour le Sénat ! Cette décision s’impose par symétrie avec l’Assemblée nationale. » Je dois dire que je suis très surpris par cet argument, qui n’est pas vraiment convaincant ! D’abord, il me semble évident que le but n’est pas de mesurer les effets négatifs de la scission, mais bien d’évaluer ses conséquences positives ! Or, bizarrement, Mme Lienemann n’en parle pas : elle n’évoque que ses effets négatifs ! Ensuite, je considère que le mimétisme vis-à-vis de l’Assemblée nationale ne s’impose pas. Ou alors, alignons le nombre des sénateurs sur celui des députés et créons deux commissions distinctes pour la défense et les affaires étrangères ! Soyons sérieux ! À l’Assemblée nationale, la scission de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a été un fiasco. C’est un fait reconnu, que notre collègue Jean Claude Lenoir a rappelé en ces termes : « Cette situation ne donne satisfaction à personne. Les sujets de l’économie et de l’environnement s’entremêlent et se recoupent sans cesse, si bien que les deux commissions sont systématiquement saisies, l’une au fond et l’autre pour avis. Résultat : des réunions en double, des frontières mal établies et des députés mal à l’aise avec la répartition des compétences. » Enfin, on nous dit que la scission serait une solution aux effectifs pléthorique de la commission de l’économie. Il est vrai que celle-ci compte aujourd’hui 78 membres – je ne parle pas du nombre de participants aux réunions ! –, contre 170 pour l’ancienne commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire de l’Assemblée nationale. Forte de ses 78 membres, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire fonctionne très bien. Je ne crois pas que cet effectif la rende ingouvernable ! (M. Bruno Sido acquiesce.) Comme l’a dit tout à l’heure M. Placé, que je rejoins sur ce point, nos échanges sont de qualité parce que les différentes sensibilités nourrissent le débat sur ces thèmes transversaux. Tant mieux ! C’est pourquoi, contrairement à lui, je conclus qu’il est préférable que nous continuions à discuter ensemble, au sein de la commission qui existe aujourd’hui. La scinder conduira à la sclérose des prismes d’analyse et à l’alourdissement des processus de colégislation, la transversalité des questions imposant la saisine de l’une comme de l’autre des deux nouvelles commissions. En plus d’affaiblir les petits groupes politiques – songez-y, chers collègues Verts !–, cette scission transformera la confiance en défiance, les deux commissions risquant fort de se livrer bataille pour savoir laquelle sera saisie au fond ! J’ai été étonné de voir plusieurs membres de la commission appartenant à la majorité sénatoriale résignés et impuissants face à un accord politique conclu en d’autres lieux et que l’on leur demande aujourd’hui d’entériner. Monsieur le président, nous adhérons totalement à l’idée qu’il convient d’adapter le Sénat aux évolutions profondes de notre société en matière de développement durable et de mieux prendre en compte ces problématiques dans nos travaux. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons, plutôt qu’une scission de la commission, soit la création d’une délégation sénatoriale à l’aménagement du territoire et au développement durable, soit la création d’une commission sénatoriale, qui permettrait de maintenir l’unité de notre commission actuelle tout en mettant en avant la spécificité des problématiques environnementales. Alors oui, mes chers collègues, préservons l’unité du développement durable, soyons responsables, privilégions la qualité de notre travail et refusons de casser ce bel outil qu’est la commission permanente de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ! (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)