Les interventions en séance

Droit et réglementations
Yves Détraigne, Jacqueline Gourault, François Zocchetto, Jean-Marie Bockel, Sylvie Goy-Chavent, Vincent Delahaye, Jean-Jacques Lasserre, Gérard Roche 19/12/2011

«Proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat afin de renforcer le pluralisme et l՚action du Sénat en matière de développement durable -Article 1er-L՚amendement n° 3 rectifié ter, présenté par MM. Guerriau, Delahaye et Détraigne, Mme »

M. Vincent Delahaye

Mon collègue du groupe Union centriste et républicaine Yves Detraigne l’a dit en commission : « Une modification du règlement n’a d’intérêt que si elle vise à améliorer le fonctionnement de notre assemblée. Tel ne semble pas être le cas avec cette proposition de résolution. On a plutôt affaire à une révision de circonstance. » J’ajouterai que notre règlement, censé rechercher l’intérêt général, ne doit pas évoluer au gré des résultats électoraux ou des accords entre partis. La proposition qui nous est faite de modifier le règlement pour tenir compte du nombre de sénateurs écologistes élus le 25 septembre dernier, qui ne correspondrait pas à leur poids ou influence réelle dans le pays, est une proposition néfaste pour notre image de sénateurs et pour la démocratie. Elle envoie à nos compatriotes plusieurs signaux négatifs qui ne rehausseront pas auprès d’eux l’image du Sénat. Faire passer l’intérêt des partis avant l’intérêt général est le premier signal négatif adressé ainsi aux Français. Une telle mesure relève d’intérêts du moment, d’intérêts politiciens bien éloignés de la notion d’intérêt général qui devrait tous nous mobiliser. Certains parleraient de « tambouille politicienne », d’autres, de « petits arrangements entre amis ». Pour ma part, je considère que ce sont des accords partisans de circonstance qui ne devraient pas interférer sur le fonctionnement d’une institution comme le Sénat. Rappelons qu’à l’origine, en 1958, lors de l’avènement de la Ve République, il fallait 11 élus pour créer un groupe. En 1971, ce chiffre a été porté à 15, afin d’« asseoir le rôle des groupes politiques » et d’éviter la trop grande dispersion qu’on avait connue sous la IVe République. Sur les 283 sénateurs que comptait le Sénat de l’époque, 15 représentaient 5,3 % du total. Le fait est que, pour ma part, je fixerais volontiers à 5 % du nombre total de sénateurs la possibilité de créer un groupe, soit 18 membres pour les 348 sénateurs que nous sommes. Si l’on abaisse le seuil à 10 élus, un groupe pourra être constitué avec seulement 2,86 % des sénateurs. Tout cela pour permettre aux élus Verts, éminemment respectables par ailleurs, de constituer un groupe ! Pourquoi se considèrent-ils comme sous-représentés dans notre assemblée ? Le sont-ils vraiment, et à qui la faute ? Ne peuvent-ils pas continuer à travailler avec le parti socialiste ? Le fait de ne pas atteindre le seuil de 15 élus est le résultat des élections locales qui se sont succédé ces dernières années, et notamment celles de 2001 et de 2008. Les Verts, qui existent depuis près de trente ans, ont eu tout le temps nécessaire pour s’implanter et faire connaître leurs thèses. Ils ont été actifs au niveau local et largement audibles au niveau national. Leur représentation actuelle est le fruit de leur travail ; elle correspond à leur audience réelle auprès des électeurs. Dans ma bonne ville de Massy, à la fin des années 1980, les Verts étaient nettement mieux représentés au sein du conseil municipal que le courant centriste auquel j’appartenais ; il faut dire que la ville votait à 62 % à gauche… Aujourd’hui, au sein du conseil municipal, il n’y a plus qu’un seul élu Vert ! Et parmi les grands électeurs supplémentaires que nous avons eu à désigner, aucun Vert n’a été choisi ! À qui la faute ? C’est en partie la mienne, me direz-vous… Probablement. Mais c’est sûrement aussi la leur, et le résultat des négociations menées par la gauche ne reflète pas leur poids réel dans la population. Chers collègues Verts, ce n’est tout de même pas notre faute si le parti socialiste, votre allié historique, vous laisse la portion congrue, sans rapport avec votre influence dans l’électorat ! Nous n’avons pas à subir ici le résultat de vos négociations peu efficaces… Pour ma part, en tout cas, je ne peux pas accepter cet arrangement de circonstance ! Mais cette proposition de résolution envoie aux Français un second signal négatif : à l’heure où le rassemblement devrait être notre seule priorité face aux défis majeurs du moment, je considère que cette modification du règlement est un facteur de division. En effet, elle renforcera l’atomisation de la représentation politique au sein de notre assemblée. Depuis le début de mon engagement public, j’ai toujours cherché, lors des scrutins locaux comme des scrutins nationaux, à rassembler au-delà des partis politiques et plutôt même à côté d’eux. Je crois que, sans nier nos divergences, nous, élus, devons tout faire pour favoriser le rassemblement plutôt que la division ! Nous devons montrer l’exemple et, surtout, ne pas céder à cette tendance souvent naturelle dans notre beau pays : le chacun pour soi, l’éparpillement, la division plutôt que le rassemblement. En présentant tout à l’heure mes amendements, j’exposerai d’autres arguments. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Mais je m’arrête là pour le moment car je tiens à respecter mon temps de parole contrairement à Jean-Vincent Placé ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)