Les interventions en séance

Aménagement du territoire
19/11/2012

«Proposition de résolution européenne relative à la stratégie européenne pour les régions ultrapériphériques à l՚horizon 2020»

M. Joël Guerriau

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors du dernier forum européen des régions ultrapériphériques qui s’est déroulé le 2 juillet dernier, le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a déclaré, concernant les RUP, que « chacune de ces régions, si éloignée soit-elle du continent européen, fait bien évidemment partie intégrante de l’Union européenne et contribue largement au dynamisme, à la prospérité, et au rayonnement de notre Union. » Ces bonnes intentions résument très bien la communication de la Commission européenne qui a suscité la réaction du Sénat et le dépôt des deux propositions de résolution européenne que nous examinons aujourd’hui. Comme cela a été dit lors de précédents débats, et comme les auteurs des propositions de résolution européenne l’ont rappelé avant moi, nous avons souvent l’impression d’entendre un discours plus incantatoire qu’efficace lorsque la Commission européenne évoque les régions ultrapériphériques. Je veux saluer ici l’ensemble du travail de la délégation à l’outre-mer et de la commission des affaires européennes, qui permet au Sénat tout entier d’utiliser à plein son pouvoir d’influence sur le Gouvernement et les institutions européennes. En premier lieu, il convient de souligner que les régions ultrapériphériques représentent pour l’Europe un véritable gisement. Avec leurs 4,3 millions d’habitants, elles occupent une immense partie du territoire maritime européen, le hissant ainsi au premier rang mondial. À cela il faut ajouter 80 % de la biodiversité européenne, une économie non délocalisable avec des produits agricoles uniques, des destinations touristiques paradisiaques et des sites industriels de pointe, comme le secteur de l’aérospatiale. Pour autant, il ne faut pas oublier que ces régions doivent faire face à des contraintes liées à leur localisation, leur géographie, leur éloignement. Nous devons en tenir compte. La France l’a compris depuis longtemps. Grâce à ses élus, elle mène une politique spécifique envers ses outre-mer. Il est temps que l’Union européenne en ait également pleinement conscience. Juridiquement, la prise en compte de cette spécificité relève de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; dans les faits, on ne peut que regretter la faible utilisation d’un article peu invoqué. Or les territoires ultramarins doivent surmonter des difficultés intrinsèques, notamment en termes de développement économique. Ainsi, la politique européenne doit permettre de réduire les écarts avec les territoires continentaux. On peut citer notamment les problèmes liés au prix des transports des personnes et des marchandises, qui renchérissent grandement le coût de la vie et diminuent la compétitivité de ces territoires. Il est donc impératif que les institutions européennes adaptent les règlements européens aux régions ultrapériphériques. Inversement, contraindre les régions ultrapériphériques à adopter des règlements européens inappropriés à leurs situations accroît bien évidemment leurs difficultés. Nous avons évoqué cette question, je vous le rappelle, mes chers collègues, lors du débat sur la politique commune de la pêche. Nous devons donc continuer à défendre des programmes spécifiques sectoriels en faveur de certaines filières, telles que les technologies de l’information et de la communication, les transports ou les énergies renouvelables. Dans ce dernier domaine, La Réunion, notamment – je salue à cet égard mon collègue de ce département, ici présent –, est en pointe. Les expériences qui y sont menées pourront ensuite servir à toute l’Europe. Nous voulons que ces régions soient des territoires d’exemplarité et d’avenir, des régions où des projets expérimentaux pilotes puissent naître et se développer. Je pense, par exemple, à la question énergétique et aux technologies fondées sur l’énergie thermique des mers, l’ETM, qui permet d’utiliser la différence de température entre les eaux tièdes de surface et les eaux froides profondes pour produire de l’électricité. La présence d’une source abondante d’eau froide offre également la possibilité d’accroître les rendements de toutes les machineries thermiques traditionnelles de type machines frigorifiques. Lors des différentes auditions menées par la délégation à l’outre-mer sous la présidence de Serge Larcher, nous avons vu que la Martinique et La Réunion étaient à la pointe sur ce sujet. Il faut aider les RUP à développer ces innovations. Les institutions européennes ont l’obligation de prendre en compte les spécificités des RUP. L’Union européenne veut créer un partenariat clair avec ces régions, qui s’articulerait autour de cinq grands piliers : améliorer l’accessibilité, accroître la compétitivité, renforcer l’intégration régionale, soutenir la dimension sociale de développement et l’adaptation au changement climatique, qui impacte tout particulièrement ces territoires. Avec ces deux propositions de résolution européenne, le Sénat demande à la Commission européenne de démontrer par des actions concrètes qu’elle met en œuvre le discours qu’elle tient depuis 2004. Les politiques européennes, notamment la politique de cohésion, doivent non seulement prendre en compte les contraintes effectives et la diversité des régions, mais aussi assurer une meilleure cohérence de l’ensemble de leur mise en œuvre. La proposition de résolution européenne du Sénat du 3 mai 2011 sur l’agriculture des départements d’outre-mer et celle du 3 juillet 2012 sur les réalités de la pêche dans les RUP, que j’ai eu le plaisir de rapporter pour la commission des affaires européennes, ont déjà pointé l’incohérence de la politique commerciale. Sa mise en cohérence doit passer par l’évaluation systématique et préalable des effets des accords commerciaux conclus par l’Union européenne. Le positionnement du Sénat doit permettre au Gouvernement de défendre des problématiques françaises. Je pense notamment à Mayotte et à l’octroi de mer. La France a un devoir particulier vis-à-vis des RUP, car c’est elle qui en compte le plus, et c’est elle qui en a sans doute la meilleure expertise. La France se doit donc d’être attentive et exemplaire. Oui, la France devra être attentive, lorsque Mayotte, dont je salue ici le sénateur, deviendra elle-même une région ultrapériphérique. Département à part entière depuis le 31 mars 2011, Mayotte a souhaité devenir une RUP à compter du 1er janvier 2014. Le gouvernement français doit être attentif à ce que ce département soit bien pris en compte par les institutions européennes. De plus, il doit veiller à ce que les aides qui lui seront accordées ne viennent pas en déduction du budget déjà consacré aux cinq autres RUP françaises. L’effet serait alors vraiment négatif pour chacune et chacun. Mais la France doit également être exemplaire. Il s’agit là d’une des dernières recommandations de Georges Patient concernant l’octroi de mer. Avant le 1er juillet 2014, la France doit proposer à la Commission européenne un régime fiscal dérogatoire pour les départements d’outre-mer concernés. Nous sommes dans une période de transition depuis 2004. Je soutiens les propos tenus il y a un instant par le président de la commission des affaires européennes, Simon Sutour : nous devons mener des réflexions claires sur l’avenir de l’octroi de mer. Le Sénat, par ces propositions de résolution européenne, demande au Gouvernement de dialoguer sans délai avec la Commission européenne. Je pense que ce dialogue doit aussi se faire avec les élus locaux des départements concernés, ainsi qu’avec les parlementaires engagés sur ce sujet, notamment ceux de notre délégation à l’outre-mer présidée par notre collègue Serge Larcher, qui fait un travail remarquable. Les débats qui nous animent sont passionnants. J’espère que nous serons entendus jusqu’à Bruxelles. Pour toutes les raisons que je viens de développer, et pour son attachement profond aux régions ultrapériphériques, le groupe UDI-UC votera en faveur de ces propositions de résolution européenne. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, de l’UMP, du RDSE et du groupe socialiste.)