Les interventions en séance

Education et enseignement supérieur
Gérard Roche 19/06/2013

«Projet de loi relatif à l՚enseignement supérieur»

M. Gérard Roche

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur les dispositions de l’article 22 de ce projet de loi, plus précisément sur l’expérimentation qu’il vise à mettre en place, consistant à élargir les passerelles pour l’entrée dans le cursus médical d’étudiants provenant d’autres cursus. Il faut naturellement veiller à ce que cet élargissement ne crée pas une injustice entre les étudiants qui en bénéficieront et ceux qui sont entrés dans le cursus médical dès la première année. Comme chacun sait, la première année des études de médecine est extrêmement exigeante et concurrentielle. On ne peut souvent pas la réussir sans recourir à une préparation privée d’au moins un an. Dans ces conditions, il serait inéquitable que la voie d’admission parallèle dont la mise en œuvre sera expérimentée n’offre pas toutes les garanties requises quant au niveau de ses bénéficiaires. Autrement dit, il est indispensable de garantir que le concours d’entrée en deuxième ou en troisième année de médecine qu’auront à passer les candidats provenant d’autres cursus sera aussi exigeant que le concours de fin de première année. À cette condition près, la mesure va dans le bon sens, car elle introduit plus d’équité dans le système et constitue un assouplissement du numerus clausus. Elle renforcera l’équité, parce que le recours à une préparation privée, souvent nécessaire pour réussir la première année, que j’évoquais à l’instant instaure en pratique une sélection par l’argent. En effet, ces préparations privées sont chères et ceux qui ne peuvent se les payer ont évidemment beaucoup moins de chances de réussir que les autres. L’élargissement des passerelles permettra donc à des étudiants moins aisés provenant d’autres cursus d’accéder aux études de médecine, ce qui permettra de démocratiser davantage celles-ci. En outre, il est important que des voies de rattrapage existent en cas d’« erreur d’aiguillage ». Aujourd’hui, lorsque l’on rate sa première année, on peut se réorienter vers d’autres cursus, mais la réciproque n’est pas vraie, ce qui n’est pas normal : la perméabilité doit être symétrique. Par ailleurs, cette mesure pose le vrai problème des études de médecine, à savoir celui du numerus clausus, un numerus clausus délétère et dont on paye tous les jours les conséquences. Nous manquons de médecins. La désertification médicale est à la fois géographique et matérielle : géographique, parce que les zones rurales et les zones urbaines sensibles sont de moins en moins médicalisées ; matérielle, parce que certaines spécialités, celles qui sont à hauts risques, telles la psychiatrie, l’anesthésie, la chirurgie, la pédiatrie, la réanimation, sont désertées. Notre groupe, sur l’initiative de mes collègues Hervé Maurey et Henri Tandonnet, présentera quatre amendements tendant à donner une traduction concrète à mes propos. Au-delà donc de cette expérimentation, il faut avoir le courage de réformer le numerus clausus. Pour ce faire, il ne faut plus raisonner en termes de nombre de médecins rapporté à la population, parce que cela ne veut plus rien dire : les médecins ne consacrent aux soins que 62 % de leur temps, nombre d’entre eux n’exerçant tout simplement pas et la plupart se concentrant dans les mêmes zones géographiques. Il faut désormais penser en termes de temps médical et – sujet tabou – s’interroger sur le caractère libéral d’une profession assise sur la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi qu’au banc des commissions.)