Les interventions en séance

Collectivités territoriales
Jacqueline Gourault 19/01/2011

«Projet de loi de réforme des collectivités territoriales»

Mme Jacqueline Gourault

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début de l’après-midi, nous entendons dire que nous entamons l’examen de la réforme des collectivités territoriales. J’avoue que, pour ma part, je n’ai nullement l’impression de commencer le débat !
En effet, nous planchons sur ce sujet depuis des mois maintenant !
J’ai apprécié, à cette occasion, d’avoir pu travailler dans le groupe présidé par M. Belot, que nous sommes tous très heureux de retrouver.
Beaucoup a également été fait au sein des associations d’élus, des groupes parlementaires, de nos formations politiques respectives. Nous avons, chacune et chacun, fourni un très gros travail.
Je ne veux pas non plus passer sous silence toutes les discussions qui ont eu lieu au plus haut niveau, c’est-à-dire avec le Premier ministre et même avec le Président de la République, puisque ce dernier a souhaité rencontrer, voilà quelques mois, les principaux responsables politiques pour leur parler de la réforme.
Dès cette époque, un certain nombre de responsables politiques ont, sinon posé des conditions, car ce n’est pas ainsi que l’on en use avec le Président de la République, du moins exprimé leurs préoccupations quant à la réforme et au projet de loi.
Tout cela pour rappeler que la discussion de ce texte est inscrite dans la durée et que nous ne découvrons pas aujourd’hui le projet de loi que nous nous apprêtons aujourd’hui à examiner.
En fait, la réforme territoriale a débuté dès le vote de la suppression de la taxe professionnelle, car que sont les collectivités territoriales sans le nerf de la guerre ? La création de la contribution économique territoriale ainsi que la nouvelle répartition des différents impôts entre collectivités auront naturellement des conséquences sur nos collectivités.
Je suis d’ailleurs assez d’accord avec notre collègue Hervé Maurey : on entend dire un peu n’importe quoi sur le terrain ! Certains élus de l’opposition crient en effet à la disparition des communes, mais c’est à tort, car elle ne figure pas dans le projet de loi. Pour ma part, je désapprouve également ceux des élus de la majorité qui prétendent que les collectivités territoriales auront plus d’argent à la suite de la suppression de la taxe professionnelle. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
Chacun doit, sur le terrain, être raisonnable et mesurer ses propos. Le nouvel impôt économique est différent ; il ne pourra apporter aux collectivités locales la dynamique que permettait la taxe professionnelle. Peut-être une telle évolution était-elle nécessaire pour l’économie française, mais, quoi qu’il en soit, il faut avoir le courage de le dire, celle-ci affecte les ressources des collectivités territoriales et constitue l’une des étapes de la réforme qui les concerne.
Je regrette, comme la plupart des élus, d’ailleurs, que la question de la clarification des compétences ait été renvoyée à plus tard. M. Gérard Longuet vient d’évoquer ce point à l’instant. Pour ma part, je souhaite que les compétences des collectivités territoriales soient précisées, ce qui ne nuit pas, bien entendu, à la « capacité d’initiative » que nous avons défendue dans le rapport Belot, inventant par là même l’expression !
Selon moi, la clause de compétence générale est un faux débat. Une fois les différentes compétences clarifiées et la capacité d’initiative établie, tout sera bien en place.
Comme Jean Arthuis, qui ne cesse de le répéter, j’estime que la raréfaction des finances publiques régulera d’office les compétences des collectivités territoriales. Mon collègue pense donc certainement la même chose que moi de la suppression de la taxe professionnelle et du nouvel impôt !
J’évoquerai également ce qu’il est convenu d’appeler le « saucissonnage » de la réforme territoriale, lequel, je le dis depuis le début, me semble particulièrement gênant.
Je prendrai l’exemple du conseiller territorial, puisque j’appartiens à une famille politique – cela a été rappelé – qui avait proposé le rapprochement du département et de la région. Le fait de devoir voter séparément la loi électorale relative aux conseillers territoriaux, qui ne me satisfait d’ailleurs pas du tout, me gêne vraiment. Il est en effet particulièrement ennuyeux de devoir en quelque sorte signer un chèque en blanc
D’autant plus que, si la discussion de la réforme territoriale prise dans son ensemble commence avant les élections régionales, elle s’achèvera après.
Certes, mais, cher Gérard Longuet, permettez-moi de rappeler ce qui s’est passé, en 2004 – vous siégiez ici, moi aussi – lors du vote sur la compétence économique : à l’époque, seul de votre groupe, vous aviez été fidèle à vos convictions après les élections.
Je vous sais homme de convictions, et vous serez donc fidèle, après les prochaines élections régionales, à votre opposition au scrutin proportionnel. En ce qui me concerne, étant très attachée à l’introduction d’une part de proportionnelle, je m’inquiète de devoir voter d’abord le principe de la création du conseiller territorial et ensuite seulement une loi électorale qui ne correspondra peut-être pas à ce que j’attends.
Le « saucissonnage » pose donc un vrai problème.
Partageant les positions qui ont été défendues sur l’intercommunalité, je n’y reviens donc pas. Je souligne toutefois que la situation, là aussi, est un peu compliquée, puisque le tableau du nombre de délégués communautaires au sein des intercommunalités figure dans la loi que nous commençons d’examiner aujourd’hui, alors que leur mode d’élection sera précisé ultérieurement !
Il faut l’avouer, ce double saucissonnage est doublement gênant !
Concernant les métropoles, j’ai entendu Charles Guené, Gérard Longuet et Jean-Pierre Sueur regretter, chacun à leur manière, la décision de la commission des lois de modifier ce qui avait été initialement prévu par le Gouvernement.
À cet égard, je souhaite simplement rappeler que l’on a multiplié le nombre de métropoles. Quand leur seuil démographique était le million d’habitants, on pouvait imaginer de nouvelles collectivités territoriales, très intégrées, dont les représentants auraient été élus au suffrage universel direct, comme vient de le proposer Jean-Pierre Sueur.
Le problème vient de ce que l’on a ensuite abaissé ce seuil, multipliant ainsi le nombre de métropoles, qui n’en sont plus vraiment à mes yeux. C’est pour cette raison que la commission s’est tournée vers la solution qu’elle propose aujourd’hui, dont la logique, tout à fait évidente, tient à la multiplication du nombre de ces métropoles.
L’un de mes collègues a même déposé un amendement visant à relever le seuil démographique. Pour ma part, j’ai déjà essayé : cher collègue, vous pouvez vous attendre à recevoir de multiples appels téléphoniques des villes concernées !
Pour conclure, si je regrette l’absence de vision globale, je veillerai toutefois à défendre un certain nombre de principes : les libertés locales, le pluralisme politique, la parité, ainsi que l’équilibre territorial entre les parties les plus peuplées de notre territoire et les zones rurales, ce qui est très important.
Je m’adresserai enfin au président du groupe UMP. Cher Gérard Longuet, je suis incapable, au début d’une discussion générale, de dire dans quel sens je voterai sur l’ensemble. Vous l’avez vous-même magnifiquement dit, prenons le temps de la discussion, car nous ne sommes pas tous d’accord, et n’oublions pas la navette parlementaire.
Je voterai donc selon que le texte issu de nos travaux respectera, ou non, ce à quoi je suis attachée. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et sur certaines travées du RDSE et de l’UMP.)