Les interventions en séance

Budget
18/12/2012

«Projet de loi de finances pour 2013»

M. Aymeri de Montesquiou

Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, l’accouplement de l’idéologie socialiste et des certitudes françaises (Mme Michèle André s’exclame.) engendre toujours des produits qui surprennent nos partenaires, en particulier européens. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
En 1981, des décisions catastrophiques ouvrent en grand les vannes des dépenses et entraînent trois dévaluations en deux ans ! En 1998, la loi désastreuse sur les 35 heures ébaubit le monde entier et, surtout, l’Union européenne.
En 2012, le projet de loi de finances se caractérise par un matraquage fiscal sans précédent et meurtrier, auquel n’échappent ni les entreprises ni aucun ménage. À une époque où le terme benchmarking n’est plus une exclusivité à l’usage d’initiés, nous ignorons le monde et les politiques fiscales et financières des autres pays. Nous faisons exactement le contraire de ceux qui se trouvaient dans une situation comparable à la nôtre. La Suède, la Belgique, le Canada, la Nouvelle-Zélande – entre autres pays – ont tous baissé les impôts et fortement diminué les dépenses. Certes, comparaison n’est pas raison et chaque cas est différent. De là à faire exactement le contraire de ce que le bon sens recommande…Vous vous trompez gravement, tant dans l’analyse que dans les mesures prises, lesquelles ne peuvent nous conduire qu’à la catastrophe. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Alors que la crise devrait nous amener à entreprendre des réformes structurelles en coupant dans les dépenses de l’État, le Gouvernement, au contraire, fait peser l’essentiel de l’effort budgétaire sur les ménages et les entreprises, en augmentant les impôts aux confins du soutenable…Il ne s’attaque en rien à la cause réelle du déficit, les dépenses publiques qui dépassent considérablement les ressources du pays.
Au sein de l’Union européenne, des conditions sociales proches, sinon identiques, mettent en évidence que l’État gère de façon désastreuse nos finances publiques… Nous comptons quatre-vingt-dix fonctionnaires pour mille habitants, contre cinquante fonctionnaires pour mille habitants en Allemagne. Même en pondérant les chiffres pour tenir compte de la différence des systèmes administratifs, on réalise que le poids de la fonction publique en France est anormal. C’est pourquoi la diminution du nombre de fonctionnaires est un impératif, le redressement de nos finances étant à ce prix.
La révision générale des politiques publiques, la RGPP, avait certes un caractère systématique et sans nuance par la suppression uniforme du nombre de fonctionnaires que justifiait son objectif simplificateur, concourant à l’efficacité par la simplicité. De plus, habileté politique ou équité, les fonctionnaires devant travailler plus bénéficiaient de 50 % de l’économie réalisée.
Pour vous démarquer de vos prédécesseurs, vous appelez ce processus « modernisation de l’action publique », ou MAP. Lancé ce matin, le séminaire du Gouvernement ouvre une réflexion sur les pistes à suivre. Il est un peu dérisoire de faire appel à la sémantique, car la solution que vous proposerez sera proche de la précédente. À question précise, réponse précise : quels sont les ministères où vous pourrez récupérer 10 milliards d’euros ? Inspirez-vous de votre coreligionnaire Paul Quilès qui, paraphrasant Robespierre, voulait que soient désignées les têtes à couper : que le Premier ministre décide quelles sont les dépenses à trancher ! (Mme Michèle André s’exclame.) Madame le ministre, vous le savez, tout converge pour nous inciter à réduire drastiquement, dans l’urgence, les dépenses publiques : le bon sens, les recommandations de la Cour des comptes et de la Commission européenne, les politiques menées par nos partenaires européens, les préconisations du FMI. Encore une fois, vous ne tenez pas compte de cette unanimité qui devrait ébranler vos certitudes, celles-ci ne reposant que sur l’idéologie et le refus du bon sens. En corollaire à la baisse de la dépense publique, la fiscalité des ménages et des entreprises ne peut devenir insupportable dans les proportions prévues par ce projet de loi, au risque d’assécher notre économie. Les mesures confiscatoires contenues dans ce texte provoquent un exil fiscal, dont la partie visible est le départ de quelques personnalités médiatiques au patrimoine important, mais dont le mouvement est beaucoup plus profond et terriblement inquiétant.
Votre projet de loi de finances n’est pas incitatif, il n’encourage pas le désir d’entreprendre. Il ne donne pas envie aux jeunes diplômés de risquer le pari de créer une entreprise en France et ceux-ci partiront chercher le succès à l’étranger. Il ne donne pas non plus envie aux entreprises de prospérer en France, puisque la fiscalité devient confiscatoire et toute prospérité sanctionnée. Il fait fuir, hélas ! beaucoup d’entreprises et ceux qui pourraient avoir un avenir de chef d’entreprise dans notre pays… (M. Jean-Yves Leconte s’exclame.) Il hypothèque gravement notre avenir économique en compromettant la compétitivité et l’investissement.
La « TVA compétitivité », ou « TVA sociale », que vous aviez supprimée, vous la rétablissez dans une version édulcorée, dont le seul avantage réside dans des taux sans décimales, mais la faiblesse de ces taux manque l’objectif recherché par la baisse des charges salariales et patronales, à savoir augmenter la compétitivité et renchérir les importations. Vous serez, dans un avenir très proche, confrontés au problème des retraites (M. François Rebsamen s’exclame.) avec un déficit de près de 20 milliards d’euros qui se profile à l’horizon des années 2020. Vous ne pourrez pas vous en tirer par une feinte de passe médiatique (M. François Rebsamen marque son impatience et pointe du doigt un afficheur de chronomètre.) et serez amenés à ne choisir ni la baisse des pensions ni la hausse des cotisations, vous serez donc conduits au même choix que la majorité précédente, à savoir repousser l’âge de la retraite, réforme que vous avez tant conspuée. Le projet de loi de finances rectificative pour 2012 rend la situation encore plus confuse. Le crédit d’impôt pour les entreprises, qui aurait pu être incitatif, manque totalement d’efficacité et apparaît comme une sorte de jeu de bonneteau où, en définitive, les banques financent les engagements de l’État. Sa complexité renouvelle l’étonnement des observateurs pour qui les finances françaises sont une synthèse d’idéologie, d’absence d’incitation et d’une bonne dose de méthode Coué. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
La loi de finances est la loi mère qui détermine les priorités d’action et la mise en œuvre d’une politique, qui plus est de la politique d’un nouveau quinquennat. Elle doit être porteuse de justice, d’encouragements et d’espoirs… Ces qualités sont absentes de votre texte, c’est pourquoi le groupe UDI-UC ne votera pas en faveur de votre budget. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)