Les interventions en séance

Droit et réglementations
Michel Mercier 18/07/2013

«Projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière -Article 15–Amendement n° 94 rectifié bis-Explication de vote»

M. Michel Mercier

Je souhaite apporter mon écot et contribuer également à faciliter l’emploi du temps de Mme la garde des sceaux. (Sourires.) Aussi, je ne prendrai la parole qu’une seule fois et cette intervention vaudra pour les autres amendements. Je partage très largement les propos de Jean-Pierre Michel, Alain Richard et Jean-Jacques Hyest. Créer le procureur financier de la République, c’est peut-être un bel affichage, mais c’est surtout une fausse bonne idée ! Examinons les faits concrètement. Premièrement, le procureur financier de la République n’est pas rattaché à une juridiction, ce qui est inédit en France. Après les procureurs près un tribunal, près une cour, près la Cour de cassation, voilà le procureur hors sol ! Deuxièmement, tous nos tribunaux sont organisés selon le principe de la dyarchie : le président et le procureur de la République font, ensemble, fonctionner le tribunal, ce qui est assez compliqué. Avec ce texte, on va créer une sorte de triarchie facultative. Le fait que le procureur financier de la République puisse intervenir dans les affaires de tous les tribunaux posera des problèmes d’organisation judiciaire. Toutefois, ce n’est pas le plus grave… Troisièmement, Jean-Jacques Hyest l’a très bien expliqué, la création du procureur financier de la République posera un certain nombre de problèmes qui tiennent à sa compétence. Comment sera-t-il déclaré compétent ? Comment aura-t-il connaissance des affaires ? Après le vote du Sénat hier soir, nous savons que, en matière de fraude fiscale, sa compétence ne sera ouverte que si le ministère chargé du budget décide de la lui accorder en le saisissant. Pour les autres infractions économiques, qui sont soumises aux divers tribunaux et sont très souvent complexes et relèvent à la fois du fiscal, du commercial et du droit des affaires, entre autres, les procureurs sont normalement saisis ; ils accomplissent leur travail et rien ne peut les empêcher d’ouvrir une instruction. Avec ce texte, il faudra donc dessaisir le juge d’instruction localement saisi au profit de celui de Paris, ce qui posera un double problème. D’un côté, la compétence ne sera pas ouverte, parce que le ministère chargé du budget n’aura pas porté à la connaissance une infraction fiscale. De l’autre, surgiront des conflits de compétences extrêmement importants qu’il faudra trancher. En d’autres termes, il faudra remonter dans la hiérarchie. Or le procureur général de Paris, qui est chargé de coordonner, n’a aucun pouvoir sur les autres procureurs généraux de France : il occupe le même rang hiérarchique et, de ce fait, ne peut se prévaloir d’aucune prérogative spécifique. On appellera alors la Direction des affaires criminelles et des grâces, la DACG, et le ministère. La compétence du procureur financier de la République dépendra donc du ministre chargé du budget et du garde des sceaux. Ce ne sera donc pas le procureur le plus indépendant au monde, contrairement à ce que l’on nous a affirmé ! De grâce, essayons de faire simple et efficace. Les JIRS font bien leur travail : il faut les renforcer et les laisser faire leur travail. Si vous le souhaitez, madame la garde des sceaux, nous sommes tout à fait d’accord pour que, dans chaque JIRS, soit affecté un procureur adjoint chargé de toutes ces questions financières avec le pôle financier local et, bien sûr, le pôle financier de Paris, qui traite 80 % du contentieux national. Ce procureur financier sera nommé comme tous les autres procureurs. De ce point de vue, madame la garde des sceaux, nous n’avons pas la moindre critique à émettre sur votre action. Vous vous êtes toujours conformée à l’avis du CSM et vous continuerez à le faire, ce qui est très bien. Je ne doute pas d’ailleurs qu’un jour le Président de la République convoquera le Parlement en Congrès à Versailles pour mettre le droit en accord avec les faits et tiendra compte du vote du Sénat qui permet de le faire quand il le veut. Ce sera l’occasion de réaliser une bonne réforme, pratique pour notre justice. En résumé, non au procureur financier de la République, parce que c’est un objet juridique non identifié, et oui à des procureurs adjoints auprès de chaque JIRS qui pourraient être chargés plus spécialement de ce contentieux financier. Pour toutes ces raisons, cet amendement de suppression me paraît parfaitement justifié.