Les interventions en séance

Droit et réglementations
18/06/2014

«Proposition de loi relative à la procédure applicable devant le conseil de prud’hommes dans le cadre d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié»

Mme Muguette Dini

Mes chers collègues, chacun d’entre vous ayant évoqué les trois modes de rupture d’un contrat de travail prévus par le code du travail, je n’y reviendrai pas. S’y ajoute un mode de rupture alternatif, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, dont la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui cherche à améliorer la procédure – le texte ne vient en aucun cas ajouter une procédure supplémentaire à celles qui existent. Rappelons que la prise d’acte de rupture est une construction jurisprudentielle bien établie, qui vient répondre à une situation particulière lorsque la présence sur le lieu de travail devient, pour le salarié, véritablement insoutenable. En ce sens, la prise d’acte de rupture ne pourra en aucun cas être envisagée comme un autolicenciement. La Cour de cassation a ainsi caractérisé un certain nombre de situations, susceptibles de justifier des prises d’acte de rupture, telles que les faits de harcèlement, les mesures discriminatoires, l’atteinte à la dignité du salarié, le manquement de l’employeur à son obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, ainsi que le non-paiement des salaires. Le salarié devant réunir lui-même les preuves de l’existence de faits réels et suffisamment graves à l’encontre de son employeur, on peut imaginer qu’il ne s’engagera dans une telle procédure que lorsque aucune autre solution n’aura été trouvée. Il existera évidemment toujours des abus, comme dans tous les domaines. Ce texte ne me semble toutefois pas en comporter le risque, au vu des spécificités et de la rareté, malgré tout, de la procédure. Il me semble important, dans le cadre de ce texte, de ne diaboliser ni le salarié ni l’employeur. On nous fait remarquer que la modification de la procédure prud’homale ici prévue risque d’entraîner un allongement des délais pour les autres dossiers déposés devant les juridictions prud’homales et d’introduire ainsi une inégalité de traitement. Il me semble toutefois que cette proposition de loi vient répondre à une situation critique pour les salariés et se justifie par la situation précaire dans laquelle le salarié peut se trouver, sans salaire ni allocation chômage. Rappelons que cette situation est propre à ce mode de rupture du contrat de travail. Cette spécificité me semble justifier une procédure adaptée, afin de pallier la précarité actuellement induite par ce mode de rupture du contrat de travail. Il me semble également important de rappeler que, depuis l’introduction du mode de rupture conventionnelle, la prise d’acte de rupture n’intervient que dans des cas extrêmement limités et encadrés. Par conséquent, on peut estimer que le raccourcissement des délais dans le cadre de cette procédure ne modifierait que légèrement le paysage des procédures prud’homales. Le texte qui nous est présenté prévoit également la suppression de la phase de conciliation. Cette proposition se justifie à plusieurs égards. Tout d’abord, dans le cadre de la prise d’acte de rupture, seul le bureau de jugement prud’homal peut se prononcer sur l’imputabilité de la rupture. Quelle que soit l’issue de la conciliation, celle-ci ne saurait avoir pour effet que le salarié se rétracte, puisque cette possibilité n’est pas admise par la jurisprudence. Par conséquent, la phase de conciliation apparaît ici inutile. Ensuite, la suppression de la phase de conciliation viendra pallier l’engorgement du bureau des conciliations, en ôtant à ce dernier une partie des affaires qu’il est aujourd’hui dans l’obligation de traiter. Enfin, je souhaite préciser que, à l’instar de mes collègues, j’estime qu’une réforme générale des tribunaux prud’homaux est nécessaire. Toutefois, ce constat ne saurait nous empêcher de proposer des améliorations ponctuelles. En effet, j’ai pu constater, au cours de mon mandat, qu’il valait mieux parfois avancer par petites touches efficaces plutôt que de rester dans l’inaction, dans l’attente d’une réforme générale, dont on ne sait pas si et quand elle aboutira. Je conclurai mon intervention en remerciant notre rapporteur pour l’excellence de son travail et en l’assurant du soutien du groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)