Les propositions de loi

Economie et finances
Jean-Léonce Dupont 18/06/2014

«Proposition de loi permettant la création de sociétés d’économie mixte à opération unique »

M. Jean-Léonce Dupont

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’automne 2013, plus d’une centaine de députés et de sénateurs, issus de la plupart des groupes politiques, prenaient l’initiative de déposer simultanément, en termes identiques, dans les deux chambres, six propositions de loi permettant de créer des SEM-contrat. Sur l’initiative fort opportune de notre rapporteur, Jacques Mézard, l’intitulé « SEM à opération unique » a été substitué à celui de « SEM-contrat ». Je constate d’ailleurs que l’acronyme SEMOP fait rapidement son chemin ; ainsi, nombre d’entre nous, dans cet hémicycle, se le sont déjà approprié. Le nom a certes changé ; pour autant, à l’issue de l’adoption à l’unanimité de cette proposition de loi par le Sénat, le 11 décembre, puis par l’Assemblée nationale, le 7 mai, le texte que nous examinons ce soir comprend toujours les huit grands principes arrêtés par les 106 parlementaires à l’origine de cette initiative législative et rappelés tout à l’heure par M. le secrétaire d’État. Ces huit principes sont les suivants. Le premier est que la SEMOP comporte bien dans son nom l’expression SEM, pour affirmer son appartenance à la famille des entreprises publiques locales, dont elle partage les valeurs d’intérêt général, d’enracinement territorial, de maîtrise politique et de management d’entreprise. Le deuxième est que la SEMOP repose sur une mise en concurrence unique lancée par la collectivité en amont de la constitution de la SEM pour désigner l’actionnaire ou le groupement d’actionnaires qui s’associera avec elle. Le choix de l’actionnaire opérateur s’effectue donc en fonction de la procédure correspondant au type de contrat retenu. Le troisième est que le principe de l’attribution de la mission à la SEMOP soit entériné dans le cahier des charges, en amont de l’appel d’offres. Le quatrième est que l’essentiel du droit applicable aux SEMOP soit celui des SEM, et donc des sociétés anonymes. Le texte renvoie donc largement aux dispositions du code général des collectivités territoriales relatives aux SEM, en particulier pour ce qui concerne les règles de protection des élus mandataires de la collectivité. Les règles traditionnelles de reprise des personnels s’appliquent également, en cas de transfert, d’arrêt ou de reprise d’activité. Le cinquième principe est que la SEMOP soit mono-contrat, avec une durée de vie limitée à la durée et à l’exécution exclusive du contrat unique qui constitue son objet social. Le sixième est que le nombre d’actionnaires puisse descendre à un minimum de deux, et que l’un d’entre eux puisse être une structure regroupant plusieurs partenaires. Le septième est que la part du capital public ne puisse pas descendre en dessous de la minorité de blocage de 34 %, ni dépasser 85 %. Le huitième principe, enfin, est que la maîtrise politique soit garantie par l’attribution de droit de la présidence à un élu, quel que soit le niveau de détention du capital par la personne publique, et par des statuts ou un pacte d’actionnaires précisant la gouvernance, les décisions relevant de l’unanimité ou d’une majorité qualifiée, la composition et l’évolution du capital, etc. Sous l’impulsion des éminents rapporteurs qu’ont été à tour de rôle Jacques Mézard et Erwann Binet, avec le soutien du Gouvernement, en la personne d’Anne-Marie Escoffier, que je tiens à remercier vivement, puis d’André Vallini, le Sénat puis l’Assemblée nationale n’en ont pas moins apporté au texte initial des améliorations significatives, toutes destinées à optimiser l’appropriation de ce nouveau type d’entreprise publique locale par l’ensemble des parties prenantes. Je citerai les principales d’entre elles. Tout d’abord, le Sénat comme l’Assemblée nationale ont simplifié le texte. Ils ont ainsi opportunément renforcé l’affirmation du caractère unique de la procédure. Ils ont également consolidé l’alignement clair et sans ambiguïté de cette mise en concurrence sur les procédures déjà existantes de commande publique, en fonction de la nature du contrat considéré : délégation de service public, marchés publics, concession d’aménagement, etc. Autre évolution importante, le Sénat a ajouté l’obligation, pour la collectivité ou le groupement, de préciser dans l’appel d’offres initial la part de capital qu’il souhaite détenir. L’Assemblée nationale et le Sénat ont également renforcé l’alignement de l’ensemble du dispositif sur le droit commun afin de dissiper toute ambiguïté quant à la mise en place d’une procédure sui generis. C’est ce qui a conduit le Parlement à sensiblement modifier la forme de cette proposition de loi, qui s’articule désormais autour d’un article principal, les suivants n’intégrant que des modifications nécessaires dans le code de justice administrative ou le code général des collectivités territoriales. Soyons clairs, la SEMOP est une entreprise à part entière, qui relève du droit idoine, et non un nouveau type de contrat qui viendrait concurrencer ou au contraire conforter telle ou telle procédure de commande publique déjà existante. L’Assemblée nationale a ajouté le bail emphytéotique administratif comme type de contrat pouvant être attribué à une SEMOP, ce qui renforce le positionnement de la SEMOP comme entreprise publique locale pouvant exercer tout type de contrat pour sa collectivité. L’Assemblée nationale a souhaité substituer la notion d’opérateur économique à celle de personne privée pour désigner l’actionnaire opérateur. Cette terminologie permet de ne pas préjuger de la forme juridique du co-contractant. Elle présente donc l’avantage de ne pas exclure certaines personnes publiques, comme les EPIC, les établissements publics à caractère industriel et commercial, de la possibilité d’être actionnaires opérateurs. Pour affirmer la maîtrise du politique sur la SEMOP dès sa genèse, l’Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement, a prévu enfin, comme c’est le cas pour les sociétés publiques locales, une délibération de la collectivité locale sur le principe du recours à la SEMOP. D’aucuns pensent que le texte que nous étudions ce soir reste à parfaire – notre collègue Antoine Lefèvre y faisait allusion tout à l’heure –, en particulier pour y apporter un certain nombre de précisions permettant de tout border, reborder, rereborder, et au final, peut-être, de déborder ! (Sourires.) Ne nous trompons pas de cible : l’objectif qui est le nôtre est de mettre à la disposition de l’action publique locale un nouveau type d’entreprise. À cet égard, le bon fonctionnement de chaque SEMOP, comme c’est le cas dans les pays d’Europe où cet outil existe déjà, reposera sur l’affectio societatis qui se mettra en place entre ses différents actionnaires au travers de statuts et de pactes d’actionnaires équilibrés. Ne cédons pas, chers collègues, à la tentation de tout verrouiller par un carcan législatif qui ne précisera jamais tout et s’avérera rapidement obsolète. Les exemples dans ce domaine ne manquent pas. Donnons toute sa place à la liberté d’entreprendre ! Faisons confiance tant aux élus locaux qu’aux dirigeants d’entreprises qui s’associeront à eux ! Comme cela a déjà été souligné à plusieurs reprises, nos territoires ont besoin, maintenant, des SEM à opération unique. Ces structures ont déjà fait leurs preuves dans de nombreux autres pays d’Europe et leur corpus juridique est validé, M. le secrétaire d’État l’a rappelé, par le droit communautaire. Elles sont attendues par les élus comme par les actionnaires opérateurs potentiels, dans un contexte marqué à la fois par la raréfaction de la ressource publique et par l’aspiration des élus à jouer un rôle plus important dans la gouvernance de leurs services publics, sans pour autant totalement les réinternaliser. La prise de position unanime des associations d’élus en faveur de la création des SEMOP est à cet égard extrêmement parlante. Depuis plusieurs mois, le Sénat puis l’Assemblée nationale ont œuvré à bâtir un texte clair, court, simple et sécurisé juridiquement. Tout cela doit contribuer à optimiser l’appropriation de la SEMOP par l’ensemble des parties prenantes, qui trouveront toute leur place dans ce nouveau type d’entreprise publique locale : les collectivités locales, les actionnaires opérateurs, les tiers actionnaires et les sous-traitants, qu’il s’agisse de grands groupes ou de PME. Je suis convaincu que la SEMOP saura rapidement trouver sa place au sein de la gamme des entreprises publiques locales, aux côtés de la SEM classique et de la SPL, portée sur les fonts baptismaux par la loi Raoul du 28 mai 2010. Il n’est donc que temps de mettre la SEMOP à la disposition de nos territoires ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, de l’UMP, du RDSE et du groupe socialiste.)