Les interventions en séance

Agriculture et pêche
18/05/2010

«Projet de Loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche»

M. Jean-Claude Merceron

Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les problématiques de compétitivité et de revenu, voire de survie, réunissent aujourd’hui l’agriculture et la pêche françaises.
Au cours de leurs interventions respectives, mes collègues Daniel Soulage et Daniel Dubois viennent de fixer le cap et de présenter les mesures concrètes et cohérentes qu’il est impératif de prendre si nous voulons, ensemble, que le présent projet de loi permette aux agriculteurs d’exister encore demain grâce aux revenus de leurs productions, tout en assumant leur mission alimentaire et en poursuivant l’aménagement de notre territoire, dans une démarche de développement durable.
Pour ma part, je soulignerai les questions propres au secteur de la pêche, auquel le projet de loi réserve cinq articles, axés sur la modernisation de sa gouvernance.
La pêche connaît, elle aussi, des temps très difficiles, non seulement parce que les quantités débarquées entre janvier 2009 et janvier 2010 ont diminué de 15 %, mais également parce que ce secteur connaît une balance commerciale fortement déficitaire, à hauteur de 2,5 milliards d’euros.
Les Français consomment bien entendu une partie importante des 730 000 tonnes de poissons pêchés par la France, mais, en réalité, 85 % des poissons sur nos étals sont importés, notamment le saumon et le cabillaud.
Certes, le projet de loi n’a pas vocation à changer les habitudes de consommation. Mais nous nous intéresserons aux quelques dispositions qu’il prévoit pour la pêche.
Le secteur halieutique compte quelque 16 000 marins embarqués et induit – je tiens à le rappeler – trois fois plus d’emplois à terre, que ce soit dans la construction navale, le ravitaillement ou la transformation des prises.
Un point positif concerne la mise en place d’un comité de liaison scientifique. En effet, il est indispensable – je porte ce message depuis longtemps – que le monde scientifique et les pêcheurs dialoguent. C’est une nécessité pour mieux appréhender et partager le diagnostic du niveau de la ressource halieutique et pour rendre plus acceptables les décisions de restriction de pêche, qui sont prises pour protéger cette ressource.
Par ailleurs, si le projet de loi modifie l’organisation de la filière, il est fondamental, et j’insiste sur ce terme, que, malgré la disparition des comités locaux, les réalités de terrain des professionnels et les enjeux locaux soient bien pris en compte au sein des comités départementaux et régionaux, comme au sein du comité national. Pour que cela soit possible, il est indispensable que les comités puissent au moins avoir la possibilité de mettre en place des antennes locales. J’ai déposé un amendement en ce sens.
En revanche, si l’échelon local doit être préservé d’une manière ou d’une autre, on ne peut que s’interroger sur la création de comités interdépartementaux destinés à concurrencer directement des comités régionaux. Ce dispositif ne me semble pas favoriser une bonne lisibilité de l’organisation de l’interprofession. De surcroît, il est de nature à occasionner des frais de structure inutiles, que, à mon avis, les professionnels n’accepteront pas de financer.
En outre, pour assurer une organisation efficace de l’interprofession, il conviendrait que les statuts des organes de représentation soient harmonisés et précisés par décret. Sont notamment concernées les indemnités et la couverture sociale. Les dispositions en ce sens que je proposerai d’intégrer dans le projet de loi contribueront à compléter le fonctionnement interprofessionnel du secteur de la pêche. Ce dernier a besoin d’une organisation plus forte, en matière d’écoute comme de prise de décision, pour enrayer l’atonie de son développement économique.
Par ailleurs, je me félicite de voir émerger l’association France Filière Pêche, dont tous les acteurs de la filière économique, de la pêche jusqu’à la distribution, viennent de signer les statuts. J’espère qu’elle saura être force de propositions pour développer et promouvoir la filière française, dans le cadre de la réforme de l’organisation commune des marchés de la filière.
Enfin, je veux souligner les efforts qui pourraient être réalisés au sein de la filière s’agissant des flottes de pêche. La pêche veut sortir des années noires de réduction de sa flotte, qui a été diminuée de moitié en vingt ans, afin de s’adapter à la politique des quotas. Ainsi, dans le port de pêche à l’anchois de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, il ne reste plus que quatre bateaux sur les vingt-quatre qui étaient en activité voilà quatre ans.
À une telle chute s’ajoute le besoin de renouveler la flotte pour des raisons de sécurité, de réduction de la dépendance au gazole et d’expérimentation de nouvelles méthodes de pêche. Heureusement, la flotte représente encore plus de 5 000 bateaux, ce qui implique des investissements colossaux.
Aussi, sur le plan fiscal, nous disposons d’un outil qu’il convient de soutenir. Il s’agit de la réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, en faveur de l’investissement dans les PME. Dans les faits, la limitation, qui est contraire, semble-t-il, au dispositif législatif, à une holding par secteur d’activité et par an, pénalise la collecte de fonds propres à hauteur de 250 000 euros, soit 50 investisseurs à 5 000 euros, en moyenne.
Quand on sait que, aux Sables d’Olonne, il faudrait construire un navire tous les deux ans et que, pour un navire de vingt-deux mètres, l’investissement dépasse 2 millions d’euros, il devient évident que les holdings ISF dédiés au financement des PME constituent un outil de développement par excellence. Encore est-il indispensable que plusieurs holdings puissent souscrire au capital d’une même PME. Ce serait un signal fort en direction des jeunes, pour des investissements au service d’une pêche durable.
Il existe dans le secteur de la pêche un réel dynamisme, une véritable volonté d’initiative, pour réenclencher une logique de développement. Le Gouvernement se doit de soutenir ces efforts, afin que notre économie de la pêche et de l’aquaculture exprime tout son potentiel, bien supérieur à la santé actuelle de la filière. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)