Les interventions en séance

Economie et finances
Daniel Dubois 17/12/2012

«Projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social »

M. Daniel Dubois

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme tout le monde l’a rappelé avant moi, nous voici arrivés non pas, malheureusement, à la deuxième lecture, mais au deuxième passage de ce projet de loi. Madame la ministre, il est vrai qu’à l’automne vous étiez très pressée d’en finir avec ce texte….
Nos institutions sont ainsi faites : quand le Gouvernement ne respecte pas le Parlement, il est rappelé à l’ordre.
Madame la ministre, vous passez en quelque sorte, aujourd’hui, l’examen de rattrapage ! Je vais commencer en regrettant le recours à une procédure de passage en force. Cela fait deux fois que vous nous présentez sensiblement le même texte, pour autant d’utilisations de la procédure accélérée. Je ne reviendrai pas sur la première lecture totalement rocambolesque du mois de septembre, intervenue moins d’une semaine après l’adoption du texte en Conseil des ministres. Cette brutalité était due à de mauvais sondages sur l’inaction du Gouvernement. Remarquez, cela ne s’améliore pas ! Le Premier ministre vous avait donc demandé d’agir toutes affaires cessantes, quel qu’en soit le prix à payer auprès des parlementaires. Bien mal vous en a pris, puisque, le 24 octobre dernier, le Conseil constitutionnel, saisi par les sénateurs UDI-UC et UMP, censurait l’intégralité de la loi pour non-respect de la procédure parlementaire. Il fallait donc tout recommencer, et au final, il vous aura fallu près de quatre mois pour faire adopter ce texte. J’espère vraiment que vous aurez compris : deux bonnes lectures, des échanges constructifs et une écoute du Parlement constituent un gain de temps pour faire avancer les réformes. Je constate que vous avez déjà annoncé que le prochain projet de loi ne serait pas présenté en procédure accélérée. Ce texte étant, je crois, très important et modifiant beaucoup de dispositions, je ne peux que m’en féliciter.
Ces sujets sont fondamentaux, et il ne faut pas les bâcler.
Avant de passer au fond du projet de loi, j’aimerais ajouter que j’ai assez peu goûté les remarques de M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, qui, après la décision du Conseil constitutionnel, a cherché à mettre sur le dos du Sénat la responsabilité de cette censure. Il s’agissait d’une manifestation de mépris supplémentaire ! Le seul responsable, c’est le Gouvernement, et j’aimerais vous l’entendre dire, car les mauvaises accusations laissent des traces inutiles entre les pouvoirs législatif et exécutif. J’en viens désormais au contenu du texte. Nous partageons les constats que vous faites, mais nous doutons de l’efficacité des solutions que vous proposez. Comme cela a déjà été dit tout à l’heure, je voudrais préciser que, cette année, il va se construire 100 000 logements de moins que l’année dernière en France. Sachant que, grosso modo, un logement construit, ce sont deux salariés occupés pendant un an, 200 000 emplois vont donc être concernés très directement par cette baisse. Pourtant, vous avez pris un certain nombre de décisions, madame la ministre, depuis six mois, dont vous pensiez certainement qu’elles auraient un effet positif et qu’elles feraient réagir le secteur. Nous vous avions prévenu que ce ne serait pas le cas, car elles n’étaient pas adaptées au contexte.
Nous regrettons ce qui se passe aujourd’hui. Nous pensons que la situation du logement social n’est pas satisfaisante. Il est vrai que notre pays souffre d’un déficit structurel de logements.
Je le répète, nous partageons avec vous l’objectif de 500 000 logements par an, dont 150 000 en locatif. Le groupe UDI-UC, comme vous l’avez souligné lors du travail en commission, est l’héritier de Laurent Bonnevay, sénateur centriste du Rhône, à l’origine de la première loi sur le logement social en 1912, dont nous fêterons d’ailleurs le centenaire dans quelques jours, le 23 décembre. Nous souhaitons, dans cet esprit, être constructifs sur votre texte, encore faut-il être entendu. Même si, comme le relève M. le rapporteur, le rythme de financement des logements sociaux s’est accéléré au cours des dix dernières années, passant de 50 000 logements financés en 2002 à 130 000 en 2010, leur nombre est encore insuffisant. L’objectif de construire 2,5 millions de logements intermédiaires sociaux et étudiants durant le quinquennat est, certes, louable, mais il est peu réaliste à nos yeux, d’autant que les mesures que vous avez prises sont contre-productives. Les collectivités locales participent de plus en plus au financement de la construction de logements sociaux, avec des subventions souvent supérieures à celles de l’État. Or le texte que vous nous présentez est très contraignant et peu incitatif pour elles. Comme je l’avais déjà dit lors de la première lecture, vous maniez très bien le bâton pour les collectivités, mais très mal la carotte. Pour un PLUS, l’État contribue en moyenne à hauteur de 600 euros. Quant aux collectivités locales, elles fournissent un apport compris entre 10 000 et 30 000 euros pour réaliser un logement locatif sur leur territoire, sans compter tout ce que leur coûtera, en termes de dépenses publiques, les écoles et autres services publics attenants.
La seule proposition que vous faites aux communes pour les inviter à construire plus, c’est la sanction. Ce texte modifie également l’affectation du prélèvement et de sa majoration, que vous renvoyez au niveau national, alors qu’il était initialement prévu que celui-ci reviendrait aux territoires.
Autrement dit, votre texte vise à organiser la récupération par l’État du prélèvement annuel. Madame la ministre, que l’État fixe des objectifs, c’est normal, il est dans son rôle. Mais quand il fait porter la charge sur les collectivités, il détourne les ressources de celles-ci et compromet leur santé financière. Or ce n’est pas vraiment le moment ! La loi Bonnevay que je citais précédemment avait pour objectif de créer des offices publics d’habitations à bon marché, les HBM, financés par les municipalités. Le Sénat avait compris, déjà à l’époque, l’importance des collectivités pour le logement. Nous vous demandons aujourd’hui de vous en souvenir. Ma collègue Valérie Létard a d’ailleurs déposé un certain nombre d’amendements allant dans ce sens et permettant d’évoluer vers une prise en compte du fait intercommunal dans la politique du logement. Pour finir sur l’aspect financement, je voudrais évoquer l’augmentation de la TVA dans le secteur du bâtiment. Elle risque d’être catastrophique pour la construction de nouveaux logements, et pas seulement dans le secteur social. En une année, la TVA dans le bâtiment a quasiment doublé. Certes, les deux majorités y ont participé, mais vous venez de passer la seconde couche, si je peux m’exprimer ainsi. Pour les professionnels du secteur, cette seule mesure remet en cause l’objectif de construction de 500 000 logements par an. Enfin, je regrette, par ailleurs, que vous ignoriez l’accession sociale à la propriété, car elle participe au parcours social. Pourtant, le professeur Mouillard, spécialiste de ces questions, a précisé dernièrement qu’il fallait construire annuellement au minimum 300 000 logements en accession à la propriété pour atteindre le fameux objectif de 500 000 logements. La crise du logement affecte aujourd’hui les classes moyennes, notamment dans les zones les plus tendues de l’Île-de-France et de la Côte d’Azur. Coincée entre l’incapacité d’accéder à la propriété et l’impossibilité d’intégrer le parc d’HLM, cette catégorie de la population souffre du faible nombre de logements intermédiaires disponibles.
En Île-de-France, seuls 28 % des besoins des 450 000 ménages locataires à revenus moyens seraient couverts. Il serait bon que le ministère se saisisse aussi de cette question, qui ne tardera pas à poser autant de difficultés que la gestion du logement social.
Pour toutes ces raisons, comme lors du premier passage, le groupe UDI-UC, dans sa très grande majorité, s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)