Les interventions en séance

Recherche, sciences et techniques
Nathalie Goulet 17/06/2014

«Proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques »

Mme Nathalie Goulet

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, Bruno Retailleau ayant déjà évoqué de nombreux points, comme la majeure partie des orateurs qui se sont succédé, je serai brève afin que nous nous consacrions à l’examen des amendements. L’exposition du public aux ondes électromagnétiques n’est pas un sujet anodin. Elle est le point de rencontre et d’achoppement de problématiques diverses et contradictoires. Je dois vous dire que, sur ce texte, ma religion n’est pas faite. En tant que vice-présidente de la mission commune d’information sur le Mediator, j’ai pu constater que, sur ce type de sujets, nous avions toujours les mêmes réflexes, les mêmes peurs et, malheureusement, toujours les mêmes procédures et toujours le même retard. L’affaire du Mediator, comme vous le savez, a succédé de dix ans à l’affaire du Vioxx. Si les préconisations d’alors avaient été mises en pratique, les problèmes liés au Mediator auraient probablement été évités. Nous avons donc perdu dix ans, avec un scandale sanitaire majeur. Les rapports parlementaires n’ont jamais été pris en considération, et l’on peut se demander à quoi sert notre travail s’il ne se retrouve pas dans la loi. Nous traitons mal l’information dont nous disposons sur ce type de problèmes. Il convient aussi de recenser et de prendre en considération les lanceurs d’alertes, que ce soit l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dont les travaux sont notoirement inconnus, mais également les compagnies d’assurance ou les associations, autant de clignotants, autant d’indices à examiner. Je rentre d’un séminaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, sur les lanceurs d’alerte, qui s’est tenu aujourd’hui, et je dois dire que nous avons besoin d’améliorer les dispositifs, parcellaires, en la matière. Nous ne disposons même pas d’une définition claire du lanceur d’alerte ! Je veux bien admettre que certaines associations soient jugées fantaisistes, que certaines craintes ne soient probablement pas avérées, mais, dans l’absolu, nous avons connu des dossiers dans lesquels ces problèmes se posaient exactement de la même façon. Les questions de sécurité sanitaire et environnementale en sont des exemples patents. Dans les départements ruraux, l’inquiétude concernant l’exposition aux ondes électromagnétiques est également présente. Plusieurs acteurs de la société civile demandent le respect par les opérateurs de la recommandation de l’Agence européenne pour l’environnement, qui préconise de maintenir un seuil de 0,6 volt par mètre. La création de l’association Toxic Ondes, dans le département de l’Orne que j’ai l’honneur de représenter, reflète d’ailleurs cette inquiétude. Sur l’initiative d’une habitante d’Alençon, soucieuse des effets des ondes sur la santé de sa famille, Toxic Ondes a effectué en 2009 des mesures dans un appartement proche d’antennes relais. Elles ont permis de constater une intensité de 3 à 5 volts, un résultat bien au-delà des recommandations. Il s’agit donc d’un vrai sujet, qui intéresse les populations. Les ondes électromagnétiques sont aussi une source d’inquiétude parce que leur existence est naturellement impalpable. L’association Robin des Toits a beaucoup travaillé, depuis 2006, sur les implantations d’antennes, notamment près des écoles. Elle a finalement obtenu satisfaction, le sujet étant maintenant très réglementé, ce qui prouve tout de même que la société civile et les associations font également avancer les débats. Et heureusement qu’elles étaient présentes, car même le parlementaire le plus initié n’y aurait probablement pas prêté attention. C’est un enjeu sanitaire ; c’est également un enjeu de compétitivité et d’aménagement numérique. Il faut sortir du débat manichéen entre, d’un côté, les partisans de la modernité, et, de l’autre, les Cassandre qui voudraient freiner la modernité au motif que cela pose des problèmes techniques ou sanitaires.
C’est la raison pour laquelle je vous disais au début de mon intervention que ma religion n’était pas faite. Je ne suis pas certaine que chacun puisse appréhender la réalité des difficultés aujourd’hui. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques devrait opérer, sur ce type de dossier, des mises à jour, car la technologie évolue et les rapports, aussi bons soient-ils, ne sont parfois plus d’actualité une année plus tard.
Les travaux doivent se dérouler en toute indépendance, et je sais que la question des conflits d’intérêts est toujours en ligne de mire ; M. le rapporteur l’a évoquée. Il n’en demeure pas moins que nous devons légiférer sur les bases scientifiques les plus fiables possible, ce qui constitue toujours une source d’incertitude. M. Bruno Retailleau a mentionné les objets connectés, dont nous avons parlé récemment dans cet hémicycle à propos de la géolocalisation. J’avais cité à Mme Taubira un article intitulé : « Objets connectés, avez-vous donc une âme ? » Il suffit de répertorier, heure par heure, le nombre d’objets auxquels nous sommes connectés pour constater que nous le sommes de plus en plus. Il y a donc, d’un côté, une demande des consommateurs, qui cherchent un produit sur ce qui est devenu un marché, et, de l’autre, les risques qui y sont afférents. Il est évident qu’il existe, sur le sujet, beaucoup de contradictions. La concertation doit donc être approfondie entre les différents acteurs, ce que prévoyait le Grenelle des ondes. Notre collègue Chantal Jouanno, qui y avait activement participé, défendra d’ailleurs un certain nombre d’amendements. En substituant au principe de modération des objectifs de sobriété, la commission a, selon moi, mieux équilibré la question des connaissances scientifiques avec la réalité juridique des concepts, même si on peut évidemment en discuter. Quant à la procédure de concertation et d’information sur les projets d’installation d’antennes, l’article 1er clarifie le rôle du maire. Au cœur du dispositif d’installation, le maire pourra choisir, s’il le souhaite, une phase de concertation dont il sera l’arbitre tout en n’émettant pas d’avis à proprement parler, cette phase étant le préalable à l’autorisation donnée. La rédaction de la commission me semble, de ce point de vue, tout à fait pertinente. Le fait de prendre les meilleures mesures possible afin de protéger les populations à risque, dont les enfants, me semble être une évidence. Sur ce sujet potentiellement anxiogène, il faut mesurer notre propre degré d’anxiété, ainsi que nos capacités de légiférer. Un travail d’éducation doit en outre être engagé. Lorsque je vois, notamment aux États-Unis, des jouets connectés destinés à de très jeunes enfants, comme des iPad pour des enfants de deux ou trois ans, je m’inquiète de l’évolution de cette société de consommation qui nous pousse de plus en plus vers ce type d’objets dont on ne peut aujourd’hui mesurer exactement les effets. Nous avons déposé un certain nombre d’amendements. Je pense que le groupe UDI-UC, dans sa très grande majorité, s’abstiendra sur ce texte. Encore une fois, à titre personnel, j’attendrai la fin des débats pour me faire une opinion. (M. Bruno Sido manifeste son impatience.) Il s’agit d’un sujet important et, monsieur le président, je pense qu’il faut absolument trouver un moyen, lors de la prochaine législature, d’assurer le suivi de ces dossiers essentiels par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)