Les interventions en séance

Justice
17/05/2011

«Projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale - Explication de vote»

M. Jean-Jacques Pignard

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, n’étant pas membre de la commission des lois, je ne pensais pas intervenir ce soir, mais j’y suis incité par les arguments qui ont été développés tant par Mme Catherine Tasca que par MM. Jean-Pierre Michel et Jean-Pierre Sueur. Je pense notamment à l’argument qui consiste à s’écarter de la loi pour évoquer la philosophie. J’ai bien entendu tout ce qui a été dit sur la démocratie chrétienne en 1945. Comme je me flatte d’être aussi, dans cet hémicycle, un de ses représentants, je souhaite répondre sur certains points concernant la philosophie de ce texte. C’est une évidence pour tous, nous ne sommes plus en 1945. J’adhère aux propos tenus par Mme Tasca. On n’est pas mineur de deux façons. Aujourd’hui, du point de vue de leur mode de vie et sur le plan physique, les jeunes de dix-huit ans ne sont plus des enfants. Mais, si on les compare à ceux de 1945, ils sont plus enfants pour nombre de raisons, en particulier parce qu’à l’époque 80 % de la classe d’âge travaillait dès 14 ou 15 ans. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.) Ceux qui étaient des délinquants se situaient précisément hors de ce système, que nous avons changé du tout au tout. Nous avons eu aussi ce débat à propos de la réforme des retraites. Je veux bien que l’on évoque à tout moment le Conseil national de la Résistance, et j’ai beaucoup de respect pour les décisions qu’il a prises, d’autant qu’y siégeaient également des démocrates-chrétiens. L’ordonnance de 1945 est de cette époque. Nous avions deux façons de procéder, la première étant de faire comme si nous étions toujours en 1945 et de ne rien changer. L’autre façon, que je qualifierais de sécuritaire, était de dire qu’on allait s’occuper uniquement de la société, et non des jeunes. Pour cela, il fallait tout simplement baisser l’âge de la majorité. C’est précisément – cela a été exposé au début du débat – ce que le Gouvernement n’a pas voulu. Entre ne rien faire et faire comme si rien n’avait changé, il existe une voie médiane, peut-être démocrate-chrétienne, peut-être centriste, que sais-je ? Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons nier cette réalité. Monsieur Sueur, vous dites que le tout-répressif remplace le tout-éducatif. Permettez-moi de vous dire qu’une chose a changé depuis 1945 : je ne pense pas que les conseils généraux – je ne sais si vous êtes ou si vous avez été membre d’un conseil général – dépensaient des sommes aussi élevées en 1945 qu’aujourd’hui en faveur de la protection de l’enfance. Je peux témoigner – et je reprends votre expression, je ne suis pas « en service commandé » –, pour être vice-président du conseil général du Rhône depuis vingt ans aux côtés de Michel Mercier, que le département consacre un budget énorme à la protection de l’enfance. Je ne peux donc laisser dire ce soir que le tout-répressif s’est substitué au tout-éducatif. Pour autant, je suis navré de le dire, il est un moment où le tout-éducatif a une limite. Lorsqu’elle a été franchie, que la société a investi tout l’argent et tout le talent qu’elle possédait pour essayer de faire quelque chose, la justice doit dire son mot.